Enfin une innovation financière européenne

Emmanuel Garessus

5 minutes de lecture

L’expansion des plans d’épargne en ETF progresse vivement en Europe sous l’effet des plateformes digitales et de l’attrait des ETF, analyse Christian Bimüller, de BlackRock.

 

Cette innovation est européenne. Les plans d'épargne en ETF avancent à grands pas, selon une étude réalisée par extraETF, un portail allemand pour investisseurs. Ces plans s’adressent à un public jeune souhaitant investir même avec des moyens financiers limités. Dans certains pays, ils permettent des investissements mensuels à partir d'un euro seulement, à des coûts extrêmement faibles, dans des fonds indiciels (ETF).

Selon cette étude, le nombre de plans d'épargne en ETF exécutés chaque mois en Europe continentale a augmenté de près de 42% en 2024, atteignant 10,8 millions, avec un volume d'épargne annuel de 17,6 milliards d'euros. Ces chiffres sont à comparer aux 7,6 millions de plans d'épargne en ETF pour un volume d'épargne annuel de 15 milliards d'euros fin 2023.

Les perspectives sont énormes puisque selon extraETF le nombre de plans d'épargne en ETF exécutés régulièrement (mensuellement, trimestriellement, etc.) devrait atteindre 32 millions d'ici 2028.

L'Allemagne occupe une place centrale dans l'émergence et le développement de ce marché, avec 9,5 millions de plans d'épargne en ETF en septembre 2024 pour 15,6 milliards d'euros d'épargne.

La Suisse découvre ce marché cette année, notamment grâce à des solutions proposées par Postfinance, Swissquote, Yuh ou encore Neon. Christian Bimüller, responsable de la distribution digitale en Europe continentale chez BlackRock, répond aux questions d’Allnews sur ces nouveaux développements:

Comment les plans d'épargne en ETF sont-ils structurés?

Les plans d'épargne en ETF consistent en des paiements réguliers récurrents, souvent mensuels, dans des plans d'investissement, principalement accessibles sur des plateformes de courtage, selon un contrat d'exécution. L'épargnant s’adresse à son courtier ou sa banque, ouvre un compte d'investissement et investit un montant fixe mensuellement (ou selon l'intervalle choisi), ce qui donne accès à différents types d’instruments, tels que les ETF.

«Le nombre de plans d'épargne en ETF exécutés chaque mois en Europe continentale a augmenté de près de 42% en 2024».

Une des originalités réside dans la possibilité de démarrer un tel plan avec un montant aussi modeste qu’un euro.

L'infrastructure est si innovante qu'elle permet d’acheter des fractions de produits. Si par exemple un ETF coûte 10 francs, il est possible de l'acheter pour 1 franc. Peu importe le cours d’un produit, l'épargnant reçoit un investissement en fonction du montant investi, grâce à la possibilité d'acheter des fractions de fonds. Le cours de l'ETF peut varier, mais le montant investi restera fixe et sera exécuté chaque mois.

S'agit-il d'une innovation américaine récemment arrivée en Europe?

Les plans d'épargne en ETF constituent un phénomène européen. Nous avons mené des discussions à ce sujet avec nos collègues américains, y compris en Amérique du Sud. Ils se révèlent très intéressés par cet instrument. Le concept n’en est toutefois qu’à ses premiers pas en Amérique. Cela montre que l’Europe peut être innovante. C’est l’Europe qui a créé ce fantastique instrument d’investissement.

Est-ce que cette innovation nécessite un changement d’état d’esprit et à sortir de l’idée d’acheter au plus bas pour revendre au plus haut pour privilégier un acte d’épargne?

Les investisseurs doivent simplement penser au montant fixe à investir mensuellement, avec une perspective à moyen ou long terme, sans se préoccuper du cours de l'instrument. Une nouvelle fonctionnalité est offerte aux épargnants. Ce dernier peut choisir au sein d’une large gamme d’ETF quel produit il a l’intention d’acheter, qu’il s’agisse d’un ETF obligataire ou en actions. Les produits préférés sont les ETF sur les indices boursiers les plus populaires.

Quels sont les facteurs d’incitation et d’attraction?

Nous pouvons analyser les facteurs clés à partir du cas de l’Allemagne, où les plans d’épargne en ETF ont démarré avant qu’ils ne soient populaires dans d’autres pays. Les ETF sont des véhicules flexibles, à faible coût et avec un accès facilité. Un plan d’épargne en ETF est accessible à partir d’une fraction d’ETF. Tel est le secret de leur succès.

Le prix à partir duquel un nouvel investisseur peut s’engager sur les marchés financiers est dorénavant très modeste. L’incitation vient de là. Les investisseurs qui veulent investir sont à la recherche d’un point d’entrée à un petit montant. Les jeunes investisseurs peuvent démarrer en utilisant ces plateformes digitales et en profitant de frais très modestes. Il n’est plus nécessaire de débuter avec 10'000 francs. Quelques francs suffisent. Nous avons constaté que nombre de jeunes pensent encore qu’il faut une grande somme pour commencer à investir. C’est une idée reçue. En Suisse, il est maintenant possible de commencer à investir dans un plan d’épargne en ETF pour le prix d’une tasse de café.
Le produit disponible, l’ETF, est un instrument très transparent qui permet aux investisseurs de comprendre et de suivre sa composition.

Quel est l’horizon d’investissement du public qui est visé, sachant qu’un jeune investisseur ne pense pas au long terme?

L’épargnant sait qu’il doit investir à long terme mais il en ignore la raison, qu’il s’agisse de la retraite, du financement des études universitaires, de l’achat d’une voiture ou d’un logement. 

Le succès des plans d’épargne en ETF vient de leur structure parce qu’elle permet une totale flexibilité de son investissement. L’épargnant peut vendre ses ETF à tout moment et n’importe quel jour. Il peut arrêter d’épargner et utiliser ses économies s’il le désire, sans nécessairement attendre sa retraite. S’il vend, la plateforme exécute l’ordre, y compris pour les fractions de produits en portefeuille. À l’inverse, s’il en a envie, il peut accroître son plan d’épargne en ETF.

Pourquoi ces produits sont-ils lancés maintenant? N’était-ce pas possible plus tôt?

C’est le résultat d’une combinaison de facteurs. L’adoption progressive des plateformes digitales en en fait partie, des néo-banques aux courtiers en ligne. Ces acteurs ont introduit des solutions à faible coût, avec une culture d’innovation qui plait à la jeune génération et qui permet à l’investisseur de gérer son épargne de façon autonome et directement depuis son smartphone.

Un autre facteur vient de l’attrait croissant des investisseurs pour les ETF et la gestion indicielle. Cet élément répond parfaitement à la demande d’investissements transparents, faciles à comprendre, abordables, et qui permet de diversifier largement un portefeuille.

Les plans d’épargne en ETF émergent en ce moment parce qu’ils représentent l’aboutissement de tendances apparues lors de la pandémie, à savoir l’accélération de la digitalisation et la création de produits adaptés aux plateformes numériques.

Les plans d’épargne en ETF sont-ils simples à utiliser, non seulement pour investir, mais aussi sur le plan administratif et fiscal?

Oui. C’est un compte d’investissement ou un compte de courtage normal. Le traitement fiscal est le même que pour tout autre investissement. Habituellement, l’établissement bancaire ou le courtier fournit les documents nécessaires aux autorités fiscales du pays concerné. L’épargnant doit répondre aux questions habituelles lorsqu’il ouvre un compte, y compris sur son profil de risque. Ensuite, il lui revient de décider dans quels ETF investir, en fonction de l’offre de la plateforme.

Pourquoi tout a-t-il commencé en Allemagne?

L’Allemagne est le leader du marché parce que la concurrence y est forte en matière de plateformes digitales, tant en termes de taille que de nombre d’acteurs. Il existe environ 20 acteurs entièrement digitaux au service des investisseurs. Cette concurrence renforce l’innovation technologique, laquelle a permis d’introduire l’investissement dans des fractions d’ETF ou d’actions, et innover aussi en termes de structure de prix. Le marché des plans d’épargne en ETF grandit maintenant avec l’arrivée de nouveaux acteurs et de nouveaux produits. Il existe 10,8 millions de plans d’épargne en ETF exécutés chaque mois en Europe continentale, dont 9,5 millions en Allemagne. 

«En Suisse, il est maintenant possible de commencer à investir dans un plan d’épargne en ETF pour le prix d’une tasse de café».

Il n’existe pas de différence entre les plans d’épargne d’un pays à l’autre. L’Allemagne a simplement précédé les autres pays. L’attractivité du concept s’est accélérée sur le continent. Une autre nouveau a émergé: certains acteurs internationaux ont aussi commencé à offrir ce service dans différents pays.

Si le marché corrige, l’épargnant reçoit-il une alerte et une recommandation d’accroître son investissement?

Non, le concept est fondé sur l’autonomie de l’investisseur et un contrat d’«excution only». La plupart des plateformes ne fournissent pas de conseils et laissent l’investisseur se déterminer. Le conseil des plateformes se limite à la formation sur les produits, sur les investissements et sur la fonctionnalité de la plateforme. Parfois, on trouve également des outils d’aide à la décision.

Quelle est la performance d’investissement des investisseurs qui ont adopté ce concept?

La performance doit être alignée sur celle des indices sous-jacents.

Ces plans permettent des investissements bon marché, mais n’y a-t-il pas des frais cachés?

Les frais sont généralement faibles car les produits sont des ETF, auxquels s’ajoutent des frais d’exécution qui varient selon l’institution et les différents services proposés aux investisseurs. Le plan d’épargne en ETF est un marché à faible margeparce qu’il est le fruit d’un processus hautement automatisé et entièrement digital.  

Que pensez-vous du développement de ce marché en Suisse?

Ce marché s’est accéléré en 2024. Le plan d’épargne en ETF est un outil d’investissement supplémentaire. Le client doit le comprendre et s’y accoutumer. Les jeunes l’apprécient parce qu’ils le découvrent à travers des plateformes digitales. Les mêmes tendances observées en Europe se confirment en Suisse. Rien ne s’oppose à ce que son développement soit similaire à celui qu’à connu l’Allemagne.

En plus des distributeurs basés en Suisse, nous voyons également des acteurs internationaux élargir leur offre en Suisse. Chez nos voisins, le marché a démarré en 2014 et ail a fallu deux ou trois ans avant d’attirer réellement une demande significative.

En Europe continentale, en 2023, 500’000 plans d’épargne étaient exécutés mensuellement hors d’Allemagne. Cette année, ce chiffre a bondi à 1,3 million, porté par une augmentation des acteurs locaux et internationaux.

Est-ce que les banques traditionnelles craignent de voir des clients être attirés par des instruments à plus faible marge que chez eux?

Peut-être à court terme, mais à long terme, elles peuvent bénéficier de l’augmentation de la fortune des investisseurs et des épargnants, ainsi que leur demande de nouveaux services. Il en va de même pour BlackRock. Notre objectif est d’aider chacun à atteindre un bien-être financier, et les plans d’épargne en ETF sont un moyen supplémentaire d’y parvenir grâce à des investissements à long terme qui contribuent au développement des marchés financiers. Cet outil d’investissement novateur permet de démocratiser davantage l’accès à l’investissement.

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