Equilibré & calme

Chris Iggo, AXA IM

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Le contexte macroéconomique mondial reste favorable aux marchés, et actuellement, la formule d’allocation de type 60:40 semble connaître un bon millésime.

Le discours dominant continue de s’articuler autour des abaissements imminents des taux d’intérêt au niveau mondial et des efforts entrepris pour éviter la récession. En termes de gestion de portefeuille, je ne perçois pas grand-chose qui pourrait induire des changements majeurs. Les obligations à haut rendement ont démontré leur résistance à la volatilité des marchés boursiers, mais certaines obligations d’Etat se sont renchéries. Il s’avère que les entreprises américaines ont réalisé des bénéfices solides au deuxième trimestre, ce qui a renforcé la confiance des investisseurs en actions. Le contexte macroéconomique mondial reste favorable aux marchés, et actuellement, la formule d’allocation de type 60:40 semble connaître un bon millésime.

Réinitialisation - Mes vacances aux Cornouailles m’ont donné l’occasion d’augmenter ma moyenne quotidienne de pas de 5’000 unités et de brûler 400 calories supplémentaires, en marchant ou en courant généralement quatre kilomètres de plus par jour qu’avant l’été. J’ai également profité des nombreuses spécialités culinaires des Cornouailles, ainsi que d’un temps suffisamment clément pour que je me laisse tenter çà et là par une baignade dans la mer. J’ai aussi eu le temps de m’adonner à la réflexion. Malgré la volatilité du début du mois d’août, les rendements des obligations d’Etat de référence à 10 ans sont inférieurs de 15 à 25 points de base (pb) à ce qu’ils étaient lorsque j’ai quitté Londres, tandis que l’indice MSCI World a gagné 2,6%. En me basant sur les réactions du marché et sur les entretiens téléphoniques que j’ai eus avec des investisseurs, je peux affirmer que les quelques jours de fortes fluctuations des prix enregistrés au début du mois n’ont guère eu d’impact durable sur les attentes pour le reste de l’année. La Réserve fédérale américaine (Fed) s’apprête à commencer à réduire ses taux d’intérêt; les éventuelles faiblesses du marché de l’emploi américain sont limitées, jusqu’à présent; la probabilité d’une récession reste faible, et Nvidia continue d’accroître son chiffre d’affaires grâce aux investissements massifs dans les technologies liées à l’intelligence artificielle.

Normalisation des taux - Parmi les commentateurs, il existe un certain désaccord quant à la question de savoir si, en matière de conduite à attendre des banques centrales, les anticipations actuelles des marchés sont réalistes. En effet, les marchés prévoient que les taux d’intérêt américains tomberont à environ 3,0% d’ici la fin de 2025, ceux de la zone euro à 2,25% et les taux britanniques à 3,5%. La critique la plus fréquente des prix anticipés intégrés par les marchés émane de ceux qui estiment que l’économie mondiale n’est pas encore assez faible et que l’inflation n’a pas suffisamment reculé pour permettre une baisse des taux d’une telle ampleur. Il reste encore à voir quel sera le parcours exact des taux intérêts.

La Fed devrait défaire environ la moitié du resserrement monétaire auquel elle a procédé en 2022-2024, ce qui, selon moi, est conforme au schéma observé dans les cycles monétaires précédents.

La courbe plutôt que la simple duration - Il faut s’attendre à des débats animés sur ces questions, et l’incertitude règne quant aux répercussions qu’aura la politique budgétaire américaine sur les taux d’intérêt après l’élection présidentielle de novembre. Pour les investisseurs en titres obligataires, le plus important est que la courbe des rendements se normalise, car les rendements des obligations à échéance courte devraient baisser en fonction du taux directeur, tandis que les rendements des obligations à échéance plus longue devraient plutôt se stabiliser aux niveaux actuels. Sur la plupart des marchés, les rendements à 10 ans ont considérablement baissé au cours du troisième trimestre. À moyen terme, ils se situent dans la portion inférieure de la fourchette de la juste valeur et, en l’absence de chocs négatifs, je ne vois pas beaucoup de marge pour que ces rendements baissent encore bien davantage. Au cours de l’année écoulée, la tranche d’échéance de sept à dix ans des titres du Trésor américain a dégagé un rendement total de 5,4%. Le rendement tendanciel depuis 1985 se monte à 3,4%.

Recherche de fourchette - Mon intuition me dit que les rendements des obligations de base à moyenne et longue échéance vont se situer dans une fourchette similaire à celle du début des années 2000. Les obligations de base à 10 ans se sont alors négociées avec des rendements entre 4,0% et 5,5% jusqu’à ce que la crise financière mondiale entraîne une baisse en 2009. À l’époque, l’inflation de base se situait en moyenne autour de 2,0% aux Etats-Unis. Elle était légèrement inférieure au Royaume-Uni et dans l’Europe de l’après-Union économique et monétaire. En partant du principe que l’inflation se maintiendra à un niveau légèrement supérieur à l’objectif de 2% visé par les banques centrales du monde entier, on est en droit de s’attendre à des rendements obligataires de l’ordre de 4 à 5%. Si l’on ajoute 100 à 150 pb d’écart de taux pour les obligations de qualité supérieure, on peut raisonnablement envisager un rendement de plus de 6% pour un portefeuille d’obligations de première qualité au cours des prochaines années. Voilà un avenir que les investisseurs en titres obligataires méritent d’avoir en perspective, après avoir connu le désastre de la période d’assouplissement quantitatif. Si l’on se réfère à l’indice ICE Global Corporate bond, les rendements annualisés ont été de 4,5% depuis 1996, de 3,67% depuis 2006 et de 2,6% depuis 2016. Pour un portefeuille constitué de titres à revenu fixe, une allocation pertinente implique un rendement attendu se situant au-dessus de celui réalisé au cours de la dernière décennie.

L’accent sera mis sur les finances publiques – Dans les années à venir, les débats portant sur la politique budgétaire seront probablement plus intéressants. Au Royaume-Uni, le gouvernement travailliste a annoncé un budget serré pour tenter de réduire le niveau d’endettement du pays. Il y aura également des augmentations d’impôts, et il est plus que probable qu’elles seront progressives, avec en point de mire des domaines tels que les successions patrimoniales et les gains en capital. Les décisions budgétaires auront sans doute vocation à jouer un rôle plus important dans la détermination des perspectives de croissance à long terme, car elles pourront fournir des éléments incitatifs, ou dissuasifs, à adopter certains comportements économiques sur la durée. Il ne sera pas facile de trouver un juste équilibre entre la prudence budgétaire, la stimulation de la croissance, l’amélioration de la qualité des services publics essentiels et la mise en place d’un programme politique plus durable en termes d’utilisation des ressources énergétiques. Aux Etats-Unis, ces questions n’ont guère été débattues de façon conséquente en vue du scrutin de novembre, du moins jusqu’ici. On s’accorde à penser que s’ils disposaient d’une marge de manœuvre suffisante, les deux candidats à la présidence pencheraient pour une expansion budgétaire, ce qui pourrait faire l’objet de nombreuses discussions futures avec les clients. Pourtant, le marché obligataire n’a rien intégré de significatif en termes de primes de risque plus élevées attendues dans les rendements réels. Quant à une crise du financement, soit c’est encore une musique d’avenir, soit elle ne se produira tout simplement pas. Mais comme les rendements à 10 ans sont inférieurs à 4 %, cela fournit aux détenteurs de titres à revenu fixe une bonne excuse pour être à découvert.

Le segment du haut rendement l’emporte sur la plupart des autres - Le haut rendement, en particulier aux Etats-Unis, reste une classe d’actifs très prisée à l’approche de la fin de l’année. L’indice affiche actuellement un rendement de 7,25%, ce qui révèle un écart de 317 pb par rapport à la courbe de rendement d’un emprunt d’État de référence. Le rendement total de l’indice est de 6,25 % depuis le début de l’année, ce qui s’accorde avec la tendance sur le long terme. Cette valeur pourrait monter encore un peu sans que cela ne déclenche d’alertes sérieuses quant à de possibles tensions de refinancement. Entre la partie de l’indice notée CCC et la partie notée BB, l’écart est resté remarquablement stable. Si les conditions de crédit étaient en train de se détériorer sur le plan systémique, nous devrions nous attendre à ce que cet écart se creuse. Avec l’abaissement des taux directeurs attendu de la part de la Fed, et la pentification de la courbe sous-jacente des taux, les obligations à haut rendement devraient bénéficier d’une prime à l’appréciation du capital. Par conséquent, les rendements devraient rester sains, le principal risque étant un ajustement correctif durable du marché des actions (plus important que celui qui s’est produit début août), étant donné la corrélation existant entre les actions et les rapports des obligations à haut rendement.

Retour à l’école/au travail/au football - Les vacances sont terminées. Je garde en tout cas un œil attentif sur l’évolution des prix de l’immobilier dans les Cornouailles. Les choses devraient se corser au cours du dernier semestre de l’année, avec les élections présidentielles aux Etats-Unis et les banques centrales confrontées à diverses occasions d’abaisser, ou non, leurs taux directeurs. Jusqu’à présent, les données économiques ne laissent pas présager une récession imminente, de sorte que les marchés devraient, espérons-le, continuer à offrir des rendements décents aux investisseurs sachant se montrer patients. À court terme, l’attention se portera encore une fois sur les données de l’emploi américain et sur les effets déflationnistes mondiaux pouvant résulter de l’effondrement économique que connaît actuellement la Chine. On peut en déceler un signe révélateur dans l’évolution des prix de l’acier. Selon Bloomberg, l’indice composite des prix de l’acier est en baisse de 17,6% cette année, et des rapports font état, sur les marchés mondiaux, d’un dumping potentiel de l’acier fabriqué en Chine, car la demande domestique chinoise reste faible. Un scénario impliquant des chiffres de l’inflation nettement plus bas permettrait aux rendements des titres à revenu fixe et longue duration de se maintenir à un niveau supérieur à la tendance.

Calypso - En football, la nouvelle saison de Premier League a également débuté. Ces dernières saisons m’incitent à la prudence, en raison des espoirs trop optimistes nourris régulièrement à l’égard de Manchester United, mais j’apprécie les changements opérés au sein du club et le recrutement de nouveaux joueurs prometteurs. J’écris ces lignes avant le grand défi que représente la venue de Liverpool à Old Trafford, ce dimanche. Il est encore tôt dans la saison, mais c’est un match qu’il faut absolument gagner, ne serait-ce que pour répondre tant soit peu aux attentes, une fois de plus exagérément optimistes.

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