Une reprise sans surchauffe

Laurent Denize, ODDO BHF AM

2 minutes de lecture

Les valeurs cycliques comme l’automobile et les banques en Europe sont à privilégier pour profiter de l’accélération anticipée de la croissance.

Le très attendu rapport sur l'emploi américain de mai a de nouveau déçu. Le nombre de créations d’emplois salariés non agricoles a en effet augmenté de 559’000 en mai, ce qui est inférieur aux 675’000 prévus. Dans le même temps, le taux de participation à la population active a légèrement diminué, passant de 61,7% à 61,6%. Ainsi, la baisse de 0,3 point de pourcentage du taux de chômage à 5,8% est flatteuse par rapport à l'amélioration réelle des conditions du marché du travail.

Néanmoins, bien que ce chiffre soit en-deçà du consensus, la progression du marché du travail en mai est conforme au calendrier prévu par la Fed pour relever ses taux d'ici la réunion du FOMC de décembre 2022 (soit une croissance mensuelle moyenne de la masse salariale autour de 500’000). En outre, le taux d’activité va augmenter mécaniquement à la fin de l’été/début de l’automne, avec la réouverture des écoles, des structures d’accueil des enfants ou des services éducatifs. 

Le rapport sur l’emploi ne justifie pas un changement des perspectives de la Fed.

De même, l’expiration des prestations d’assurance chômage en septembre incitera les Américains à réintégrer le marché du travail. Cela stimulera à la fois le taux de participation et le chiffre de l’emploi salarié non agricole. Les rendements du Trésor américain ont baissé à la suite de la publication de ce chiffre, ce qui suggère que les gains d’emplois plus lents que prévu encouragent les investisseurs à réévaluer le calendrier de la politique de la Fed. Malgré la déception, le rapport sur l’emploi ne justifie pas un changement des perspectives de la Fed selon nous, notamment les discussions sur le «tapering» cet été.

Quelle stratégie adopter?

Sur les obligations, les investisseurs doivent maintenir une duration faible car les effets de base sur l’inflation atteindront leur maximum dans quelques mois, entraînant vraisemblablement un dernier pic de hausse des taux longs avant une vraie stabilisation. Seulement à ce moment (des taux US à dix ans proches de 2%), il sera temps de se repositionner sur les Treasuries américaines et racheter sensiblement des valeurs de croissance sur les actions. 

Concernant ces dernières, il est raisonnable de revisiter les actions thématiques, notamment les valeurs «vertes» qui ont subi une correction certes justifiée par des valorisations extrêmes, mais qui aujourd’hui, compte tenu des plans de relance «infrastructures» devraient retrouver des perspectives beaucoup plus encourageantes. Il conviendrait alors de privilégier à nouveau un positionnement en «barbell», à savoir des valeurs cycliques comme l’automobile, les banques en Europe pour profiter de l’accélération anticipée de la croissance; et des valeurs globales thématiques «green», avec un biais marqué sur l’Europe.

Sur les marchés émergents, les bénéfices des entreprises ont tendance à augmenter.

En termes géographiques, après la sous-performance remarquée cette année, la marge de progression est de 10% pour le Japon. La réouverture de l’économie japonaise, une accélération du déploiement des vaccinations et, à plus long terme, un boom des investissements verts incite à privilégier le style «Value» sur ce pays. Sur les marchés émergents, les bénéfices des entreprises ont tendance à augmenter. Le consensus des prévisions de croissance des bénéfices pour 2021 pour les actions asiatiques est de 36%. Les estimations pour 2022 devraient être revues à la hausse à mesure que la vaccination progresse.

En termes de capitalisation, les entreprises de petite taille sont les mieux positionnées à ce niveau du cycle pour capter ce momentum positif. En relatif, elles sont historiquement peu chères vis-à-vis des grandes capitalisations et ont rarement offert des perspectives de résultats aussi encourageantes sur toutes les zones géographiques.

Sur les devises, quel que soit le timing de la normalisation de la politique monétaire (notamment un éventuel tapering), le creusement des déficits aidera le dollar américain à s'affaiblir. Il faut donc profiter de tout raffermissement du dollar pour le vendre.

Quels sont les risques?

Au-delà du risque de hausse des taux déjà largement médiatisé, la tendance du crédit en Chine est à surveiller de près, car c’est un indicateur avancé de la croissance et des cycles mondiaux. Un retournement trop marqué pourrait heurter les anticipations de croissance dans un environnement où les actions sont chères, et donc susceptibles de corriger en cas de changement notable de trajectoire économique lié à des modifications de politique monétaire ou budgétaire. Nous en sommes loin!

A lire aussi...