Une transparence accrue au service de la lutte contre le blanchiment d’argent

Roman Studer, Association suisse des banquiers

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Les normes internationales jouent un rôle déterminant. Déroger à ces prescriptions peut être lourd de conséquences pour la place financière et pour la Suisse.

 

Son statut de place financière de premier plan à l’échelon mondial confère du prestige à la Suisse, mais lui impose aussi une responsabilité particulière: il lui incombe de lutter contre le blanchiment d’argent de la manière la plus efficace possible et de se conformer aux normes internationales. La réforme en cours visant à renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent constitue à cet égard un pas décisif. L’introduction d’un registre fédéral des ayants droit économiques des personnes morales, appelé «registre de transparence», ainsi que l’assujettissement des conseillères et des conseillers à la loi sur le blanchiment d’argent, sont les piliers du projet et renforceront durablement la crédibilité de la place financière suisse. Ces mesures ne sont pas seulement nécessaires à l’échelon national, elles sont aussi essentielles pour convaincre lors du prochain examen par pays du Groupe d’Action Financière (GAFI) et pour préserver la réputation internationale de la Suisse.

Accroître la transparence: un instrument qui a fait ses preuves

Le Parlement se penche actuellement sur les modalités concrètes d’une loi visant à introduire un registre de transparence, dont le bien-fondé fait l’unanimité et qui devrait donc être mise en œuvre à brève échéance. Le registre de transparence tel qu’il est prévu serait fédéral, tenu par la Confédération, et réunirait des informations sur les ayants droit économiques des personnes morales. Il permettrait d’identifier les personnes physiques derrière les personnes morales et d’éviter ainsi les structures sociales opaques, qui servent souvent à dissimuler des activités illégales comme le blanchiment d’argent. De tels registres existent déjà dans de nombreux pays.

Le projet de révision de la loi sur le blanchiment d’argent et la nouvelle loi visant à introduire un registre de transparence sont des initiatives décisives pour améliorer encore la lutte contre le blanchiment d’argent. 

Dans le processus législatif en cours, un des enjeux majeurs est de déterminer s’il y a lieu d’assujettir les conseillères et les conseillers – avocates et avocats, notaires, fiduciaires – à la loi sur le blanchiment d’argent, et comment. Ces catégories professionnelles, qui jouent souvent un rôle clé dans la mise en place des flux de capitaux et des structures sociales, ne sont pas soumises à ce jour aux mêmes obligations de diligence que les banques. Par exemple, une conseillère ou un conseiller peut créer une structure complexe sans avoir à vérifier l’origine des fonds. Cette lacune expose la place financière suisse à des abus dans le cadre d’activités criminelles.

La dimension internationale: un aspect fondamental

Le GAFI, créé par le G7, procède régulièrement à des examens par pays pour vérifier si des mesures efficaces sont prises contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme; ses évaluations fixent la norme internationale en matière de transparence et d’intégrité dans le secteur financier. Il compte aujourd’hui 40 membres, dont toutes les grandes puissances économiques – d’où son rôle sur la scène mondiale. 

Le GAFI ayant critiqué à plusieurs reprises le non-assujettissement des conseillères et des conseillers à la loi sur le blanchiment d’argent, il est important que la Suisse comble cette lacune avant le prochain examen par pays la concernant, qui devrait avoir lieu en 2027/2028.

Les évaluations du GAFI ont en effet un poids considérable, dans la mesure où elles conditionnent largement la réputation internationale des pays et de leurs places financières respectives. Une bonne évaluation renforce la confiance des investisseuses et des investisseurs, une mauvaise en revanche peut entraîner une perte de réputation et pénaliser le pays concerné sur le plan économique. La «liste grise» du GAFI, où figurent les pays dont les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent sont insuffisantes, souligne la portée internationale de ces évaluations. Pour la Suisse, qui joue un rôle clé en tant que place financière internationale, une perte de réputation consécutive à une mauvaise évaluation serait catastrophique. 

Une réforme gagnant-gagnant

Le projet de révision de la loi sur le blanchiment d’argent et la nouvelle loi visant à introduire un registre de transparence sont des initiatives décisives pour améliorer encore la lutte contre le blanchiment d’argent. Consigner les ayants droit économiques des personnes morales dans un tel registre contribue grandement à améliorer la traçabilité des structures de propriété. En parallèle, l’assujettissement des conseillères et des conseillers à la loi sur le blanchiment d’argent comble une lacune importante, dont des criminels pouvaient jusqu’ici tirer profit.

Cette révision envoie par ailleurs un signal clair à la communauté internationale, à savoir que la Suisse assume sa responsabilité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. C’est essentiel pour préserver la crédibilité de la place financière et prévenir les risques en termes de réputation. Les réformes entreprises ne répondent donc pas seulement à une nécessité nationale, elles contribuent à la compétitivité internationale de la Suisse.

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