Détente des taux dans un contexte d’accroissement des risques

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Le comportement «loco» de la Fed et le repli de Wall Street

La semaine dernière, nous jugions que le comportement du 30 ans US était à risque. En effet, après avoir franchi 3,38%, il se dirigeait tout droit vers 3,44% et en cas de franchissement clair de ce niveau, la porte était grande ouverte pour 3,75% voire 4%. Dans le même temps, nous évoquions la fameuse relation «je t’aime, moi non plus» entre les taux longs et les marchés actions. Nous sommes bien allés à 3,44% mardi dernier mais pour redescendre illico et de manière abrupte puisque nous sommes redescendus au-dessous de 3,30% jeudi.

Il est vrai qu’au cours de la semaine, le S&P 500 a clôturé la semaine à -4,1% tandis que le Nasdaq abandonnait 3,7%. Des baisses relativisées par le rebond de vendredi dernier car jeudi après-midi, les pertes depuis la clôture de vendredi 5 octobre atteignaient respectivement -6,06% et -6,60% pour le S&P et le Nasdaq. Par conséquent, les certitudes concernant la prochaine hausse des taux Fed funds le 19 décembre prochain ont été légèrement ébranlées même si en fin de semaine, la probabilité d’une telle hausse se stabilisait à 78%, voire à 79,5% si l’on rajoute les 1,5% de probabilité d’une hausse de 50bp au lieu des 25 habituels.

En un mois, le taux des hypothèques
à 30 ans est passé de 4,5% à 5,125%...

Plus généralement, nous sommes surpris de voir le nombre d’articles ou d’interventions d’experts reconnus qui commencent à se sentir mal à l’aise avec les niveaux actuels des marchés actions dans un contexte de croissance économique US moins favorable. Nous retiendrons un chiffre très concret: en un mois, le taux des hypothèques à 30 ans est passé de 4,5% à 5,125%... Dans cet environnement, nous avons peut-être vu, au cours de la semaine dernière, les niveaux de taux longs les plus élevés de l’année avec 3,26% sur le 10 ans et 3,44% sur le 30 ans mardi dernier et le rally qui a suivi aurait pu être encore plus ample sans deux adjudications de 10 et 30 ans du trésor (qui d’ailleurs se sont assez mal déroulées, la pire depuis 8 mois pour le 30 ans).

La pente de la courbe a également évolué, dans le sens de la pentification. Le spread 5-30 ans qui était descendu au plus bas à 18 points de base mi-juillet est remonté à 36 bp (le double, qui correspondait surtout à la moyenne mobile 200 jours) au cours de la semaine dernière. Nous sommes aujourd’hui à 33 bp et continuons à favoriser l’aplatissement de la courbe US d’ici la fin de l’année. L’inversion est toujours possible mais il nous semble prématuré de l’envisager en novembre ou décembre. Nous estimons en effet que les marchés vont commencer à croire que la hausse de la Fed du 19 décembre sera la dernière avant une pause, voire la dernière «tout court» de ce cycle économique.

Dans ce contexte, Jerome Powell et ses collègues ont eu le privilège de se faire traiter de «cinglés» par le président Trump. Ce dernier a, en tout cas et même si ce n’était pas son intention, apporté de l’eau au moulin de ceux qui estiment qu’à force de monter les taux, la Fed va commettre une erreur en favorisant l’apparition prématurée d’un ralentissement voire d’une récession. Nous croyons que, contrairement à ce que nous pourrions craindre à première vue, cela va renforcer l’indépendance de la Fed car celle-ci va mettre un point d’honneur à appliquer la politique monétaire qui lui semble bonne pour le pays. Cela dit, cette saillie verbale du président Trump renforce, selon nous, la probabilité quasi-certaine d’une hausse de taux le 19 décembre.

Il ne faut pas sous-estimer les risques
qui s’accumulent actuellement en Europe.
Brexit, Italie et élections en Bavière

En Europe, plusieurs sujets d’inquiétude ont participé au rally du Bund qui est passé de 0,57% à 0,49% la semaine dernière. Si, bien évidemment, le premier responsable de cette embellie est le comportement du marché US, il ne faut pas sous-estimer les risques qui s’accumulent actuellement en Europe.

Le Brexit n’en finit pas et c’est une véritable épée de Damoclès pour la croissance de la zone euro, qui perdrait, certes beaucoup moins que le Royaume-Uni, mais au minimum un point de croissance.

nsuite, l’Italie est toujours au centre des préoccupations. Le taux à 2 ans (plus significatif du niveau de stress de marché que le 10 ans) est passé de 1,34% à 1,65% en début de semaine. Il s’est certes stabilisé entre 1,45% et 1,50% mais n’arrive pas à redescendre significativement.

Quant au taux à 10 ans, le spread Bund-BTP a terminé la semaine à 307 bp et Monsieur Salvini, en clamant haut et fort que ce spread n’ira jamais à 400 bp a peut-être malgré lui fixé le prochain objectif pour les marchés.

Enfin, ce week-end, les élections en Bavière ont fragilisé Madame Merkel avec la débâcle du CSU que ce dernier impute à la politique de la chancelière. Un des piliers de l’Europe se trouve donc fragilisé. Les marchés, déjà suffisamment inquiets, n’avaient pas franchement besoin de cela.

A lire aussi...