La pression s’accentue sur la Fed

Eric Vanraes, Eric Sturdza Asset Management

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Chronique des taux d’ESAM (Eric Sturdza Asset Management).

 

Des Fed funds à 1%

Donald Trump ne relâche pas la pression. Selon lui, la Fed fait perdre des dizaines de milliards à l’économie américaine puisque les taux directeurs auraient dû être abaissés très fortement. Il a ajouté que la banque centrale devrait annoncer un changement de cap radical pour mener une politique ultra accommodante qui aboutirait à des Fed funds à …1%. Le Président s’est même risqué sur le terrain glissant des taux longs. Selon lui, le 10 ans ne devrait plus remonter et les niveaux constatés en fin de semaine dernière pourraient être considérés comme des limites hautes. Cela dit, sa salve sur les taux longs a le mérite d’être théoriquement cohérente avec des taux courts à 1%. Dans l’administration Trump, on se demande donc s’il est bien nécessaire que le Trésor, avec à sa tête Scott Bessent, continue à émettre des obligations sur des niveaux de taux si élevés. En théorie, les adjudications pourraient être momentanément remplacées par des émissions de T-Bills sur le marché monétaire en attendant que la Fed «obéisse». En effet, une fois les taux courts réajustés à 1%, les nouvelles émissions à 3, 5, 10 et 30 ans pourraient a priori s’adjuger sur des niveaux très inférieurs à ceux qui s’affichent aujourd’hui, faisant économiser des milliards.

Si certains membres de la Fed comme Chris Waller ou Michelle Bowman commencent à se désolidariser du discours officiel en prônant une baisse de taux dès le 31 juillet, il s’agit surtout pour eux de se placer dans la course de petits chevaux pour succéder à Jerome Powel dans moins d’un an. La Fed en général et Jay Powell en particulier semblent rester droits dans leurs bottes, soulignant que l’économie se porte bien alors que l’inflation reste un sujet toujours très délicat. Le dernier Core PCE publié vendredi (2,7% YoY) n’incite pas à la dovishness au moment où de nombreux membres du FOMC demandent un peu de temps pour évaluer l’impact des tariffs sur le niveau d’inflation. Nous nous retrouvons donc face à un bras de fer et la banque centrale américaine va devoir s’armer de courage face à des Républicains de plus en plus véhéments. Nous constaterons le 30 juillet si le clan Waller-Bowman a réussi à convaincre la majorité des membres du FOMC du bien fondé de ses arguments.

Faut-il acheter du 10 ans à 4,25%?

Nous sommes déjà arrivés à la mi-2025 et les marchés de taux sont toujours incertains. Il aurait donc fallu acheter du 10 ans à 4,60% le 22 mai car depuis, c’est Donald Trump qui possède la plus grande influence sur les taux longs. Les diverses adjudications récentes étaient craintes comme de possibles déclencheurs d’un sell-off mais rien n’a pu empêcher le rally du 10 ans, même une brève tension sur les prix de l’énergie au moment des frappes en Iran. Un conseil sur le deuxième semestre? Impossible à prodiguer étant donné la faiblesse de la visibilité. Nous serions déjà bien soulagés d’avoir des convictions à un mois, alors six mois cela nous semble une éternité. Dans le doute, il est donc préférable de s’abstenir de remettre de la duration trop coûteuse.

En effet, la théorie de Trump (les taux longs vont se détendre fortement une fois les Fed funds à 1%) ne tient pas forcément la route. Le steepening, ça existe et les marchés obligataires pourraient se rebeller contre la politique menée par les Républicains en boudant la prtie longue de la courbe. Le seul moyen pour Trump et Bessent de venir à bout de ce casse-tête, c’est d’encourager (lisez forcer) la Fed à non seulement baisser ses taux violemment mais concomitamment de monitorer la pente de la courbe en renouant avec le Quantitative Easing. Ce n’est pas exclu mais nous nous retrouvons dans de la politique fiction et remettre de la duration sur un tel scénario nous semble plus proche du casino que de la stratégie d’investissement.

Nous préférons donc les valeurs sûres, les dettes d’entreprises. Cela paraît totalement incongru d’affirmer que les crédits sont perçus comme tels alors qu’en théorie, c’est l’apanage de la dette gouvernementale. Nous affectionnons toujours les emprunts corporates hybrides en euros hedgés en dollars. Depuis le début de l’année, cette stratégie délivre une sympathique performance nette de +3,6%. Nous ajouterons toutefois deux bémols. Le premier est à prendre au sérieux puisque les hybrides ont encore battu des records en juin et semblent un peu toppish. Le second est un peu plus extravagant puisqu’il consiste à dire que si Trump arrive à ses fins avec des Fed funds à 1%, le «cadeau» reçu actuellement par le différentiel de taux dollar-euro une fois effectuée la couverture de change, pourrait se transformer en boulet si les taux courts US repassaient en-dessous de ceux de la BCE. Heureusement, nous sommes le 1er juillet, pas le 1er avril!

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