Un si long passage de relais

Olivier de Berranger & Enguerrand Artaz, La Financière de l'Echiquier

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Comme attendu par le consensus de marché, les taux directeurs sont restés inchangés et le programme de rachats d’actifs a été augmenté de 500 milliards d’euros.

Pour sa dernière réunion de cette folle année 2020, la Banque centrale européenne était attendue au tournant. Et, à défaut de franchement surprendre, elle n’a pas déçu. Comme attendu par le consensus de marché, les taux directeurs sont restés inchangés et le programme de rachats d’actifs dit Pandemic Emergency Purchase Program (PEPP) a été augmenté de 500 milliards d’euros. Il a par ailleurs été allongé de 9 mois, jusqu’à fin mars 2022, légèrement plus que ce qu’attendaient les investisseurs, qui tablaient plutôt sur fin 2021. Enfin, le programme de refinancement à long terme des banques (TLTRO) a été substantiellement recalibré, avec une extension jusqu’à juin 2022, l’annonce de trois nouvelles opérations au cours de l’année 2021 et une hausse du montant total que les contreparties seront autorisées à emprunter dans le cadre de ces opérations, qui passe de 50% à 55% de leurs encours de prêts éligibles.

En résumé, la BCE est allée au maximum de ce qu’elle pouvait faire, eu égard à ce qu’elle avait pré-annoncé depuis plusieurs semaines. Son soutien à l’économie va rester fort et durer encore plus longtemps que prévu et même, pourrait-on dire selon la formule consacrée, « aussi longtemps que nécessaire », mais elle ne rajoute rien à sa boîte à outils. Elle n’avait d’ailleurs guère de raisons de le faire. D’une part, parce que, comme l’a précisé Christine Lagarde, les risques pesant sur la zone euro sont toujours baissiers mais deviennent moins prononcés, notamment grâce aux annonces de vaccins. D’autre part, parce que la qualité de la reprise économique en zone euro, avec une BCE assurant un environnement extrêmement stable et sécurisé, est maintenant entre les mains des Etats.

Bonne nouvelle, la Hongrie et la Pologne sont désormais prêtes à lever le veto qu’elles avaient mis il y a trois semaines sur le plan de relance européen de 750 milliards d’euros. Cela ouvre notamment la voie à la ratification par les parlements nationaux de l’autorisation pour la Commission européenne d’emprunter pour financer ce plan, donnant ainsi naissance au premier endettement commun de l’histoire européenne. Une nouvelle rassurante, mais qui ne saurait cacher une réalité bien moins flamboyante : alors que l’Europe avance péniblement sur la mise en œuvre de son premier plan de relance, les Etats-Unis sont proches d’aboutir à la mise en place d’un deuxième plan et le Japon vient, pour sa part, d’annoncer un troisième plan de relance, à hauteur d’environ 600 milliards d’euros.

Si le premier plan de 750 milliards, et notamment le volet de mutualisation de la dette qu’il porte, va évidemment dans le bon sens, il semble néanmoins de plus en plus clair que la réponse européenne à la crise Covid est insuffisamment calibrée, a fortiori au regard des récentes mesures de limitation de l’activité qui vont fortement affecter l’activité du dernier trimestre. Avec une Banque centrale européenne aussi accommodante, qui fournira aux Etats un soutien sans faille, et les exemples venant d’autres continents, on peut espérer que l’Europe se montre plus ambitieuse et fasse le maximum pour éviter d’être encore à la traîne comme au cours du dernier cycle économique. Ce sera l’une des grandes questions de l’année 2021 et un enjeu majeur pour l’allocation d’actifs.

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