Que l'étoile du taux neutre nous éclaire

Thomas Planell, DNCA Invest

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Le serpent semble se manger la queue, comme c'est souvent le cas en période de contradiction entre la politique budgétaire et la politique monétaire.

Dans le monde des produits dérivés, on distingue les options d'achat européennes (call) et les options d'achat américaines. Les premières ne peuvent être exercées avant la date d'échéance. Les secondes, fidèles à l'American way of life, peuvent être appelées pendant toute la durée de vie du produit. Rien n'est gratuit sur les marchés, y compris la liberté, de sorte qu'une option américaine est généralement plus chère. L'acheteur d'un call ne doit pas oublier qu'il doit payer le prix de la dispersion du champ des possibles. Plus les anticipations de volatilité sont élevées, plus la prime à payer au vendeur de l'option est importante.

Les «indices de peur» en hausse de deux points

Les indices Vix et Vstoxx nous indiquent le prix de marché de la volatilité attendue au cours des 3 prochains mois pour le S&P500 et l'Eurostoxx 50 à l'instant «t». Depuis les niveaux extrêmement bas atteints à la mi-mai (12%), ces «indices de la peur» ont augmenté de deux points au cours de la semaine. Simple normalisation? Ou début de la fin de la complaisance des marchés à l'égard du risque? 
L'inflation dépasse fermement les objectifs des banques centrales

Détournent-ils également leur regard du front (moins tragique) de l'inflation? L'inflation sous-jacente (près de 4% au Royaume-Uni, 3,6% aux Etats-Unis, 2,9% en Allemagne, 2,4% au Japon) peine à ralentir. Dans la zone euro, les prix à la consommation ont d'ailleurs augmenté plus que prévu en mai (2,6%), sans que cela soit dû aux composantes volatiles que sont l'énergie et l'alimentation.

Comment concilier la nécessité pour les classes populaires d'accéder au transport électrique bon marché offert par la Chine, sans affaiblir les débouchés intérieurs de nos constructeurs, tout en trouvant le niveau de taxe qui ne déclenche pas une riposte chinoise contre nos exportations?

Globalement, l'inflation est fermement supérieure aux objectifs des banques centrales, les baisses théoriques des taux d'intérêt étant imminentes au second semestre. La résistance étonnante des économies développées à certains des programmes de hausse des taux directeurs les plus violents de l'histoire moderne explique en partie la persistance de l'inflation. Elle relance le débat sur le niveau du taux d'intérêt neutre (r*). «R étoile» désigne le taux directeur théorique auquel une banque centrale ne stimule ni ne contraint l'économie. C'est en quelque sorte l'inclinaison de la route qui permet à une voiture de garder sa vitesse constante au point mort sans avoir ni à freiner, ni à appuyer sur l'accélérateur.

Une pression à la hausse sur le taux neutre

Le creusement des déficits publics, qui a certainement joué un rôle majeur dans la résistance des économies aux hausses de taux, n'est pas soutenable, selon Christopher Wallen. Il peut conduire à une offre de bons du Trésor supérieure à la demande, faisant baisser le prix des émissions et augmentant ainsi le rendement payé par le Trésor. Les adjudications de cette semaine se sont déroulées dans un contexte plutôt défavorable pour le premier émetteur mondial. Depuis l'Islande, le gouverneur de la Fed a prévenu que la trajectoire budgétaire américaine pourrait exercer une pression à la hausse sur le taux neutre.

Plus difficile de prévoir l'évolution d'une monnaie

Augmentation du taux d'intérêt neutre causée par le déficit public soutenant l'économie résiliente et donc l'inflation face aux hausses de taux de la FED. Le serpent semble se manger la queue, comme c'est souvent le cas en période de contradiction entre politique budgétaire et politique monétaire. Les manuels de finance nous apprennent que dans cette configuration, il devient plus difficile de prévoir l'orientation d'une devise. Depuis décembre 2022, l'indice du dollar est dans une fourchette latérale de 5% (dont il semble aujourd'hui prêt à sortir par le haut). Il en va de même pour l'euro, qui oscille entre 1,05 et 1,10 dollar.

Le rôle croissant de l'énergie solaire dans le mix énergétique

Pour la première fois depuis l'épidémie, les émissions chinoises de CO2 sont en baisse: -3% en mars. Certes, la baisse de la production d'acier (le marché de la construction est l'un des principaux débouchés), titan des émissions de carbone (3,3 milliards de tonnes par an dans le monde), n'est pas étrangère au ralentissement. Le rebond de 20% de la production hydroélectrique a également limité l'utilisation du charbon thermique. Mais la montée en puissance du solaire dans le mix énergétique est désormais indéniable.

L'industrie automobile mariée à la chine pour le meilleur et pour le pire

De plus, la compétitivité des coûts des cellules photovoltaïques et des batteries chinoises est écrasante. Mariée à la Chine, pour le meilleur ou pour le pire, notre industrie automobile ne sera pas aussi bien protégée que celle des États-Unis, qui ont doublé les droits de douane sur les importations de véhicules électriques chinois.

L'équation devient de plus en plus complexe. Comment concilier la nécessité pour les classes populaires d'accéder au transport électrique bon marché offert par la Chine, sans affaiblir les débouchés intérieurs de nos constructeurs, tout en trouvant le niveau de taxe qui ne déclenche pas une riposte chinoise contre nos exportations? Existe-t-il un point idéal qui équilibre les composantes de l'équation, comme le taux de l'étoile? Puisse cette étoile éclairer notre chemin «pour que chacun trouve un jour sa voie», comme l'espérait Saint-Exupéry.

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