Black Friday sur les taux longs?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

©Keystone
En attendant le FOMC du 11 décembre

Cette semaine, le 10 ans US s’est détendu d’une dizaine de points de base, poussé à la baisse par deux nouvelles qui ne sont pourtant pas exceptionnelles. En premier lieu, les marchés ont commencé à perdre patience concernant les avancées des discussions entre Chinois et Américains pour régler leur différend commercial. Il se disait en milieu de semaine dernière que rien ne serait signé avant la fin de l’année mais ce n’est pas un scoop! Les derniers développements du week-end faisant état d’un assouplissement de Pékin sur le volet de la propriété intellectuelle ont rassuré les marchés actions mais n’ont pas bouleversé le comportement des emprunts d’état. Pour trouver le second événement de la semaine dernière susceptible de faire bouger les marchés, il fallait aller du côté de la publication des minutes du dernier FOMC du 30 octobre. Nous avons eu confirmation qu’une pause était envisagée par la grande majorité des membres de la Fed et qu’a priori il ne faut rien attendre de la dernière réunion de l’année qui se tiendra le 11 décembre. Une fois de plus, lorsque la Fed évoque un arrêt de sa politique de baisse de taux, la partie longue de la courbe se détend, provoquant un aplatissement qui ne nécessite pas de plus amples commentaires! La plupart des banques d’investissement publient leurs perspectives 2020 et trois baisses des Fed funds sont envisagées par de nombreux établissements. La poursuite de la détente des taux longs est donc possible mais ces mêmes experts, il y a un an, voyaient le 10 ans US aux alentours de 3,5% fin 2019. Ce que nous constatons, c’est qu’aujourd’hui, le plus bearish d’entre tous, Goldman Sachs, voit un mini krach obligataire l’an prochain avec un 10 ans culminant à…2,25%.

Si les taux longs devaient subir une correction, ils n’iraient pas bien haut!

Quelles que soient les prévisions de toutes ces honorables maisons, force est de constater qu’elles sont unanimes sur un point: si les taux longs devaient subir une correction, ils n’iraient pas bien haut! Nous entamons donc cette semaine de quatre jours avec impatience puisque nous devrions connaître le week-end prochain les premières tendances du Black Friday. Le consommateur US représente toujours un peu moins de 70% du PIB et de telles journées sont des marqueurs de l’activité réelle d’une économie. Nous en avons pour preuve tout le battage médiatique autour des ventes d’Alibaba pour la journée des célibataires en Chine récemment. Les taux US risquent donc, sauf accident, de faire un peu de yoyo entre Black Friday, chiffres de l’emploi le 6 décembre et FOMC le 11. Comme nous l’évoquions déjà la semaine dernière, nous envisageons un mini rally de fin d’année obligataire, qui ne serait d’ailleurs pas incompatible avec une bonne tenue des marchés actions. Mais un tweet Trumpien est si vite arrivé…

L’Europe, un pas en avant, deux en arrière

Les dernières statistiques économiques publiées en Europe, même si certaines semblent marquer un arrêt de la dégringolade, ne sont guère réjouissantes. Nous avons eu confirmation que le PIB allemand a progressé de 0,1% au cours du troisième trimestre. Techniquement, la récession est donc évitée mais qui s’en soucie encore? Ensuite, les indices PMI de la zone euro ont montré deux visages. Du côté manufacturier, la baisse est enrayée avec un niveau de 46,6 après 45,9 le mois précédent mais nous sommes toujours bien au-dessous de 50, donc en récession. En revanche, contre toute attente, le PMI des services commence à se rapprocher dangereusement du niveau de récession puisqu’il s’est affiché à 51,5 contre 52,2 le mois précédent, alors que nous attendions un léger mieux à 52,4. Les marchés obligataires européens n’ont pas manqué de réagir mais ces statistiques ont également provoqué une détente des taux longs US. Il est vrai qu’aux Etats-Unis, les marchés s’accrochent au dogme qui veut qu’une récession manufacturière n’a pas de répercussion flagrante sur l’activité des services.

Aux Etats-Unis, les marchés s’accrochent au dogme qui veut qu’une récession
manufacturière n’a pas de répercussion flagrante sur l’activité des services.

La zone euro est peut-être en train de prouver le contraire. Autre conséquence: avec de tels chiffres, la BCE est obligée de poursuivre sa politique et comme ses taux sont déjà très bas en territoire négatif, la solution serait un accroissement du QE2. Enfin, la publication hier matin des indices IFO s’est révélée globalement conforme aux attentes avec un climat des affaires un peu meilleur, 95 contre 94,6 le mois précédent, des conditions actuelles en léger mieux et des attentes en baisse. Les plus optimistes y voient une stabilisation après des mois de dégradation. Dans cet environnement le Bund se maintient aux alentours de -0,35%. Est-il prêt à repartir vers -0,60%? La publication du CPI en Allemagne après-demain nous donnera des premiers éléments de réponse…En attendant l’émission de green Bunds l’année prochaine, mais pour pas plus de 10-12 milliards d’euros, il ne faut pas exagérer!

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