Retour sur un mois de mai «intéressant»

Eric Vanraes, Eric Sturdza Asset Management

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Chronique des taux d’ESAM (Eric Sturdza Asset Management).

 

Fed et Moody’s: un statu quo et un pétard mouillé

A l’occasion du FOMC du 7 mai, Jerome Powell a validé sans le nommer le scénario de stagflation. La Fed est condamnée à adopter une position de «wait and see». Elle ne peut pas monter ses taux à cause du ralentissement mais ne peut pas les baisser non plus compte tenu des niveaux d’inflation. Nous arrivons sans doute aux limites des politiques monétaires des banques centrales privilégiant l’arme des taux d’intérêts. Le cas le plus caricatural est sans doute celui de notre BNS nationale. Nous avions cru comprendre que les taux négatifs appartenaient au passé et que nous ne les reverrions plus jamais. Or, il y a de grandes chances qu’ils réapparaissent prochainement. Cela signifie que les banques centrales doivent se réinventer et trouver de nouveaux outils afin de gérer des politiques monétaires adaptées à ce nouvel environnement, né de la grande crise financière de 2008 et de la crise du Covid. Nous avons toujours pensé que le Quantitative Easing (ou quelque chose s’en rapprochant) ferait son grand retour tôt ou tard. Il nous faudra immanquablement nous familiariser avec de nouveaux acronymes et saluer avec soulagement la marge de manœuvre de la Fed qui pourra en cas de besoin faire remonter la taille de son bilan puisque celle-ci est descendue à 6'673 milliards de dollars.

Le downgrade de Moody’s intervient beaucoup trop tard et ressemble à s’y méprendre à un pétard mouillé.

Revenons sur l’épisode tragi-comique de la perte du Aaa des Etats-Unis chez Moody’s. Cette annonce n’a eu aucun impact sur notre perception de la qualité de la dette américaine et pour cause: chez nous, comme chez de nombreux confrères, les Etats Unis ne sont plus AAA depuis 2011. Et chez ceux qui n’utilisent pas la même méthode de rating, c’est depuis août 2023. Cela met surtout en lumière les choix des Asset Managers en termes de notation. Nous avons toujours travaillé en «worst of» des deux agences S&P et Moody’s. Il y a ceux qui privilégient l’une des deux maisons et ceux qui utilisent la règle du deux sur trois (S&P, Moody’s et Fitch). Avant 2011, les Etats-Unis étaient notés AAA/Aaa/AAA, puis AA+/Aaa/AAA à partir d’août 2011 et AA+/Aaa/AA+ depuis août 2023. Le downgrade de Moody’s intervient beaucoup trop tard et ressemble à s’y méprendre à un pétard mouillé, sauf dans les médias généralistes qui ont cru bon en faire leurs choux gras.

US Treasuries et JGB, adjudications catastrophiques

Nous allons bientôt arriver à la mi-année et nous demandons ce que va nous réserver le second semestre. Les récentes tensions sur les taux US commencent à potentiellement offrir quelques opportunités d’investissement. Les taux longs américains sont en effet remontés brutalement lorsqu’une adjudication d’emprunts du Trésor à 20 ans s’est très mal passée. Au Japon, c’est également une adjudication de JGB 20 ans qui a mis le feu aux poudres. Nous n’avions pas assisté à une adjudication aussi catastrophique depuis… 1987! De nombreux observateurs s’accordent à conclure que cet épisode sonne la fin définitive de la longue période (depuis la grande crise de 2008) favorable aux investissements grâce à des taux bas qui permettaient de s’endetter à bon compte pour investir.

Nous ne sommes pas aussi pessimistes car si les taux très longs (20 et 30 ans) ont subi une correction importante, la partie courte de la courbe a peu évolué. Aux Etats-Unis, le taux à 2 ans s’est stabilisé en-dessous de 4%, le 5 ans à 4% (nous avons renforcé la position sur le niveau de 4,1%) et le 10 ans à 4,5%. Ce qui a changé sur la partie longue de la courbe, c’est le spread 20-30 ans. En effet, la pente était jusqu’à présent négative d’une quinzaine de points de base, ce qui nous faisait privilégier le 20 ans au détriment du long bond. Aujourd’hui, les taux sont identiques (4,97% hier après-midi) et nous ne voyons plus vraiment ce qui nous ferait préférer le 20 ans. Le différentiel de taux pourrait en effet redevenir négatif et si l’on a une conviction claire sur la partie longue, autant investir sur la duration la plus élevée possible. Nous observons donc le comportement des taux longs avec attention et curiosité, mais sans avoir franchi le pas. Sur la partie plus courte (autour de 5 ans), nous étudions de très près l’idée d’acheter de la dette en euros hedgée en dollars en lieu et place d’obligations de même maturité directement libellées en dollars.

Nous ne pouvons pas terminer cette rétrospective de mai sans rajouter un mot sur la dette hybride corporate européenne. Pendant que les marchés de dettes gouvernementales s’agitaient à la suite de ces fameuses adjudications désastreuses au Japon et aux Etats-Unis, notre portefeuille investi en dettes hybrides atteignait tranquillement un plus haut historique vendredi 30 mai. Les gains potentiels en capital ne sont plus exceptionnels mais le carry est toujours bel et bien présent! 

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