Bâle-Ville et Vaud relancent la concurrence fiscale

Yves Hulmann

2 minutes de lecture

Le taux d’imposition des entreprises tombe à 13,04% dans la ville rhénane et à 14% sur les bords du Léman, selon KPMG.

Peter Uebelhart, responsable des questions fiscales et légales chez KPMG Suisse.

Stabilité en Suisse centrale mais davantage de concurrence en provenance des bords du Rhin et du Léman. Alors que la fiscalité des sociétés en Suisse n’a que peu évolué entre 2018 et 2019, ce sont les cantons de Bâle-Ville et de Vaud qui apportent les plus grands changements en matière d’imposition des bénéfices des entreprises cette année. Alors qu’il y a peu de changement cette année concernant les cantons qui imposent le plus faiblement les bénéfices des entreprises – à savoir Lucerne (12,32%), Nidwald (12,66%), Obwald (12,74%) et Appenzell Rhodes-Extérieures (13,04%) – et chez ceux qui, au contraire, prélèvent les impôts les plus élevés sur les sociétés – Genève (24,16%), Valais (21,74%) et Berne (21,63%) – c’est en milieu de classement que les variations sont les plus importantes.

Après la réforme fiscale, le taux d’imposition
des bénéfices à Genève devrait aussi reculer à 13,99%.

A Bâle-Ville, les entreprises verront leur taux d’imposition diminuer à 13,04% cette année (contre 22,18% en 2018). La baisse sera presque aussi marquée dans le canton de Vaud (14%, contre 21,37% un an plus tôt). A noter qu’après la réforme fiscale, le taux d’imposition des bénéfices à Genève devrait ultérieurement aussi reculer à 13,99%, soit pratiquement le même niveau que dans le canton de Vaud. Telles sont quelques-unes des tendances qui ressortent du «Swiss Tax Report 2019» publié mardi par le cabinet de conseil KPMG.

12%, un seuil qui fait figure de taux plancher

Si l’imposition du bénéfice des entreprises a peu évolué entre 2018 et 2019, la tendance reste orientée à la baisse sur la durée. En effet, le taux d’imposition moyen des entreprises helvétiques est passé d’une moyenne de 20,76% en 2007 à 17,71% en 2018, puis à 17,06% en 2019.

En Europe, seuls Guernesey, la Hongrie, le Monténégro et la Bulgarie
affichent des taux inférieurs à celui de Lucerne.

Qu’attendre pour la suite? Compte tenu de la réforme fiscale en cours et des baisses attendues des taux d’imposition dans différents cantons, les experts de KPMG anticipent déjà un nouveau recul du taux d’imposition des entreprises qui devrait tomber à 13,91% en moyenne à partir de 2020. Même si la baisse observée sur une décennie apparaît marquée, les taux d’imposition des entreprises ne devraient pas descendre à l’infini. «Dans la pratique, le seuil des 12% s’est établi comme limite inférieure, car les cantons ne devraient guère pouvoir se permettre des taux ordinaires inférieurs», relève l’étude de KPMG. 

Genève entre l’Italie et l’Espagne

En comparaison internationale, le seuil de 12% est aussi proche de celui appliqué par l’Irlande (12,5%), qui reste considéré comme l’un des principaux rivaux de la Suisse sur le plan de la fiscalité des entreprises en Europe. Seuls quatre pays – Guernesey avec 0%, la Hongrie et le Monténégro avec 9% et la Bulgarie (10%) – affichent des taux inférieurs à celui de Lucerne (12,32%). Toujours en comparaison européenne, Genève – avec un taux de 24,16% - se place actuellement entre l’Italie (24%) et l’Espagne (25%). En comparaison, l’Allemagne (30%) et la France (31%) imposent davantage leurs entreprises. Des réformes prévues dans l’Hexagone devraient toutefois graduellement ramener ce taux à 25%.

Sociétés à statut fiscal privilégié: peu d’alternatives

Si l’imposition des entreprises baisse depuis plus de dix ans, le passage à l’imposition ordinaire produira l’effet inverse pour les sociétés qui bénéficiaient auparavant d’un statut fiscal privilégié. Alors que la part des sociétés disposant de tels avantages était relativement faible dans un canton comme Zurich – de l’ordre de 8% en 2015 selon les chiffres du Département fédéral des finances -, cette proportion se situait aux environs de 30% dans le canton de Vaud, de 33% à Genève et grimpait même à 51% dans un canton comme Zoug.

«Dans la plupart des pays européens,
de tels statuts privilégiés n’existent plus.»

Comment réagiront les entreprises qui disposaient auparavant d’un statut fiscal privilégié? Pour Peter Uebelhart, responsable des questions fiscales et légales chez KPMG Suisse, le passage à l’imposition ordinaire représentera, certes, une hausse de la fiscalité pour certaines entreprises. Pour autant, la question est de savoir quelles sont les alternatives qui se présentent pour les sociétés qui seraient tentées de partir ailleurs. «Dans la plupart des pays européens, de tels statuts privilégiés n’existent plus. Les Pays-Bas y ont renoncé. Le choix n’est plus aussi grand qu’auparavant», met en perspective l’expert. En outre, l’attitude des entreprises a, elle-même évolué: beaucoup d’entreprises ne cherchent plus à tout prix à abaisser leur taux d’imposition en-dessous d’une fourchette de 12 à 14%, observe-t-il.

A lire aussi...