La voie d’or

Thomas Planell, DNCA Invest

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Entre ralentissement du processus déflationniste et tracas des derniers chiffres économiques, il existe une voie qui rémunère la prudence.

La «voie d'or» désigne l'étroit chemin que l'humanité doit emprunter, dans le roman de science-fiction Dune de Frank Herbert, pour échapper aux probabilités écrasantes de son extinction. Seul le prophète élu peut en apercevoir les infimes ramifications.

Les investisseurs et les banques centrales s'aventurent à sa recherche. Le tracé du soft-landing, exigu, semble une gorge étriquée, embrumée. Les parois qui l'étreignent (la perte de vitesse du processus désinflationniste global à gauche, le ralentissement de certains pans des économies américaine, européenne et chinoise à droite), semblent se resserrer, comme pour écraser l'arpenteur, ensevelir la voie.

En Europe, les bonnes surprises économiques des premiers mois de l'année ont fait long feu.

Il y a encore peu de temps, l'eurozone se distinguait du momentum économique américain et chinois. Les indices de surprises économiques étaient mieux orientés sous nos latitudes battues par les pluies printanières. La météo, plus clémente en début d'année, dessinait une amélioration bienvenue dans le secteur de la construction allemande. Le cycle des inventaires s'améliorait, l'indice IFO (confiance des entreprises) et les salaires réels retrouvaient des couleurs.

Publiés à quelques heures des «sorcières», les PMI européens de juin sèment à présent le trouble. L'industrie s'inquiète de la baisse des nouvelles commandes, notamment à l'export. La confiance se détériore dans les services, la consommation ralentit. Les chiffres de juin ne coïncident plus avec la croissance économique des deux premiers trimestres (+0,3%). Le chemin de la reprise économique en zone euro ne s'efface pas encore devant nous. Mais la route pourrait s'annoncer plus longue que prévue. D'autant que l'incertitude électorale française la rend glissante. 

La concentration continue de s'accentuer autour des valeurs technologiques. La valorisation est problématique: fort de 30 mille milliards de dollars de capitalisation, le Nasdaq 100 vaut désormais davantage que le PIB américain. 

Les marchés obligataires s'arment de crampons. Le spread France Allemagne est au niveau de 2017 mais les Credit Default Swaps à 5 ans restent contenus (35bp contre 50 à l'époque). En variation absolue, depuis début juin, les taux à 10 ans français se renchérissent d'une dizaine de points de base seulement. Sur le crédit, les émissions primaires font leur grand retour en 2024, comme aux Etats-Unis, depuis le pivot de la FED en fin d'année dernière.

Le coût du capital action du CAC40 est plus sensible aux développements politiques: il se renchérit de 50 points de base performance depuis début juin. Les gestions réduisent les expositions aux banques françaises (dont la devient négative depuis le début de l'année). En Europe le secteur cède 10 points de performance depuis début de l'année. Les stratégistes s'essayent aux pronostics boursiers en fonction des résultats du scrutin: rebond de l'indice parisien en cas de victoire de l'alliance présidentielle, volatilité contenue si le Rassemblement National l'emporte, baisse significative (-10 à -20%) si le groupe de gauche s'arroge la majorité de la chambre basse. Difficile de construire une stratégie d'investissement avec ces scénarios s'ils s'avèrent aussi clairvoyants que les sondages électoraux cette année.

L'IA et la confiance des investisseurs

Les derniers chiffres américains sont également plus mitigés. Les ventes au détail ralentissent. Les défauts sur les crédits automobiles ou à la consommation montent chez les jeunes, affectés par le renchérissement des conditions financières et moins exposées à la hausse des actifs financiers que leurs ainés. Leurs gains salariaux restent bien orientés mais paradoxalement, le taux de chômage et les inscriptions aux allocations en hausse envoient un message contradictoire sur le marché de l’emploi.

La concentration continue de s'accentuer autour des valeurs technologiques. La valorisation est problématique: fort de 30 mille milliards de dollars de capitalisation, le Nasdaq 100 vaut désormais davantage que le PIB américain. En proportion de la richesse intérieure, les valeurs de l'indice sont 3 fois plus importantes qu'elles ne l'étaient pendant la bulle des années 2000.

Malgré les valorisations, l’IA semble pour l’instant aussi bien s’accommoder de la confiance des investisseurs dans la croissance américaine (attendue à +2,5% au second semestre) que des craintes qu’une accumulation de chiffres plus préoccupants pourraient déclencher. Le cas échéant, les investisseurs pourraient continuer d’ajouter de la duration à leur portefeuille, en privilégiant le crédit investment grade qui accumule aux Etats-Unis 34 semaines consécutives de flux positifs. La bonne tenue des derniers résultats, la diversification des sources de revenus, la meilleure couverture de la charge d’intérêt offre un profil moins sensible que le high yield au scénario délicat d’un ralentissement de la croissance dans un contexte de taux directeurs plus élevés pour plus longtemps que prévu.

Par rapport à la moyenne des 10 dernières années, le gisement investment grade délivre des deux côtés de l’atlantique un rendement attractif (5,4% aux Etats-Unis, 3,9% en Europe contre une moyenne historique de 3,5% et 1,5% respectivement) tandis que le High Yield a bénéficié d’un resserrement des spreads rendant les points d’entrée moins intéressants. Le choix de la prudence semble bien rémunéré. S’ils n’envisagent plus une reprise économique en V fortement inflationniste, les investisseurs auraient donc tort de s’en priver.

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