Merci l’Italie, Trump et Deutsche Bank

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Conte Président du conseil, un soulagement?

Guiseppe Conte a finalement été chargé de diriger le gouvernement italien, l’option Cottarelli ayant fait long feu. Les marchés, en grande panique la semaine dernière ont poussé un ouf de soulagement. Mardi 29 mai dans la matinée, le Bund était passé au-dessous de 0,20% au moment où le BTP 10 ans franchisait la barre des 3,40%. Depuis, nous sommes revenus vers des niveaux plus «raisonnables», autour de 0,40% et 2,60% pour les taux 10 ans allemand et italien.

Il est vrai que les marchés ont peur de l’incertitude et mieux vaut pour eux une solution dangereuse à long terme que le risque de pas de solution du tout à court terme. Il est tout de même navrant d’observer que les actions ont baissé et les obligations AAA monté lorsque la péninsule «risquait» d’être dirigée par un ancien du FMI alors que que désormais, avec un attelage improbable M5S-Ligue du Nord aux commandes de la troisième puissance économique de la zone euro, le soulagement est de rigueur.

Les espagnols ont profité de cet imbroglio italien
pour éviter que toute notre attention se porte sur eux.

Les marchés à risque peuvent donc repartir à la hausse et les valeurs refuges retomber dans l’oubli mais pour combien de temps? Les espagnols ont profité de cet imbroglio italien pour éviter que toute notre attention se porte sur eux. Ainsi, chef d’un parti éclaboussé par des affaires de corruption, Mariano Rajoy est parti en catimini, laissant le poste de Premier ministre à un socialiste, Pedro Sanchez.  

Taux US: de la crise italienne aux chiffres de l’emploi

La semaine a été également mouvementée du côté des taux du Trésor US. Il est vrai qu’en période de crise aigüe, les Treasuries ont un atout supplémentaire par rapport au Bund: ils sont libellés en US dollars, monnaie qui a une probabilité de survie incroyablement supérieure à celle de l’euro, d’après les media anglo-saxons en tout cas!  Ainsi, mardi 29 mai, les taux à 30 et 10 ans US ont pratiquement atteint respectivement 2,95% et 2,75%.

Depuis, dans une grande volatilité, ils sont repartis à la hausse mais le coup de semonce laissera des traces, du point de vue de l’analyse technique mais pas seulement. Quelque chose a changé et les bons chiffres de l’emploi de vendredi (3,8% de taux de chômage mais surtout 2,7% de progression des salaires horaires), suivis par ailleurs d’un bon indice ISM manufacturier, n’ont pas provoqué la correction que nous aurions été en droit d’attente en période «normale». 

La crise italienne a diminué l’impact ravageur
des barrières douanières sur l’acier et l’aluminium.

En effet, les taux longs US ont clôturé la semaine à 2,90% et 3,05%, en ligne avec le retour du Bund vers 0,40%. Si, en Europe, la crise italienne a fait passer au second plan la chute de Mariano Rajoy en Espagne, elle a également diminué l’impact ravageur des barrières douanières sur l’acier et l’aluminium que Monsieur Trump va imposer à ses «frennemies» (néologisme, combinaison de «friends» et «ennemies»). Mais dans ce cas également, pour combien de temps? Dans le cas des guerres commerciales, il n’y a pas débat, cela finit toujours de la même manière.

Au moment où la croissance économique des pays du G7 est moins vigoureuse, il ne s’agirait pas de détériorer la croissance mondiale par des luttes protectionnistes. Nous estimons toujours qu’au final, les américains vont raison garder mais entre-temps les marchés vont se faire peur, ce qui rime avec volatilité et retour vers les valeurs refuges.

Le risque global augmente

Un des meilleurs indicateurs du stress de marché est le titre Deutsche Bank. Cette banque est réputée pour concentrer des niveaux de risques très élevés et les derniers événements de la semaine dernière n’ont pas aidé à démentir les rumeurs. La Fed a révélé lui avoir attribué le statut de banque en difficultés en 2017 et dans la foulée (est-ce un hasard?) Standard & Poor’s a baissé sa note de A- à BBB+ vendredi.

Il faut savoir être patient et diversifier ses portefeuilles sans négliger
l’apport bénéfique des emprunts d’états de très haute qualité.

Tous ces événements mis bout à bout, Italie, Espagne, protectionnisme, banques, euro ou niveau des marchés actions devraient être remerciés pour cette salutaire piqûre de rappel. Ils nous confirment une fois de plus que les obligations de grande qualité sont un des remparts les plus efficaces contre le risque de baisse des marchés et lorsqu’elles jouent leur rôle de protection des portefeuilles, on oublie leurs performances récentes décevantes.

Mais se plaindre de leur comportement passé, c’est comme si, après avoir payé votre prime d’assurance incendie, vous souhaitiez que votre maison brûle afin de rentabiliser votre investissement. Il faut savoir être patient et diversifier ses portefeuilles sans négliger l’apport bénéfique des emprunts d’états de très haute qualité. Nous sommes toujours convaincus que la courbe US va s’aplatir encore et son inversion avant la fin de l’année est possible. Cela dépendra également de la politique de la Fed, qui montera ses taux le 13 juin après des chiffres de l’emploi «formidables». Mais pourvu que cette hausse de taux soit la dernière!

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