Inflation-récession, le tandem infernal

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

La Fed n’a pas le choix

La semaine dernière a été, une fois de plus, dominée par les craintes inflationnistes, tout du moins jusqu’à jeudi soir. Le marché optimiste et confiant du mois de janvier a laissé place au concept de désinflation transitoire, clin d’œil ironique aux propos de Jay Powell prononcés au début du processus de hausse des prix. Aujourd’hui, bon nombre d’observateurs et de responsables comme par exemple les économistes de la Fed de Cleveland, estiment qu’une récession profonde est le seul moyen de retourner vers l’objectif d’inflation de 2%. Or, les récentes statistiques économiques ne plaident pas pour un tel scénario extrême et ce sera donc vraisemblablement à la Fed de provoquer délibérément l’effondrement (provisoire) de l’économie américaine pour atteindre son but.

La banque centrale américaine a deux missions, la stabilité des prix et le plein emploi, qui sont incompatibles dans l’environnement actuel. Laquelle de ces deux missions va-t-elle devoir sacrifier au profit de l’autre? La réponse est évidente et il faut donc s’attendre à ce que la Réserve Fédérale adopte une politique monétaire restrictive encore plus agressive et dans ce contexte, des Fed funds au-delà de 6% ne sont plus de la science-fiction!

Une semaine pour rien?

Le bull market de vendredi a effacé la lente dérive hebdomadaire des taux longs. En une semaine, le 10 ans US est donc passé de 3,9% à … 3,9% mais en passant par 4,09% jeudi après-midi. Le spread 10-30 ans a poursuivi son mouvement d’inversion, passant d’un petit point de base symbolique à -9bp jeudi. Les taux longs n’ont pas fini de souffrir mais ce n’est sans doute rien par rapport au 2 ans et au 5 ans. La partie courte de la courbe est à risque élevé et l’inversion va se poursuivre inexorablement. Plus la Fed va monter ses taux, plus les taux courts jusqu’à 5 ans vont grimper et plus les taux longs vont intégrer la probabilité de plus en plus élevée de récession violente.

Le marché des options sur le SOFR s’est subitement emballé lorsqu’un intervenant a massivement parié sur un retour à zéro des taux monétaires américains en septembre 2024!

La récession aiguise également les appétits sur les dérivés de taux courts. Vendredi, le marché des options sur le SOFR, s’est subitement emballé lorsqu’un intervenant a massivement parié sur un retour à zéro des taux monétaires américains en septembre 2024! Inconscience ou coup de génie? Nous le saurons dans un peu moins de dix-huit mois mais cela signifie bien que les marchés de taux ont complètement retourné leur veste. En janvier, la récession semblait devoir être évitée grâce à une désinflation qui commençait à s’installer un peu lentement mais sûrement. Désormais, c’est le rebond de l’inflation qu’il va falloir anéantir par une dose massive de hausses de taux, provoquant une récession inévitable et potentiellement violente. Ces deux scénarios quasi-opposés génèrent des comportements très différents des marchés de taux. Gardons nos ceintures attachées mais ne rien faire serait contre-productif.

Nos trois Treasuries préférés

Dans ce contexte, nous avons identifié trois dettes émises par le Trésor US qui sont dignes d’intérêt. Par ordre croissant de maturité, ce sont le T-Bill 6 mois, le TPIS 2 ans et le Treasury 20 ans.

Le 6 mois au-dessus de 5% est une option intéressante pour parquer de l’excess cash, même si la probabilité que les Fed funds atteignent 5,5% voire 6% dans les prochains mois permet d’envisager que ce 6 mois peut légitimement grimper un peu plus haut. Il ne s’agit donc pas de bloquer tout notre cash sur 6 mois à 5,1% mais de placer des excès de liquidités, par paliers successifs, en profitant de ces taux monétaires très attrayants. Cash is king, paraît-il: à plus de 5% de rendement annualisé, l’expression est amplement justifiée.

Le TIPS 2 ans est l’une de nos pépites 2023: arriver à investir sur 24 mois à plus de 2% de taux réel est une opportunité d’investissement très attrayante. De plus, ces titres permettent de réduire sensiblement la volatilité des portefeuilles car, contrairement aux US Treasuries à taux nominal, ils font preuve d’une stabilité admirable.

Enfin, le 20 ans nous permet de nous positionner sur les taux longs avec un rendement supérieur au 10 ans et au 30 ans en générant un peu moins de volatilité. En effet, cette partie de courbe est délaissée par les investisseurs et le comportement des cash bonds n’est pas «pollué» par les mouvements violents sur les marchés dérivés (futures et options sur 10 ans et 30 ans). Il ne s’agit pas non plus d’acheter massivement de la duration longue, surtout dans ce contexte incertain et volatil. Mais il nous semble important de prendre date et de remonter petit à petit la duration de nos portefeuilles par doses homéopathiques. Tôt ou tard, les taux rebaisseront et il s’agira, à ce moment-là, de profiter de ce mouvement. Ce n’est pas avec seulement de la duration 6 mois et 2 ans que nous y parviendrons.

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