Multinationales: le National maintient son contre-projet à l’initiative

AWP

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La gauche et le centre ont réitéré leur soutien au contre-projet élaboré par la Chambre du peuple.

Le Conseil national tient à opposer un contre-projet indirect à l’initiative populaire pour des multinationales responsables. Malgré le rejet du Conseil des Etats, il l’a confirmé jeudi par 109 voix contre 69, après un débat enflammé.

La gauche et le centre ont réitéré leur soutien au contre-projet élaboré par la Chambre du peuple. Opposée au texte, la majorité de l’UDC et du PLR n’a pas fait le poids.

Le maintien du contre-projet permettra le retrait de l’initiative populaire, dont les objectifs sont justifiés sur le fond, a fait valoir Christa Markwalder (PLR/BE) au nom de la commission. Les initiants se sont en effet engagés en ce sens.

«L’initiative est trop radicale et pénaliserait l’économie, mais ne pas proposer de contre-projet serait risqué. Plus de 70% de la population se dit en effet disposée à voter en faveur de l’initiative, selon un récent sondage», a ajouté Mme Markwalder.

Champ d’application plus restreint

«Le champ d’application du contre-projet est plus restreint et concerne moins d’entreprises», a renchéri Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE). «Il serait dommage que la Suisse soit forcée d’adapter sa législation sous la pression internationale», comme pour le secret bancaire, a-t-elle aussi argumenté. D’autres pays, comme la France et les Pays-Bas, agissent déjà.

Plusieurs orateurs comme Matthias Aebischer (PS/BE) ont craint une campagne «très émotionnelle» si l’initiative restait seule en lice, qui entraînerait une fracture entre la société et le monde économique. Socialistes et Verts soutiennent à la fois le contre-projet et l’initiative.

«Le contre-projet est le résultat d’un compromis, il constitue un engagement minimal. Il a l’avantage de pouvoir être appliqué rapidement», a abondé Adèle Thorens (Verts/VD).

«Les méfaits des multinationales avec siège en Suisse continuent de faire régulièrement les gros titres», a souligné la Vaudoise à l’instar de nombreux orateurs de gauche et du centre. Elle a cité la firme Syngenta, qui continue à vendre des pesticides «très toxiques et interdits en Suisse» en Argentine, au Brésil ou en Inde. Ou Interholco, qui détruit la forêt tropicale au Congo.

Attitude «colonialiste»

La majorité de l’UDC et celle du PLR se sont opposées en vain au contre-projet. «Les entreprises agissent déjà pour le respect des droits humains et de l’environnement», a assuré Giovanni Merlini (PLR/TI). «Même s’il reste des moutons noirs, les règles proposées vont trop loin. Elles ne sont pas coordonnées avec l’étranger, et les entreprises pourront déplacer leur siège pour y échapper.»

Beaucoup se sont inquiétés pour la compétitivité de la Suisse. Plusieurs orateurs de droite ont en outre dénoncé dans la transposition de critères éthiques suisses à l’étranger une attitude «colonialiste». En vain.

En mars, suivant l’avis du Conseil fédéral, la Chambre des cantons avait refusé le contre-projet dès l’entrée en matière, le jugeant inutile. Le texte y retourne donc et le National n’a pas pu en examiner le détail à ce stade. Il a aussi décidé de ne pas fixer son mot d’ordre sur l’initiative avant que le sort du contre-projet soit tranché.

Soutenue par de nombreuses organisations, l’initiative veut obliger les sociétés sises en Suisse à examiner régulièrement les conséquences de leur activité sur les droits humains et l’environnement, également à l’étranger.

Les entreprises manquant à ce devoir de diligence devraient répondre des dommages causés, y compris par les sociétés qu’elles contrôlent sans participer directement aux activités incriminées.

Moins exigeant

Le contre-projet prévoit que les entreprises ne répondraient d’aucun dommage si elles prouvent qu’elles ont pris les mesures de protection des droits humains et de l’environnement prévues par la loi pour empêcher un dommage de ce type. Ou qu’elles ne pouvaient pas influencer le comportement de l’entreprise contrôlée.

Contrairement à l’initiative, le contre-projet prévoit que seules les entreprises avec plus de 500 employés et un chiffre d’affaires d’au moins 80 millions seraient concernées. Il renforce à la fois le droit des sociétés, le code des obligations et la responsabilité individuelle des entreprises.

Le contre-projet va aussi moins loin en matière de responsabilité en excluant celle des gestionnaires et dirigeants d’une société. La responsabilité ne porterait que sur les dommages à la vie et à l’intégrité personnelle ou sur la violation du droit de propriété.

Plusieurs parlementaires ont souhaité que certains points soient rediscutés. «Ce texte doit être adapté pour être acceptable par l’économie, sinon nous nous y opposerons en votation finale», a averti Andrea Gmür (PDC/LU).

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