Le 10 ans US de nouveau à 3%

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Le risque continue de payer

Au cours de la semaine, le S&P 500 s’est clairement affiché au-dessus de 2'900. La lire turque s’est raffermie, de 6,50 à 6,10, grâce à l’action plus agressive que prévu de la banque centrale, qui a propulsé son taux directeur à 24% (soit +625 bp de hausse contre 350 attendus) malgré la désapprobation de Monsieur Erdogan. Les taux italiens se sont stabilisés sur des niveaux plus bas qu’en début de mois (2 ans à 0,75% et 10 ans à 2,90%). Les taux à 10 ans allemand et américain se sont donc respectivement tendus à 0,45% et 3%. En Europe, la BCE a confirmé l’arrêt de son programme d’achats d’actifs en fin d’année ainsi que la diminution des achats mensuels de 30 à 15 milliards pour le dernier trimestre. Toutefois, la semaine a été marquée par une série d’événements et de statistiques économiques qui auraient pu provoquer une détente des taux. En Europe, Mario Draghi a affirmé que les réinvestissements se poursuivront aussi longtemps que nécessaire même si la BCE n’avait toujours pas entamé de discussions à ce sujet. Il a également confirmé le statu quo sur les taux jusqu’à septembre 2019 au minimum et, malgré une balance des risques jugée neutre, il a mis l’accent sur une accumulation récente de facteurs de risques, notamment en provenance des pays émergents. Enfin, la BCE a logiquement revu ses prévisions de croissance à la baisse, en ajustant sa prévision 2018 de 2,1% à 2% et 2019 de 1,9% à 1,8%. Aux Etats-Unis, les indices d’inflation à la production PPI mercredi et à la consommation CPI jeudi étaient attendus avec grand intérêt après le chiffre d’inflation salariale qui était grimpé à +2,9% en début de mois. L’indice PPI est ressorti à -0.1% sur le mois, à 2,8% sur 1 an (3,3% le mois dernier) et à 2,3% hors alimentation et énergie (2,7% le mois dernier). Quant au CPI, il est resté à 0,2% sur le mois, est passé de 2,9% à 2,7% sur 1 an et de 2,4% à 2,2% hors alimentation et énergie. On ne peut donc pas parler de fièvre inflationniste outre-Atlantique, dans un contexte de guerre commerciale, toujours marqué par les attaques du Président Trump contre les chinois. Ce bras de fer commercial pourrait nourrir les craintes de ralentissement plus fort que prévu en Chine et même si la PBoC est prête à agir (comment dit-on «whatever it takes» en chinois?), le scénario de hard landing n’est plus un sujet tabou. Enfin, si certains marchés émergents se reprennent, il reste quelques zones d’ombres. Monsieur Erdogan pourrait utiliser la menace d’un défaut sur la dette turque comme élément de négociation avec les occidentaux tandis qu’en Amérique latine, un défaut sur la dette souveraine argentine ne peut être exclu dans les prochaines semaines. 

Un français pour succéder à Mario Draghi à la BCE ? 

Monsieur Draghi quittera la présidence de la BCE fin octobre 2019. La personnalité qui sera nommée à la tête de la BCE pour lui succéder devra gérer la sortie des taux négatifs et la fin des réinvestissements du programme d’achats dans un contexte de ralentissement éventuel de la croissance US. Si la Fed aura sans doute réussi, d’ici la prochaine récession, à remplir de nouveau sa «boîte à outils», rien n’est moins sûr en ce qui concerne la BCE. D’après une étude Bloomberg menée par John Ainger et William Horobin, le plus surprenant des scénarios, à savoir un français de nouveau président, n’est plus exclu. La proximité du mandat de Jean-Claude Trichet (2003-2011) excluait de facto la candidature d’un de ses compatriotes pour succéder à Super Mario mais les favoris actuels pour le fauteuil de président sont en perte de vitesse. La logique voudrait qu’un allemand accède enfin à la présidence et Jens Weidmann réunit toutes les qualités du candidat idéal. Mais sa candidature a du plomb dans l’aile puisque madame Merkel ne souhaite pas le soutenir. Elle préfère que l’Allemagne obtienne la présidence de la commission européenne et dans ce cas, le président de la BCE ne pourra pas être allemand. Le second favori, le finlandais Erkki Likanen, pourrait faire l’affaire mais il parait difficile de concevoir une Europe avec un allemand à la tête de sa commission et un européen du nord à la tête de la banque centrale. Impossible de mettre un italien ni un espagnol (Monsieur Guindos est déjà vice-président). Il reste donc la France qui peut présenter trois candidats de grande valeur. François Villeroy de Galhau et Benoît Coeuré sont des postulants naturels mais en cas de désir légitime de promouvoir une femme à la tête de la BCE, Christine Lagarde a toutes ses chances. Pour conclure, nous rappellerons tout de même qu’en septembre 2017, les favoris pour succéder à Janet Yellen à la tête de la Fed étaient, par ordre d’importance : Janet Yellen, Kevin Warsh, Gary Cohn, John Taylor, Glenn Hubbard, Thomas Hoenig, Larry Lindsay et John Allison. Il nous faut donc deviner qui, à la BCE, pourrait être le futur Jerome Powell européen déjouant tous les pronostics!

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