La fin de l’année approchant, les investisseurs font face à des marchés actions au plus haut et une actualité politique et économique chargée durant les prochaines semaines. Les performances réalisées au cours des trois premiers trimestres peuvent inciter à la prudence mais pas à la peur.
À l’heure où la montagne et l’alpinisme sont mis en lumière auprès du grand public suite à l’immense succès du documentaire retraçant l’ascension de l’Everest par le Youtuber star Inoxtag, j’ai trouvé que cette citation du metteur en scène suisse Urs Odermatt venait illustrer ce que nous ressentons actuellement face aux records en série des marchés actions, américains principalement.
Avant d’étayer quelques idées concernant ces derniers, j’observe avec amusement que les choses de la vie font régulièrement preuve d’une certaine ironie, y compris sur les marchés financiers. En effet, joli clin d’œil que de voir une jeune star d’internet prôner le lâcher prise face à l’addiction aux écrans et le retour au « vrai ». Que l’on ait aimé ou non ce documentaire et que sa démarche soit sincère ou principalement commerciale, le film nous rappelle l’importance de la réalité et du concret face au virtuel et à l’intangible dont nous nous abreuvons souvent sans relache.
Les financiers connaissent bien le sujet des écrans. Les informations qu’ils nous dispensent peuplent nos journées. Là encore, ironie oblige, nous y cherchons régulièrement le futur alors qu’ils ne nous montrent que le passé.
Au travers de ces écrans nous voyons aujourd’hui que les actions sont au plus haut. Le cap symbolique des 6’000 points sur l’indice S&P 500 est en vue et certains pensent que nous l’atteindrons encore cette année. Je partage l’avis d’Urs Odermatt dans le cas présent, c’est l’escalade qui compte et cette dernière me semble personnellement possible.
Nul besoin de rentrer dans une classique bataille d’arguments et de contre arguments concernant la direction à venir du marché ces prochaines semaines. Dans le cas présent, les deux camps ont de solides raisons de penser que tant une poursuite de la hausse qu’une consolidation sont réalistes. Ce qui nous intéresse c’est le déclencheur, le grain de sable qui viendrait gripper la si résiliente dynamique économique (et boursière !) américaine.
Deux éléments semblent en mesure de pouvoir dérégler la machine. Le premier serait d’ordre électoral avec un Donald Trump potentiellement battu dans les urnes mais non disposé à reconnaitre sa défaite…L’épisode du Capitole nous a prouvé que rien n’est acquis sur ce terrain.
Le second, et c’est peut-être là que nous sommes largement trop complaisants devant une situation clairement identifiée, concerne la trajectoire de la dette américaine et le coût de son service. L’évolution du cours de l’or et les niveaux records d’actifs placés dans des fonds «money market» peuvent être interprétés comme des signes d’une confiance amoindrie des investisseurs vis-à-vis de la situation financière des États-Unis. De plus, on ne peut pas vraiment dire que les deux candidats à l’élection présidentielle parlent d’austérité dans leur programme respectif…bien au contraire.
À cela s’ajoute en toile de fond, l’hypothèse d’une dégradation abrupte de la géopolitique, notamment au vu des récentes manœuvres chinoises autour de Taiwan ou encore de l’élargissement du conflit Israélien. Rappelons-nous que bien peu croyait à une invasion en Ukraine jusqu’à…ce qu’elle ne survienne. L’humilité de ne pas se croire devin une vertu dans le cas présent.
Les esprits les plus chagrins ajouteront enfin au tableau que les valorisations de certaines valeurs technologiques ressemblent à une bulle et que l’intelligence artificielle est une «hype». Ce n’est pas vraiment mon point de vue. Les excès boursiers font partie du processus et entraineront des déconvenues mais les carnets de commande des acteurs du secteur des semi-conducteurs et plus largement ceux d’entreprises actives dans l’écosystème lié à l’avènement de l’IA montrent bien qu’il ne s’agit pas seulement d’espoirs mais bien de faits.
Soyons honnêtes les marchés financiers nous ont déjà beaucoup donné cette année, probablement plus que la plupart d’entre nous ne l’espérait après un cru 2023 qui était déjà bon. Bien sûr la nature humaine en veut plus. Plus de performance, plus de certitude, plus de tout en définitive…Comme le dit le dessinateur Bill Watterson (Calvin et Hobbes), «le bonheur ne me suffit plus, j’exige l’euphorie».
C’est bien cette euphorie qu’il faut craindre, elle est généralement annonciatrice de temps difficiles. Les marchés actuels ne présentent pas vraiment d’euphorie globale. Ils reflètent des investisseurs optimistes, faisant régulièrement fi de mauvaises nouvelles, d’un environnement international dégradé et, comme indiqué plus haut, d’une croissance de la dette des états inquiétante. Mais l’euphorie boursière ce n’est pas exactement ça…Le secteur de la technologie a notamment connu l’euphorie en 2020. Il en est désormais revenu, probablement plus robuste et débarrassé de nombreux acteurs dont les promesses n’engageaient finalement que ceux qui les croyaient.
En définitive, l’optimisme mesuré semble être un chemin empruntable pour terminer l’année dans les portefeuilles. Que le «sommet» se trouve à 6’000 points sur le S&P 500 ou ailleurs nous ne le verrons de toute façon qu’après coup sur nos écrans. «L’escalade» pour y parvenir sera quant à elle bien réelle et comme le décrit Urs Odermatt c’est elle qui va compter pour les investisseurs. Celles et ceux qui sauront la rendre moins périlleuse en seront probablement récompensés.