Une allocation de qualité dans les portefeuilles de dettes bancaires

Jérémie Boudinet, La Française AM

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Les investissements sur les banques pouvant faire l’objet de M&A ont des timings toujours incertains, mais cela est moins problématique dans la mesure où les tendances fondamentales demeurent porteuses et rassurantes.

Les banques sont souvent considérées comme un «proxy» de la santé de leur État souverain de référence, et les obligations bancaires ont donc tendance à évoluer en fonction des disparités des spreads de leurs souverains. Si nous ne remettons pas en cause la cyclicité de l’activité bancaire en soi, nous avons montré ci-dessus que le secteur européen était désormais largement contrôlé par des politiques réglementaires et comptables anticycliques, qui étaient par le passé l’apanage de secteurs comme l’assurance ou les services aux collectivités (utilities). D’autre part, la BCE, cette fois-ci sous sa casquette de Banque centrale, a aussi su limiter l’envolée des spreads des pays périphériques ces dernières années, et bien que ce «put» soit surtout théorique, il n’en demeure pas moins important pour l’unité de la zone euro, et donc de l’accès au marché des banques «périphériques». Non seulement nous estimons que la santé des banques «périphériques» ne devrait pas se détériorer outre mesure et dans une amplitude supérieure à celle de banques dites «core» si jamais la santé de leur économie locale pâtit d’une récession, mais nous arguons qu’elles ont désormais la robustesse nécessaire pour prévenir toute détérioration majeure potentielle de leur bilan. Cette tendance, couplée à la forte consolidation des secteurs bancaires espagnol et italien, renforce la crédibilité et la facilité d’accès aux marchés obligataires de celles-ci. 

Ces tendances fondamentales ont des implications concrètes en termes d’allocation d’actifs sur les dettes financières, senior et subordonnées: 

  • Élargissement des allocations vers des émetteurs désormais de qualité et sur des obligations plus liquides. Nous avons toujours centré notre philosophie d’investissement sur la liquidité des titres sur lesquels nous investissons, que ce soit en dette senior ou subordonnée. Les exigences MREL ont pour conséquence que les banques dites «périphériques» doivent désormais émettre régulièrement des titres, et notamment des dettes senior (Preferred et Non-Preferred), ce qui permet d’avoir des courbes plus liquides et réduit les coûts de trading et facilite une allocation dynamique. D’autre part, les rehaussements importants de notations font que la plupart des banques ont des dettes désormais notées en catégorie Investment Grade ou BB, ce qui attire davantage d’investisseurs, ainsi que leur inclusion dans des indices et des ETF, ce qui améliore aussi leur liquidité. 
  • La possibilité d’investir sur des banques moins connues, mais de bonne qualité, notamment en dette subordonnée. Le corollaire du point précédent est l’ouverture du marché obligataire à des banques qui en étaient absentes, se contentant jusqu’alors d’émettre des Covered Bonds et de bénéficier des TLTRO de la BCE. Maintenant que les banques «périphériques» de taille moindre ont un accès facilité au marché primaire, nous attendons de potentielles émissions AT1 CoCos inaugurales de la part de Banca Monte dei Paschi di Siena, Cajamar, National Bank of Greece ou encore Novo Banco (notamment pour optimiser leur structure de capital dans ce dernier cas) dans un avenir plus ou moins proche, si tant est que les conditions leur soient favorables en termes de spreads à l’émission. 
  • La possibilité de bénéficier des tendances à la consolidation du secteur. Nous mentionnons régulièrement dans nos publications bi-hebdomadaires les différentes rumeurs et concrétisations de fusions et acquisitions en Europe, et notamment la dernière grande en date, à savoir l’OPA hostile de BBVA sur Banco de Sabadell, qui est toujours en cours.
  • Les investissements sur les banques pouvant faire l’objet de M&A ont des timings toujours incertains, mais cela est moins problématique dans la mesure où les tendances fondamentales demeurent porteuses et rassurantes. Plusieurs noms reviennent régulièrement dans les rumeurs de fusions: Novo Banco, Monte dei Paschi, BPER Banca, BP di Sondrio, entre autres. Pour l’heure, les fusions transnationales sont encore trop complexes d’un point de vue réglementaire, à l’exception de la région ibérique, où plusieurs banques espagnoles et portugaises sont déjà liées (Abanca, Bankinter, Santander, CaixaBank ont chacune une filiale locale). Nous voyons donc ces fusions potentielles d’un œil positif, étant donné que les fusions sont fermement contrôlées et ne donnent pas lieu à des excès dans les écarts de survaleur à l’achat (goodwill), du fait des contraintes réglementaires. La prise de participation de 9 % du capital de Commerzbank par UniCredit, tout en se ménageant la possibilité d’aller plus loin, est un premier cas concret de velléité de M&A transfrontalier, avec ici une symbolique forte, puisqu’il s’agit d’une banque italienne, certes avec déjà une présence en Allemagne, qui se porterait acquéreuse d’une banque allemande. La réaction des syndicats de Commerzbank[1], ceux-ci appelant à une ouverture avec une banque française plutôt qu’avec des Italiens, cache mal un mépris larvé envers la réputation du système bancaire italien, qui n’a plus lieu d’être.
  • La dernière conséquence est sans doute pour l’heure davantage un vœu pieux qu’une réalité: une volatilité moindre pour les spreads bancaires «périphériques» à terme par rapport aux obligations non financières, notamment en dette senior. Les spreads bancaires ont naturellement tendance à s’écarter davantage par rapport à des souches non financières comparables, du fait de leur cyclicité perçue, ainsi que par une corrélation plus importante durant les périodes de stress avec les taux souverains «périphériques» ou les marchés actions. Nous estimons (et espérons) que la perception des investisseurs saura à terme refléter le changement de paradigme des banques européennes, et particulièrement des banques «périphériques», en termes de robustesse. 

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