Une descente aux abysses en quinze jours

François Savary, Prime Partners

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Si la Chine semble avoir repris le contrôle de la situation, nul ne sait l’ampleur du ralentissement européen et US au cours des prochaines semaines.

Les deux dernières semaines resteront vraisemblablement dans les annales de l’histoire des marchés financiers, au même titre que 1929, 1987 ou 2008, pour ne citer que quelques dates fameuses. Il ne faut certainement pas avoir la prétention d’affirmer que la crise actuelle est de manière évidente une réplique de tel ou tel crash financier et encore moins dire que tout cela était prévisible.

Dans un article du début d’année, je considérais la possibilité d’une consolidation des marchés (soit un développement bien plus bénin que celui que nous connaissons depuis 15 jours), au regard du fait que ceux-ci devenaient chers et intégraient beaucoup de bonnes nouvelles. J’avais mentionné la question du sentiment comme un facteur à garder à l’esprit; partant de l’expérience récente, je mettais en exergue le fait que les chocs erratiques de sentiment étaient une donnée importante des marchés financiers actuels et je relevais que malheureusement il était vain de vouloir «prédire» le sentiment. Ce dernier propos m’avait valu un commentaire désapprobateur d’un lecteur. Au-delà des interrogations que son message a suscitées en moi, les événements récents me paraissent plutôt supporter mes propos initiaux.

Les investisseurs sont confrontés à une situation exceptionnelle,
marqué par la disparition de tous les points de repères économiques.

La mécanique de panique qui s’est mise en place depuis quelques jours sur les marchés du crédit et sur les bourses est impressionnante. Si elle repose sur des faits (le covid-19 ou l’échec de l’OPEP + à trouver un accord sur la maitrise de la production) elle est aussi, pour ne pas dire avant tout, l’expression d’un sentiment totalement chamboulé. Parler de peur suffit-il lorsque l’on voit la bourse US perdre 20% en 5 jours, avec une séance où le repli a quasiment atteint 10%? Voir les bourses européennes s’emballer à la baisse parce que le BCE ne baisse pas un taux d’intérêt alors que la majorité des opérateurs glosent depuis des mois sur le caractère inapproprié des taux négatifs est d’autant plus surprenant que Madame Lagarde et ses collègues ne sont pas restés inactifs dans la gestion du risque covid-19 (QE renforcé, mécanisme de TLTRO assoupli).

L’histoire enseigne que lorsque les marchés corrigent dans les proportions comparables à celles que nous connaissons, il est généralement «smart» d’acheter les actions. Au-delà de la logique que les banquiers centraux semblent bien avoir comprise, à savoir celle de soutenir les liquidités dans le système pour assurer que les entreprises puissent faire face à l’arrêt abrupt de l’activité, les gouvernements vont mettre en œuvre des mesures de soutien au cours des prochaines semaines. Il reste le problème du sentiment! Combien de temps faudra-t-il pour que celui-ci se calme? Comment tenter de répondre à une telle question alors que la diffusion de la crise d’un continent à l’autre se poursuit? Si la Chine semble avoir repris le contrôle de la situation, ce qui devrait conduire à réanimer l’activité économique, nul ne sait l’ampleur du ralentissement européen et US au cours des prochaines semaines. Dans ce que Madame Lagarde a caractérisé de choc majeur mais transitoire, quel sens faut-il donner à ce dernier mot? Les investisseurs sont confrontés à une situation exceptionnelle, marqué par la disparition de tous les points de repères économiques. Alors que le VIX, la mesure de peur par excellence, est à nouveau sur les niveaux de 2008, le sentiment peut-il «retrouver la raison»? Je reste convaincu que l’on ne peut pas prédire le sentiment, je ne vais donc pas m’aventurer sur cette voie. Alors que les mesures de restriction s’accumulent en Europe et aux USA, le sentiment reste sous l’influence dominante de l’absence de visibilité. De quoi justifier de ne pas céder aux sirènes de ceux qui appellent à se repositionner sur les bourses? Je n’en suis pas convaincu, d’autant plus si l’on réfléchit à 18 mois!

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