Deux scénarios pour le crédit

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
Un marché primaire en feu

Le marché des crédits Investment Grade fait décidément parler de lui en ce moment ! De nombreux allocataires d’actifs s’intéressent de nouveau aux spreads de qualité suite à leur récent écartement. Il est vrai que les niveaux atteints fin 2019-début 2020 n’étaient pas très excitants, c’est un euphémisme. Si le marché en dollar nous offrait encore quelques belles opportunités de carry, l’Investment Grade en euros nous présentait des spreads tellement étriqués qu’ils n’arrivaient même pas à faire basculer les rendements en territoire positif! Ce passé si proche nous paraît tellement lointain. 

Aujourd’hui, que ce soit sur le marché primaire ou sur le marché secondaire (qui s’aligne sur les concessions offertes par les nouvelles émissions), vous trouvez votre bonheur dans les deux marchés euro et dollar. Il est vrai que la Fed et la BCE vont animer ces marchés dans les mois qui viennent et que les craintes des investisseurs concernant la liquidité des crédits s’estompent. Toutefois, des secteurs seront plus sinistrés que d’autres tandis que les plus faibles et les plus endettés avant cette crise auront du mal à conserver leur statut Investment Grade. 

Près de la moitié des émetteurs notés BBB et BBB-
pourraient devenir des Fallen Angels à brève échéance.

Nous estimons qu’il n’est pas absurde de penser que près de la moitié des émetteurs notés BBB et BBB- pourraient devenir des Fallen Angels à brève échéance. Cela pourrait d’ailleurs être un nouveau thème d’investissement: de bonnes sociétés qui, par la faute du COVID-19, vont se retrouver temporairement BB+/BB pour retrouver la catégorie Investment Grade d’ici deux ou trois ans. Nous avons retenu un autre critère d’investissement intéressant: en zone euro, la BCE va acheter des crédits Investment Grade selon sa propre définition. Celle-ci est beaucoup plus «laxiste» que celle que nous avions imaginé puisqu’il suffit que l’émetteur soit noté Investment Grade chez au moins l’une des quatre agences de notation suivantes: Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch et DBRS.   

Début du rally ou dead cat bounce?

Deux scénarios s’offrent à nous sur le crédit et sans doute sur les marchés actions (puisque ces derniers risquent de calquer en grande partie leur comportement sur celui de la dette corporate). Premier scénario: nous avons vu les plus bas, le rebond est le signe d’un début de bull market et profitons-en avant de rater le train en marche et de rester sur le quai. Deuxième scénario: nous sommes en train de vivre un bear market rally et une seconde vague de baisse, potentiellement plus forte que la première, est devant nous. Il ne sert à rien de se précipiter. Il est vraiment très difficile de pencher pour l’une de ces deux options, chacune ayant des arguments à faire valoir. 

Nous allons faire preuve de pragmatisme
et poursuivre notre politique d’achats par petites vagues.

Nous sommes entourés de nombreuses incertitudes mais deux choses sont sûres. Premièrement, si nous ne faisons rien du tout, nous resterons sur le quai. Deuxièmement, les banques centrales ont annoncé qu’elles achèteraient ce marché pour des montants colossaux. Nous allons donc faire preuve de pragmatisme et poursuivre notre politique d’achats par petites vagues afin de constituer des positions de plus en plus significatives au fil du temps. Ainsi, quel que soit le scénario, nous pourrons aborder la deuxième partie de l’année (ou plus vraisemblablement 2021) avec des portefeuilles bien rééquilibrés, avec moins de risque de duration pure et de plus en plus de risque de crédit. 

Mais répétons-le: ce n’est pas parce que la Fed et la BCE vont investir massivement dans cette classe d’actif qu’il faut se passer d’une analyse crédit minutieuse. En oubliant ce principe de base, nous pourrions redécouvrir les caractéristiques propres au risque encouru sur ce marché. Il s’agit d’un risque toujours asymétrique, qui est systémique lorsque nous sommes dans l’œil du cyclone et qui devient idiosyncrasique lorsqu’on en ressort. Malgré le support des banques centrales et des gouvernements, certains crédits ne sortiront pas indemnes de cette crise. A nous de faire le tri!

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