Les rendements robustes semblent continuer sur leur lancée

Chris Iggo, AXA IM

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Les entreprises et les consommateurs se portent bien. L’environnement reste favorable aux actions, qui sont susceptibles de créer une plus-value du capital, et aux obligations, qui peuvent générer des revenus stables.

Les situations combinées du chômage et de l’inflation aux États-Unis laissent présager que la Réserve fédérale (Fed) poursuivra petit à petit l’assouplissement de sa politique monétaire. Cette année, on attend encore deux paliers d’abaissement de 25 points de base (pb) chacun. Pour que la Fed se dirige vers un niveau neutre, il faudrait sans doute que l’inflation recule encore quelque peu et que le marché de l’emploi se détende davantage, mais les choses semblent en bonne voie. Sous le capot, la mécanique des marchés semble bien huilée. Les entreprises et les consommateurs se portent bien. L’environnement reste favorable aux actions, qui sont susceptibles de créer une plus-value du capital, et aux obligations, qui peuvent générer des revenus stables. Et, sait-on jamais? Il pourrait même y avoir d’agréables surprises à la hausse si l’on considère les scénarios mondiaux envisagés pour 2025, même si les nouvelles actuelles sont peu réjouissantes.

Peu à peu, tout doucement 

L’envolée des obligations est terminée pour l’instant, car les prévisions concernant l’évolution des taux d’intérêt américains ont été rajustées, une fois de plus. Cela s’explique principalement par le fait que le récent rapport sur le marché du travail américain a révélé des chiffres plus élevés que prévu pour septembre, avec 254’000 emplois créés, contre 150’000 attendus, tandis que le taux de chômage est retombé à 4,1%, contre 4,2% en août. Il va sans dire que personne, et encore moins la Fed, ne devrait réagir sur la base d’une seule série de données, mais ce rapport sur l’emploi a permis au marché d’intégrer un peu plus de réalisme quant aux futurs abaissements de taux. Certains ont critiqué la Fed pour avoir réduit ses taux de 50 points de base le 18 septembre. C’est injuste. Par ailleurs, la Fed n’a jamais laissé entendre qu’elle allait continuer à assouplir sa politique monétaire par paliers de 50 pb. En réalité, les taux d’intérêt réels à court terme sont plutôt élevés et potentiellement restrictifs, et l’économie est bien partie pour réussir un atterrissage en douceur. La moyenne mobile, sur trois mois, des chiffres de la masse salariale laisse supposer un taux de croissance de l’emploi d’environ 1,2%, en glissement annuel. Ce chiffre est raisonnable, mais il est inférieur au taux de croissance de l’emploi américain enregistré en dehors des périodes de récession. Le scénario de l’atterrissage en douceur demeure néanmoins largement incontesté.

Retour des acheteurs? 

Le repli des prix des obligations pourrait inciter les acheteurs potentiels à s’engager à nouveau dans ce marché. On estime que la Fed procédera à deux nouveaux abaissements cette année, de sorte que le taux des fonds fédéraux s’établira à 4,5%. Étant donné que le taux d’inflation de base des prix à la consommation s’élevait à 3,3% en septembre, les taux courts réels restent solidement en zone positive. Il s’agit d’un environnement qui reste propice aux titres à revenu fixe. Pour cette année, les rendements totaux des obligations internationales pourraient se situer autour de 3,0%, avec un premier trimestre négatif, un deuxième trimestre stable, puis, au troisième trimestre, un rendement supérieur à l’évolution tendancielle. Pour l’année prochaine, il semble raisonnable de placer les attentes à un niveau comparable ou légèrement supérieur et, au vu des écarts actuels, d’envisager des gains plus importants sur les marchés du crédit.

Des valorisations élevées sur les marchés obligataires 

Le contexte macroéconomique est favorable aux titres à revenu fixe, même s’il faudra compter avec les risques découlant d’une politique de reflation au cas où Donald Trump l’emporte en novembre. De façon générale, les valorisations suscitent toutefois des inquiétudes. Les courbes de taux suivent une logique axée sur un atterrissage en douceur, de sorte que les paris faits sur la direction que prendront les taux d’intérêt seront soit d’ordre non consensuel, soit des réponses tactiques à des variations sur le court terme. Pour ce qui est du crédit, les écarts sont étroits dans toutes les catégories de notation et dans toutes les devises. Le crédit se situe dans la tranche la plus chère de sa valorisation relative par rapport à un swap de référence, et cette tendance est plus prononcée aux États-Unis qu’en Europe. Il s’en suit que le rendement excédentaire du crédit est quelque peu limité (portage) alors qu’il existe un risque asymétrique en termes de mouvements potentiels des spreads (c’est-à-dire qu’il y a plus de marge de manœuvre pour leur élargissement que pour leur rétrécissement).

Les rendements et les revenus sont néanmoins attrayants 

En termes de rendement global, le crédit reste cependant attrayant, car les revenus sont encore bien supérieurs à leurs niveaux d’avant le resserrement de la politique monétaire. Les taux d’intérêt sont en baisse, de sorte que le crédit bénéficie graduellement d’une meilleure valeur relative par rapport à l’argent liquide. De plus, les fondamentaux du crédit sont solides, la demande est forte et, malgré le fait que le volume des émissions obligataires ait augmenté cette année, les tendances techniques du marché sont également positives. Le secteur des pensions au Royaume-Uni en est une illustration. Les régimes de retraite à prestations définies y maintiennent leur tendance à conclure des accords de rachat avec les compagnies d’assurance, ce qui au cours des prochaines années devrait représenter un montant annuel de 50 à 60 milliards de livres sterling. Les assureurs désireux d’acquérir des actifs des fonds de pension cherchent à maximiser l’écart entre les actifs et le taux de swap, de sorte que lorsque les écarts de crédit s’élargissent, ils se portent acheteurs. Comme c’est le cas pour les taux d’intérêt, il est probable que la demande de crédit sur les marchés des titres à revenu fixe s’inscrive dans un contexte « d’achat sur faiblesse », à moins que les circonstances ne changent fondamentalement. Toute baisse de risque liée aux inquiétudes portant sur la situation géopolitique est donc susceptible d’être suivie d’opérations d’achat.

Préoccupations budgétaires

Les obligations d’État sont avantageuses, si l’on compare les rendements actuels à la courbe des swaps (la différence entre les taux de swap à différentes échéances). C’est particulièrement vrai pour la portion longue de la courbe. Si l’on se penche sur le marché britannique des gilts, pour les gilts d’une durée supérieure à 15 ans, l’écart moyen entre le rendement obligataire et les taux de swap est d’environ 60 points de base. Or, le maximum atteint au cours des dix dernières années était de 80 pb. Les obligations d’État allemandes, françaises et américaines sont pratiquement tout aussi avantageuses, et le spread français se situe à son plus haut niveau atteint durant la période en question. À mon avis, cette situation traduit l’inquiétude qui règne quant aux emprunts publics et à la viabilité des choix budgétaires actuels. Dans un cadre historique, le risque des obligations d’entreprises est considéré comme plus faible que celui des obligations d’État ! Bien entendu, en supposant un contexte de baisse des risques, la situation pourrait changer du tout au tout. Dans le segment des titres à revenu fixe, les opérations de réduction du risque les plus évidentes consisteraient à acquérir une protection contre le risque de crédit (swaps de défaut de crédit) et à choisir une option sur l’allongement de la durée.

Un atterrissage en douceur profiterait aux titres boursiers 

Dans ce scénario privilégié, les actions offrent de meilleures perspectives de rendement en 2025. La baisse des taux devrait appuyer les tendances renforcées en matière de dépenses des consommateurs et des entreprises, tandis que les thèmes structurels en lien avec l’intelligence artificielle et la transition vers le « net zéro » accompagneront les dépenses des entreprises. Le consensus prévoit que l’élection de Trump aurait un effet positif sur les actions aux États-Unis, mais que le choix de Kamala Harris n’aurait des répercussions que faiblement défavorables, étant donné que ses plans pour augmenter l’impôt sur les sociétés seraient de toute façon déjoués par le Congrès.

Les prévisions de bénéfices pour les actions sont excellentes, à l’heure actuelle. S’agissant du S&P 500, le consensus prévoit une croissance de 14% pour l’année prochaine, et de 25% quant à l’univers du Nasdaq Composite pour 2025. En admettant un multiple actuel inchangé, une augmentation des bénéfices de 14% rendrait un niveau d’indice de 6’100-6’200 envisageable pour le S&P 500. Les perspectives des petites capitalisations sont également encourageantes, car le consensus prévoit une progression de 73% de l’indice Russell 2000. La baisse des taux d’intérêt sert les petites entreprises qui dépendent davantage du financement bancaire et de dépenses accrues dans l’économie. Il est intéressant de constater qu’au début de l’été, la correction des valeurs technologiques a coïncidé avec une forte reprise des petites capitalisations, juste au moment où le marché commençait à anticiper de manière plus prononcée les abaissements de taux attendus de la Fed. Je note également qu’en matière de prêts bancaires, les activités ont commencé à retrouver une certaine dynamique, après avoir stagné pendant un an ou plus.

Les bénéfices et la politique sont déterminants pour la poursuite du marché haussier 

Les rendements des actions devraient bientôt dépasser ceux des obligations, à condition que l’atterrissage en douceur ne s’avère pas plus brutal que prévu. Alors que 2025 est en vue, la publication des derniers résultats de l’activité économique sera utile pour définir les attentes correspondantes. Si les mesures de relance de la Chine sont réellement mises en œuvre et efficaces, les perspectives de croissance mondiale s’en trouveront accessoirement améliorées. Une reprise du cycle manufacturier profiterait aux entreprises industrielles et pourrait permettre une certaine expansion des multiples des actions dans les secteurs de l’automatisation, des transports et de la construction.

Le joker qu’il faudrait tirer en vue d’une amélioration des perspectives mondiales, serait la fin des hostilités en Ukraine et au Proche-Orient. Imaginez un retour à la paix dans les deux régions, et les efforts potentiels de reconstruction l’accompagnant, ce dont profiterait la zone élargie de l’Europe centrale et orientale, ainsi que celle du Levant. Bien des obstacles doivent encore être franchis pour que cela puisse devenir une réalité, notamment la désignation du prochain occupant de la Maison Blanche et la manière dont évoluera la situation politique en Iran. Mais au lieu de toujours avoir les aspects négatifs en tête, pourquoi ne pas faire un exercice de réflexion en s’intéressant aux aspects positifs potentiels, aussi improbables qu’ils puissent paraître à l’heure actuelle.

Un scénario pour l’après-conflit en Israël, accompagné de changements dans les structures politiques de la région, pourrait enfin apporter la prospérité à des sociétés marquées par des décennies de conflits. Le potentiel de production d’énergie renouvelable, l’agriculture intelligente, le tourisme, la mise à profit de l’expertise technologique israélienne et un financement assuré par les États du Golfe pourraient constituer autant d’éléments participant d’une relance économique. Le prix des obligations internationales du Liban a fortement augmenté cette semaine, le marché boursier de Tel Aviv a atteint un niveau record et celui de Beyrouth est proche de son plus haut niveau depuis 2007. Voilà des observations qui ne cadrent pas avec les informations quotidiennes qui nous parviennent de la région, mais les marchés savent garder la tête froide et le regard tourné vers l’avenir. L’histoire du rétablissement de la paix et du redressement du Proche-Orient formerait de loin le meilleur récit à entendre en 2025.

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