PPI et CPI sont sur un bateau…

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.


Qui tombe à l’eau?

Depuis le début de l’année, les statistiques d’inflation nous malmènent. Pour nous en convaincre, nous sommes allés relire les titres de nos chroniques hebdomadaires récentes. Le 20 février, nous nous inquiétions déjà du rebond inflationniste dans une chronique intitulée «CPI, PPI, aïe aïe aïe». Plus récemment, «Un CPI au goût amer» faisait le constat d’un retard important dans le processus de décrue de l’inflation américaine. Quel titre trouver aujourd’hui? Les PPI d’avril publiés cet après-midi, suivis demain par CPI, vont-ils enfin nous permettre d’apercevoir la lumière au bout du tunnel, synonyme d’espoir d’une baisse de taux de la Fed avant l’automne?

Nous avons donc décidé de retomber en enfance: PPI et CPI sont sur un bateau, qui tombe à l’eau? Nos espoirs de baisse de taux! Ça, c’est pour la rime et la boutade car nous pourrions bien cette fois-ci assister enfin à un léger tassement des deux indices Core à 2,3% YoY pour le PPI et 3,6% pour le CPI. De si légères améliorations pourraient peser lourd dans la balance de la Fed après des chiffres de l’emploi décevants, venant après une série de statistiques indiquant un fléchissement de la croissance. Ne rêvons pas trop non plus car comme nous l’avions déjà mentionné, une baisse de taux «déguisée» aura déjà lieu en juin à travers le tapering du Quantitative Tightening. Cette semaine se joue donc le FOMC du 31 juillet: soit une baisse de taux reste possible si l’inflation est conforme aux attentes, soit il ne faut plus rien attendre de la Fed fin juillet et repousser nos attentes au 18 septembre.

Le 10 ans US dans un no man’s land

Toutes ces considérations macroéconomiques ne nous aident pas beaucoup dans notre stratégie de portefeuille. En effet, que faire concrètement, à part du 6 mois à 5,30%? Les crédits sont hyper-chers dans la mesure où les spreads ne justifient pas toujours une prise de risque par rapport aux emprunts d’états. Le dilemme le plus flagrant concerne les dettes hybrides corporates. Nous les adorons mais tout de même pas au point de les acheter à n’importe quel prix. Elles se traitent désormais à un spread historiquement faible par rapport aux dettes seniors, ne rémunérant pas suffisamment le niveau de subordination. Faut-il pour autant les éviter? Les hybrides partagent de nombreux avantages avec la dette high yield et l’un d’entre eux se nomme le portage. Les coupons sont si élevés par rapport à ceux des dettes seniors Investment Grade que les soubresauts de duration sont atténués. Pour se rendre compte concrètement et complètement du côté «magique» du carry, il faut soi-même gérer un portefeuille et constater sa NAV tous les soirs. Les hybrides connaissent évidemment des baisses de régime mais dès que les marchés se calment, l’effet portage les remet assez rapidement dans le vert. Rappelons également que dans un portefeuille de crédits en dollars, quelques hybrides en euros hedgées en dollars offrent des rendements qu’il serait vraiment dommage de négliger.

Voilà pour les crédits! Passons aux taux longs américains. Nous venons de voir que les spreads de crédits sont trop chers. Peut-être s’agit-il d’un signe supplémentaire qu’il faut plutôt rallonger les durations en achetant de nouveau des Treasuries longues? Il y a trois semaines, nous attendions un 10 ans à 4,80% pour passer à l’action. Cette fois-ci notre gourmandise nous a piégés et aujourd’hui, en passant sous la barre des 4,50%, le 10 ans se retrouve dans une espèce d’entre-deux. Nous n’avons ni envie de l’acheter, ni envie de le vendre. Si les taux longs devaient de nouveau repartir à la hausse, peut-être cette semaine si PPI et CPI nous font une mauvaise blague, nous recommencerions à tenter de rallonger les durations vers 4,80% ou, plus attrayant encore, en achetant un peu de 30 ans à 5%. Si nous devions basculer en bull market, même léger, nous attendrions tout de même une confirmation vers 4,20%. Aujourd’hui, il est en effet incongru ou prématuré de parler de retour du bull market des taux longs US sous prétexte que le 10 ans n’a pas voulu aller tester son double-top à 5% (niveau du 23 octobre 2023). Ce ni-ni ne nous enthousiasme guère car il n’est pas dans notre nature de nous cacher derrière des expositions neutres. Mais dans la situation actuelle, il semble urgent de ne rien faire.     

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