Wall Street au top, les taux attendent leur tour

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

L’inflation salariale US s’atténue 

Le moment le plus attendu de la semaine dernière était la publication des statistiques de l’emploi US. Du côté des chiffres du chômage aucune surprise de grande ampleur ne s’est manifestée: 196'000 créations d’emploi, 33'000 le mois précédent et taux de chômage stable à 3,8%. En revanche, l’inflation salariale a légèrement fléchi avec +0,1% sur le mois (contre +0,3% attendu et +0,4% le mois précédent) et +3,2% sur 1 an, en baisse de 0,2%. 

Ainsi, la tension observée le mois précédent est retombée au grand dam des Cassandre qui mentionnent le retour de pression inflationnistes (est-ce un poisson d’avril?). Les marchés de taux n’ont pas spécialement réagi, les yeux déjà tournés vers la semaine qui s’annonce riche en informations de première importance. Le point culminant se situera sans doute demain avec la publication du CPI: nous en saurons un peu plus sur l’inflation avec un +0,4% attendu sur le mois, +0,2% hors alimentation et énergie et +1,8% (contre +1,5% le mois dernier) sur 1 an. La journée ne sera pas terminée car en début de soirée seront dévoilées les minutes du dernier FOMC du 20 mars. La Fed avait été très dovish mais pas suffisamment au goût du Président Trump qui exige une baisse de taux voire un QE4, rien de moins! Il aura bientôt deux nouveaux «copains» à la Fed pour mieux traduire son impatience… 

Un scénario «à la japonaise» est de plus en plus évoqué
pour caractériser l'économie de la zone euro pour les prochaines années.

En attendant, les taux font un peu de sur place et scrutent avec curiosité le comportement des marchés actions. Nous estimions, au lendemain de la dernière réunion de la Fed, que le S&P 500 irait vraisemblablement s’approcher du niveau de 2'900 voire 3'000 sur exagération. Notre argument était simple, et même simpliste: comme la banque centrale donne le signal de la réouverture du robinet de l’argent facile, la prise de risque quasiment gratuite sera de nouveau favorisée. Aujourd’hui nous y sommes et deux forces contraires semblent se neutraliser, l’attrait des emprunts d’état pour se protéger contre un retour de bâton sur les actions et les craintes d’un steepening et du retour de l’inflation. 

Dans moins d’un mois nous serons dans la période «sell in May» et le rally à l’envers de décembre est encore dans toutes les mémoires. La plupart des gérants ont déjà atteint les trois quarts de leur objectif annuel de performance mais cet argument est également valable sur le marché obligataire! Nous risquons donc bien de subir, sauf accident, une petite période de calme avant la tempête. 

Les négociations commerciales US-Chine, le Brexit ou l’approche des élections européennes seront sans nul doute les principaux ingrédients du prochain retour de volatilité. En attendant, rappelez-vous que le marché obligataire est un marché de gré à gré: cela veut dire que si personne ne veut vous racheter vos obligations (high yield par exemple), vous traverserez les prochaines turbulences avec ces dettes sur le porte-bagages. La stratégie barbell actions/emprunts d’états est donc plus que jamais d’actualité.

La réunion de la BCE demain ne devrait pas être
le cadre propice pour dévoiler un quelconque scoop.

La semaine dernière a laissé entrevoir une minuscule lueur d’espoir avec la publication d’indices PMI en légère hausse. Le Markit Eurozone Services PMI est sorti à 53,3 contre 52,7 attendu et 52,7 le mois précédent. Le Composite PMI s’est affiché à 51,6 contre 51,3 attendu et 51,3 le mois précédent. Mais ce regain d’optimisme à dose homéopathique est vite balayé par la faiblesse persistante de l’inflation. Dans cet environnement, un scénario «à la japonaise» est de plus en plus évoqué pour caractériser les perspectives économiques de la zone euro pour les prochaines années. Dans ce contexte, la réunion de la BCE demain ne devrait pas être le cadre propice pour dévoiler un quelconque scoop. 

Mario Draghi sera attendu tout de même au tournant car les marchés attendent une clarification après ses propos ambigus à propos des taux négatifs. La BCE a déjà atténué les propos de Super Mario en affirmant que le sujet ne sera pas traité dans la précipitation. Certains membres de la BCE sont toujours d’avis que les avantages d’un taux de dépôt à -0,4% l’emportent encore sur les inconvénients et les commentaires de Mario Draghi les ont pris par surprise. Il faudra donc attendre la conférence de presse pour savoir si un consensus s’est dégagé autour de ce sujet sensible. 

Dans ce contexte, le taux du Bund à 10 ans est repassé au-dessus de 0% mercredi dernier et navigue depuis autour de ce niveau pivot à valeur toute symbolique. Nous ne modifions pas (malheureusement) notre stratégie sur l’Europe et nous sommes encore plus pessimistes que ceux qui prédisent une «japonisation» de la courbe des taux allemande puisque nous envisageons une «suissification» de cette dernière.

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