Vague d’exclusions des clients de banques

Emmanuel Garessus

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Une étude britannique révèle que le coût de la conformité amène les banques à se séparer d’un nombre croissant de clients. Faut-il reporter ce coût sur l’Etat?

Les conséquences économiques et sociales des dispositions contre la lutte antiblanchiment sont souvent méconnues. Elles peuvent pourtant amener de nombreux épargnants à se voir fermer leur compte bancaire. Selon un rapport officiel de la Financial Conduct Authority, pour l’exercice 2021/22, les établissements bancaires britanniques ont fermé 343 000 comptes, soit presque 1000 par jour. Dans la moitié des cas, la banque ne pouvait pas démontrer que le client n’était pas impliqué dans une affaire de blanchiment ou de crime financier. «Debanked», qui est le titre d’une étude de l’Institute of Economic Affairs (Discussion Paper 125, May 2025), fait le point sur le phénomène et émet d’intéressantes propositions. 

La fin des relations avec un client n’est pas motivée par des raisons politiques. Ce sentiment avait émergé à la suite de l’«affaire Nigel Farage», lorsqu’il s’est aperçu que l’homme politique phare du Brexit avait été sanctionné par la banque Coutts. Une enquête a démontré que ce cas de «politisation» était rare. Mais il a élargi le sujet aux raisons qui mènent à des fermetures de comptes.

«Cette liberté a un effet pervers lorsque les banques sont cooptées par le gouvernement pour lutter contre la criminalité», note l’IEA.

Le «debanking» est plutôt le résultat d’un calcul des coûts et bénéfices, selon l’IEA. La raison est donc commerciale. Les banques sont lourdement sanctionnées si elles ne satisfont pas les réglementations antiblanchiment. Certaines amendes ont dépassé le milliard de francs. Mais le coût que représente la recherche du caractère criminel du client est parfois si élevé que la banque préfère fermer son compte, même si en réalité ses clients devaient être innocents.

Les désagréments et les coûts que cela engendre pour ces exclus sont significatifs. Il ne leur est pas facile de trouver une autre banque et à des conditions similaires. Les autres clients ne sont d’ailleurs pas épargnés, selon Jamie Whyte, l’auteur de l’étude, associé de CAP, une société spécialisé dans la gestion du risque de litigation et ancien directeur de la recherche de l’IEA.

Compliance: un coût de 39 milliards

Comme la plupart des coûts d’une banque sont fixes, il n’est pas possible de définir précisément ce que coûte un client. Dans cette évaluation le risque qu’il représente est également compliqué à définir. Les banques procèdent à une catégorisation des clients en fonction des risques qu’ils représentent, donc de la probabilité d’être impliqués dans un crime financier. Selon l’étude, la liste de ces risques «proma facie» comprend aussi bien les incertitudes liées aux bookmakers sur les hippodromes, qu’aux travailleurs du sexe, à certaines affaires cryptos, aux expats, aux personnes politiquement exposées, aux PME actives dans des pays émergents dont les sources de revenus sont incertaines, aux «Charities» de pays à forte corruption.

Le coût de la compliance à la loi antiblanchiment est estimé annuellement à 34 milliards de livres sterling (39 milliards de francs) au Royaume-Uni, soit le double des coûts destinés à la prévention de tous les autres crimes.

Le coût de la compliance à la loi antiblanchiment est estimé annuellement à 34 milliards de livres sterling (39 milliards de francs) au Royaume-Uni, soit le double des coûts destinés à la prévention de tous les autres crimes. Ce coût est logiquement reporté sur l’ensemble des clients. «Sans bénéfice évident et au vu de ses coûts énormes, la loi antiblanchiment devrait être revue et réduite au régime précédent, celui d’avant la loi de 2017. Il est vrai qu’en 2017 à peine 45 000 comptes bancaires avaient été fermés. Depuis cette date, le nombre des fermetures a donc quintuplé.

La liberté d’une entreprise telle qu’une banque de traiter avec qui elle l’entend est un droit reconnu. «Cette liberté a un effet pervers lorsque les banques sont cooptées par le gouvernement pour lutter contre la criminalité», note l’IEA. Or, pour Jamie Whyte, «une banque n’est pas une cour de justice; elle prend des décisions commerciales plutôt que d’imposer des sanctions». Son jugement sur la fermeture d’un compte étant commercial, il pourrait ne pas suffire à convaincre la justice. Cela signofier que des milliers d’innocents sont pénalisés. Faut-il déduire de cette situation que le gouvernement renonce à cette loi?

La tendance des autorités à densifier les réglementations et au refus d’admettre leurs erreurs rend ce virage improbable, selon Jamie Whyte. Les autorités devraient dans ce cas financer le travail de compliance elles-mêmes et non les banques. Non seulement, cela suppimerait l’injustice de voir les clients supporter ces coûts engendrés par la réglementation mais cela rendrait ces derniers sensiblement plus transparents.

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