L’incertitude plane sur les revenus, mais les obligations restent attrayantes

Chris Iggo, AXA IM

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Une guerre commerciale n’est une bonne chose pour personne. Si elle se concrétise, elle aura un effet négatif sur l’inflation et la croissance.

Elle aura sans doute des répercussions aussi bien sur les marchés des États-Unis que de la Chine, ainsi que sur les résultats individuels des entreprises. En outre, elle ne résoudra pas davantage les problèmes commerciaux des États-Unis. Mais les investisseurs resteront en mode d’attente jusqu’à ce que les détails du programme du président élu Donald Trump ne se dessinent plus clairement. Pour l’heure, nous pensons que les perspectives sont bonnes pour les obligations. Le crédit est cher à certains égards, mais les revenus d’un portefeuille d’obligations devraient être facilement supérieurs à l’inflation tout au long de l’année à venir.

Une guerre commerciale nous guette-t-elle?

En 2016, lorsque Trump a été élu pour la première fois à la présidence des États-Unis, la Chine comptait pour 22% dans le total des importations américaines. Entre-temps, cette part est tombée à 13,5%. Dans le même temps, les États-Unis représentaient alors 18% du total des exportations chinoises, contre moins de 15% aujourd’hui. Trump a menacé d’imposer des droits de douane de 60% sur le reste des exportations chinoises vers les États-Unis. Même si la Chine est actuellement moins dépendante des États-Unis, cela resterait un coup dur. Je me trouvais à Pékin au même de l’élection présidentielle américaine. J’ai eu l’impression que la Chine répliquerait probablement à tout nouveau droit de douane imposé par les États-Unis, en annonçant de nouvelles mesures visant à résoudre le problème de sa crise immobilière et à stimuler la demande intérieure. Le calendrier des annonces politiques provenant de Washington et de Pékin n’est pas clair. Chacun des deux camps pourrait réagir en fonction de ce que fait l’autre. Ce qui est clair, c’est que les perspectives pour le commerce mondial et le sentiment des investisseurs dépendent amplement de la tournure que prendra la relation sino-américaine sous la nouvelle administration Trump. Cela aura des répercussions sur les volumes d’échanges, les ventes des entreprises et les évaluations du marché.

Des schémas évolutifs 

Le commerce mondial a évolué en réponse à un monde plus protectionniste. Par rapport à 2016, tant le Mexique que la zone euro détiennent des parts de marché américain plus importantes que la Chine. Le Mexique, en tant que plus grand pays exportateur vers les États-Unis, risque d’être affecté par le protectionnisme trumpien, tout comme le Canada, d’ailleurs. Quant à elle, la Chine a diversifié ses exportations. Le reste de l’Asie y occupe désormais une place plus importante que les États-Unis et l’Union européenne (UE). Sur le volume total des exportations chinoises, la part des biens acheminés vers le reste de l’Asie est passée d’environ 5%, en 2000, à autour de 18% aujourd’hui. Cela s’explique par la proximité géographique, mais aussi par la place qu’occupe la Chine dans de nombreuses chaînes d’approvisionnement mondiales, en particulier dans les domaines de la technologie et des biens de consommation durables.

D’aucuns sont d’avis que la Chine a tenté d’éviter les droits de douane américains en détournant ses exportations et sa production vers l’Asie. Si c’est le cas, nous pouvons nous attendre à ce que le protectionnisme américain élargisse ses cibles. La Chine a également été accusée de pratiquer du «dumping», c’est-à-dire de détourner vers d’autres pays, à des prix réduits, des marchandises qui étaient initialement destinées au marché américain, nuisant ainsi aux entreprises locales. La décision de l’UE d’augmenter les droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois est encore un exemple de la direction malencontreuse qu’est en train de prendre le commerce mondial.

Mauvais choix politiques 

L’imposition de droits de douane a souvent une justification logique, si les produits importés bénéficient de subventions dans leur pays d’origine, par exemple, ou s’il existe des preuves évidentes de dumping. En revanche, il n’est pas vraiment logique de se servir des droits de douane pour tenter de réduire les déficits commerciaux du pays. Actuellement, les États-Unis accusent un déficit extérieur de plus de 3% du PIB. La théorie économique nous enseigne qu’un déficit de la balance des paiements reflète le déséquilibre entre l’épargne nationale et les dépenses de consommation et d’investissement nationales. Si les États-Unis veulent réduire leur déficit courant, ils doivent donc épargner davantage et dépenser moins. Selon les principes économiques de Keynes, cela débouche sur une croissance plus faible.

Le cas échéant, les prix relatifs (à savoir les taux de change, que les droits de douane peuvent influencer en termes réels) peuvent amener une modification des choix en matière d’épargne et de consommation, mais cela ne se produira guère sur la courte durée d’un mandat présidentiel de quatre ans. La véritable solution pour réduire le déficit commercial des États-Unis n’est pas celle qui a été vendue aux électeurs. Les droits de douane auront pour effet soit de réduire les marges des entreprises (pour les sociétés importatrices), soit, plus vraisemblablement, d’entraîner une hausse des prix pour les consommateurs. Paradoxalement, il est plus probable que le dollar reste fort, ce qui, toutes choses restant égales par ailleurs, résulterait en une augmentation des importations nettes vers les États-Unis.

Ce n’est qu’un des éléments du programme politique de Trump qui pourraient avoir des conséquences négatives sur l’économie et les marchés. Les réductions fiscales et l’augmentation des emprunts publics en sont d’autres. Une éventuelle attaque idéologique contre les budgets du gouvernement fédéral en constitue encore une autre. On y trouve aussi des propositions portant sur l’immigration, les subventions environnementales et d’autres questions sociales. Il n’est donc pas étonnant que le mot qui, depuis le 5 novembre, revient le plus souvent dans les commentaires sur les marchés, soit «incertitude».

L’opinion générale demeure positive 

Incertitude et suffisance ne font pas bon ménage. Mais lorsqu’il s’agit d’investir, ce qui compte, c’est de savoir si les risques se concrétiseront et perturberont les flux de trésorerie ou l’évaluation des actifs. Pour l’instant, il est difficile de juger dans quelle mesure le programme de Trump sera mis en œuvre, et à quel rythme. Les perspectives économiques centrales restent saines. La croissance américaine devrait rester supérieure à son taux tendanciel. Cela limite quelque peu l’ampleur éventuelle des abaissements de taux de la Réserve fédérale (Fed). Le taux des fonds fédéraux pour la fin de l’année 2025, tel qu’il est anticipé par le marché, est actuellement de 3,9%, ce qui laisse présager trois paliers d’abaissement supplémentaires, de 25 points de base chacun, au cours de l’année à venir. Si cela coïncide avec une politique plus expansionniste sous Trump, cela ne laisse que peu de place à une baisse significative des rendements obligataires.

Le crédit est attractif 

Les banques centrales maintiendront toutefois leurs dispositions d’assouplissement. Cela confirme la persistance d’un point de vue positif sur les titres à revenu fixe. L’inflation se maintient peut-être légèrement au-dessus des niveaux visés par les banques centrales, mais les taux d’intérêt réels restent élevés et, après un atterrissage en douceur plus ou moins réussi, les banques centrales voudront préserver l’expansion économique en assouplissant encore légèrement leur politique monétaire. Par ailleurs, comme les États-Unis seront sans doute stimulés par les réductions de l’impôt sur les sociétés et la déréglementation, et que l’Europe peut espérer bénéficier de nouveaux abaissements de taux, les perspectives pour le crédit aux entreprises restent positives. Les crédits de qualité offrent un rendement d’environ 5,25% sur le marché du dollar américain, de 5,5% en livre sterling et de plus de 3% en euros. Les gestionnaires de fonds de crédit peuvent trouver des rendements encore plus intéressants que ces moyennes de marché, produisant ainsi des perspectives de rendement saines, dominées par les revenus. Rien que ces trois derniers mois, le marché américain des obligations de première qualité a généré un rendement de près de 4,6% en termes annualisés. Pour le segment du haut rendement américain, ce taux est d’environ 6,5%.

Mais est-il (trop) cher?

Lors de conversations avec des clients, ceux-ci ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’évaluation des marchés du crédit. Les écarts sont faibles, c’est certain (même si les rendements globaux sont sains). Dans tout cela, certains détails valent cependant la peine d’être examinés. L’usage veut que les rendements des obligations d’entreprises soient comparés à ceux des obligations d’État de même échéance - une méthode que l’on désigne communément par «spread versus govies» (écart par rapport aux obligations d’État). Selon cet indicateur, le crédit américain est extrêmement cher, les écarts se situant dans le premier centile inférieur de cette distribution des dix dernières années (en se basant sur les observations hebdomadaires de la base de données obligataires ICE/Bank of America). Il existe toutefois une autre façon d’examiner les écarts, en comparant les rendements des obligations d’entreprise à la courbe des swaps de taux d’intérêt. Cela produit un récit quelque peu différent. Les écarts sont étroits, mais certainement pas dans la mesure que le laisse supposer l’écart par rapport aux obligations d’État. Pour être complet, il convient de noter que les spreads de crédit européens se situent à des valeurs moins extrêmes que ceux des États-Unis, et ce, pour les deux mesures de spread.

Les obligations d’État se déprécient 

On entend dire que les obligations d’État sont devenues moins chères. Les rendements des obligations d’État sont supérieurs à la courbe des swaps de taux d’intérêt, notamment à l’extrémité longue de la courbe des rendements. Depuis un certain temps déjà, c’est le cas aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais cela a récemment commencé à se manifester sur le marché de l’euro. Les marchés des obligations d’État sont davantage influencés par des facteurs relevant de l’offre et de la demande: pendant la période d’assouplissement quantitatif, l’énorme demande émanant des banques centrales a fait que les obligations d’État se sont renchéries, avec des rendements se situant en-dessous de la courbe des swaps de taux d’intérêt. Aujourd’hui, on craint plutôt une offre excédentaire, car les gouvernements peinent à faire baisser le volume des emprunts. Pour les investisseurs dont l’indice de référence est constitué de swaps, dont par exemple de nombreuses compagnies d’assurance, la hausse des rendements obligataires (par rapport aux swaps) a créé un contexte de performance plus difficile.

Il s’agit d’une situation compliquée, à caractère très technique, mais elle nous permet de conclure que les perspectives budgétaires ont un impact négatif sur la valorisation des obligations d’État. On peut aussi en déduire que le crédit n’est peut-être pas aussi exagérément cher que semble l’indiquer la simple aulne du «spread versus govies». Il n’en reste pas moins que le crédit n’est pas bon marché, les prix actuels étant soutenus par de bons fondamentaux et une forte demande. Un moment viendra peut-être où certains investisseurs pourraient estimer qu’en termes de valeur relative, les obligations d’État sont suffisamment décotées pour redevenir intéressantes, compte tenu d’une courbe des taux d’intérêt à terme qui pourrait encore s’infléchir.

Trump pour les actions 

Les marchés d’actions continuent de refléter l’approche commerciale de Trump. Le mois dernier, les marchés boursiers les plus performants ont été principalement les indices américains - les petites et moyennes capitalisations, les indices de croissance et le Nasdaq. Dans un proche avenir, la perspective d’une baisse de l’impôt sur les sociétés et la vigueur du secteur technologique devraient contribuer à maintenir la surperformance des actions américaines. Il suffit de voir les résultats de Nvidia, qui a surpassé les estimations de revenus pour le troisième trimestre, en réalisant un chiffre d’affaires de 35 milliards pour cette période. Le cours de l’action a augmenté de 196% depuis le début de l’année.

Les revoilà 

Dieu merci, le football à part entière est de retour ce week-end. Pour Manchester United, c’est le début d’une nouvelle ère. Mon enthousiasme durera au moins jusqu’à ce dimanche, mais j’espère qu’il se prolongera au-delà, car les rapports laissent entrevoir un style de jeu différent pour l’équipe, comme en témoignent également les séances d’entraînement de cette semaine. Manchester United a déjà perdu quatre matches de Premier League cette saison. Il faut espérer que dorénavant, il n’en perde plus beaucoup et qu’il dispose d’une bonne marge de manœuvre pour pouvoir remonter au classement. Boa sorte, Ruben!

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