La montagne a accouché d’une souris

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

FOMC et GDP

La semaine dernière était riche en événements censés mettre un peu d’animation dans un marché obligataire un peu terne et ennuyeux. Les deux points d’orgue, le FOMC et les statistiques de croissance, étaient potentiellement en mesure de générer plus de volatilité et de faire pencher la balance d’un côté (retour du 10 ans vers 1,45%) ou d’un autre (remontée au-dessus de 1,75%). Nous n’avons eu droit ni à l’un ni à l’autre. Une semaine pour rien? Ce serait aller trop vite en besogne. Tout d’abord, l’intervention de Jay Powell mercredi soir n’a pas été totalement inutile. Elle a confirmé ce que de nombreux observateurs attendaient: il y a du mieux (économie, emploi, vaccinations, politique de relance Biden-Yellen) mais l’issue est encore incertaine et le chemin pour l’atteindre est plus long et compliqué que ce que pensent certains, à Wall Street notamment. 

Le retour au plein emploi (traduire: aux chiffres d’avant-COVID) déclenchera un changement d’attitude de la Fed. D’ici-là, on continue la même politique d’achats d’actifs avec des taux proches de zéro. Jay Powell a, une fois de plus, insisté sur l’effet trompe l’œil des futurs chiffres d’inflation. L’indice des prix va grimper mais pour une période courte avant de redescendre vers des niveaux qui le placeront au-dessous des objectifs à moyen-long terme de la banque centrale. Avis aux paniqués et spéculateurs: ne pas attendre que la Fed lève le petit doigt au moment des poussées de fièvre du CPI dans les semaines à venir. Cela a semble-t-il calmé les «inflationnistes» et comme nous le mentionnions dans de précédentes chroniques, il ne faut pas craindre une hausse de taux de la Fed en réponse à la montée de l’inflation mais plutôt un tapering qui arriverait plus tôt que prévu grâce à des statistiques de croissance et de chômage en amélioration plus forte et plus rapide qu’attendu. 

Le marché des TIPS est totalement manipulé
par la Fed et les taux réels ne veulent plus rien dire!

Nous pensions que le moment idéal pour commencer à aborder le délicat sujet du tapering serait le FOMC du 16 juin mais plusieurs économistes ont estimé que ce serait plus judicieux d’attendre Jackson Hole et nous avons été convaincus. Dernière remarque sur la Fed: si vous suivez de près le marché des TIPS, vous avez dû être surpris par son comportement récent (notamment le retour à 0% du taux à 30 ans). Ce marché est totalement manipulé par la Fed et les taux réels ne veulent plus rien dire! Inutile d’essayer de trouver des arguments rationnels. La Fed achète massivement des TIPS pour maintenir ce marché à des taux raisonnables. Le second événement de la semaine, la publication du GDP, n’a pas révélé de grandes surprises. Une croissance à 6,4% (6,7% attendus) légèrement décevante mais compensée largement par un très bon chiffre de Personal Consumption à 10,7%, de bon augure pour la suite!

Des crédits sinon rien

Comme le 10 ans US se promène autour de 1,60% sans grande tendance, il faut bien se rabattre sur d’autres marchés un peu plus intéressants. Le crédit, encore et toujours, reste incontournable. Au cours de la semaine dernière, nous avons pu trouver quelques BBB américains à des spreads aux alentours de 80: ce n’est pas l’opportunité du siècle mais le carry est bon et faute de mieux... Nous sommes condamnés au TINA obligataire et nous pensons continuer dans cette voie. La prochaine étape sera vraisemblablement d’accumuler des crédits BBB de maturités plus longues, 8-10 ans, en couvrant la moitié de leur duration par des positions shorts en Future Treasury 10 ans. 

Les crédits notés BB+ candidats à un retour en Investment Grade
l’année prochaine pourraient se révéler d’excellents investissements.

Du côté des crédits hybrides, nous n’avons pas fait grand-chose et avouons que les spreads actuels ne nous incitent pas à prendre des positions trop agressives. Il y a encore de la valeur dans quelques REITS suédois et allemands mais sur le marché euro, nous regardons désormais du côté des rising stars 2022, autrement dit des crédits notés BB+ candidats à un retour en Investment Grade l’année prochaine. Ces rising stars 2022 pourraient se révéler d’excellents investissements. En premier lieu, une amélioration de leur risque crédit devrait se matérialiser par une contraction de leur spread mais un retour en Investment Grade serait également synonyme de flux acheteurs conséquents. 

Premièrement, et ce n’est pas nouveau, les investisseurs et les ETF voulant suivre les indices IG au plus près devraient immanquablement se porter acquéreurs de ces noms mais, cerise sur le gâteau, la BCE pourrait également les rajouter à sa liste CSPP. Il y a donc bien un intérêt à suivre certains de ces candidats futurs BBB. Pour ceux qui ne sont pas intéressés par ces «recovery stories», la ZKB a annoncé hier qu’elle allait émettre pour la première fois sur le marché en euros avec un 5 ans senior noté AAA. Autant dire que le spread sera moins attirant! 

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