Transition profonde grâce à l'innovation

Apolline Brilland, La Française AM

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ZEROe - ouvrir la voie à la décarbonisation à grande échelle dans l'industrie aéronautique.

«Flygskam» ou «Flight shaming» est un mouvement d'origine suédoise qui appelle à des restrictions du transport aérien en raison de son impact environnemental. Et le mouvement gagne du terrain. Selon l'opérateur aéroportuaire public suédois Swedavia, le nombre de passagers qui voyagent en avion en transitant par les aéroports suédois a chuté de 4% en 2019 en raison d'une baisse notable du trafic intérieur. Ce mouvement, qui s'est étendu à l'ensemble de l'Europe dans le sillage du mouvement Friday for Future (vendredis pour l'avenir), pourrait être considéré comme anecdotique, mais il met en évidence l'impact du comportement des consommateurs sur le réchauffement climatique mondial. Les consommateurs sont de plus en plus soucieux du climat et nous pensons que le développement durable jouera un rôle croissant dans le comportement des utilisateurs.

Alors qu'à l'échelle mondiale, les transports de toutes sortes, y compris routier, contribuent  à hauteur d'environ  un  cinquième de toutes les  émissions,  l'industrie aéronautique représente au total 1 Gt d'émissions de CO2, soit l'équivalent d'environ 3% des émissions mondiales totales de CO2  issues de la combustion d'énergies fossiles1. Cependant, en raison de l'évolution des habitudes de consommation et de l'augmentation de la mobilité intercontinentale, les émissions provenant du transport aérien ont augmenté rapidement au cours des dernières décennies.

Actuellement, les voyageurs soucieux du climat n'ont que deux choix possibles: voler ou ne pas voler (et utiliser un autre moyen de transport). Il y a toutefois eu des initiatives intéressantes dans l'industrie de la construction aéronautique au cours des dix dernières années qui ont conduit aux premiers développements d'avions électriques, visant principalement des transporteurs relativement petits mais ne permettant jusqu'à présent de parcourir que de très courtes distances.

Le programme Seaplane to e-Plane de Harbour Air a effectué son premier vol commercial en décembre dernier. Équipé d'un système de propulsion entièrement électrique magniX de 750 chevaux, ce Havilland Beaver prévu pour 6 passagers marque le début d'une nouvelle ère dans l'aviation: celle de l'électricité. Néanmoins, à cause du poids des batteries et de leur temps de charge, les avions électriques ne sont pas adaptés aux vols plus longs ou de plus de dix passagers.

L'aviation électrique étant encore loin de se généraliser, Airbus travaille depuis des années sur un système de propulsion alimenté à l'hydrogène / par pile à combustible, mieux adapté aux capacités plus importantes. En février 2020, l'équipe d'investissement actions de La Française a eu l'occasion de s'entretenir avec Guillaume Faury, PDG d'Airbus, lors d'une conférence industrielle sur les opportunités de décarbonisation à grande échelle dans l'industrie aéronautique.

Airbus a finalement révélé les détails de trois concepts d’avions, nommés ZEROe, faisant avancer le secteur vers des vols à zéro émission de carbone. Grazia Vittadini, directrice de la technologie d'Airbus, a affirmé que le plan de développement donnerait ses premiers résultats d'ici la fin du premier semestre 2021 et qu'un concept définitif, sélectionné d'ici 2025, serait développé et certifié pour entrer en service d'ici 2035. Même si 2035 peut sembler loin, Airbus améliore les émissions par passager et par kilomètre parcouru de ses avions et continuera de le faire jusqu'à ce que le ZEROe soit prêt à voler (amélioration annuelle de 2,1% de l'efficacité énergétique entre 2009 et 2020).

Hautement disruptifs, chacun des trois concepts ci-dessous présente une approche innovante de l'ingénierie aéronautique et illustre comment la technologie et l'aérodynamique pourraient conduire à des vols commerciaux à zéro émission:

Le premier concept est un avion à turboréacteur avec une autonomie d'environ 2000 milles nautiques (3700 km).

Cet avion serait propulsé par un moteur à turbine à gaz modifié, fonctionnant entièrement à l'hydrogène, d'une capacité de 120 à 200 sièges, ce qui le rendrait parfaitement adapté aux voyages transcontinentaux.

Le deuxième concept, un avion à turbopropulseur, est destiné aux déplacements régionaux, avec une capacité d'environ 100 passagers. Alors que la taille de l'avion serait  relativement  petite,  il  aurait  une  capacité  de 1000 milles nautiques (1800 km) et serait parfaitement adapté aux vols régionaux pour les «City-Hoppers».

Le troisième concept s'éloigne de l'apparence classique de l'avion, ressemblant davantage à une raie manta du fait de son «fuselage intégré», ce qui signifie que son corps est fusionné avec les ailes. Cet avion, d'une capacité potentielle de 200 passagers maximum, avait déjà été dévoilé en février 2020.

Son large fuselage offre plus d'options pour le stockage de l'hydrogène et les sièges passagers, mais nécessite
davantage  de  développement  avant  que nous  puissions  imaginer  à  quoi  pourrait ressembler un voyage en 2050 et au-delà.

Une compagnie aérienne low-cost bien connue, qui travaille depuis quelques années sur des solutions de vols à faibles émissions de carbone, a déjà annoncé qu'elle pourrait être particulièrement intéressée par l'un des concepts.

Airbus, qui détient une part de marché importante du marché de la construction d'avions commerciaux, est à la tête de la transition vers une économie plus verte et plus durable.

Compte tenu de l'augmentation rapide des émissions de CO2 de l'industrie aéronautique au cours de la dernière décennie, le développement de solutions alternatives recourant à l'hydrogène pourrait permettre d'éviter plus de 1 Gt de CO2 par an.

Le cycle de développement d’un avion étant très long, environ 15 ans, cela laisse le temps aux technologies utilisant l'hydrogène de s'améliorer et d'envisager de n'utiliser que de l'hydrogène vert ou bleu lorsque les avions ZEROe sont prêts à être commercialisés.

En référence à la stratégie Carbon Impact de La Française, Airbus s'inscrit bien dans la catégorie  des  «transitioners».  Les  entreprises  en  transition  sont  l'une  des  trois catégories d'investissement ciblées qui comprennent également les «facilitateurs» et les «fournisseurs de solutions / technologies propres». Par opposition à ces deux dernières catégories, les «entreprises en transition» sont celles dont l'empreinte en CO2 actuelle est relativement élevée et qui ont un plan crédible pour la réduire considérablement. En règle générale, ce sont des leaders du marché ayant un impact important sur leur secteur.

Ainsi, Airbus s'est engagé en faveur d'une croissance neutre en carbone à compter de 2020. L'entreprise s'est associée à d'autres acteurs du secteur pour s'engager collectivement à réduire de 50% les émissions totales de CO2 d'ici 2050.

Avec le développement des ZEROe, l'entreprise envoie un message clair: réduire ses émissions de CO2 est devenu une priorité. Guillaume Faury a déclaré:

«Il s'agit d'un moment historique pour le secteur de l'aviation commerciale dans son ensemble et nous entendons jouer un rôle de premier plan dans la transition la plus importante que ce secteur n’ait jamais connue. Les concepts que nous dévoilons aujourd'hui offrent au monde un aperçu de notre ambition de promouvoir une vision audacieuse pour l'avenir du vol zéro émission.»

 

1 Source: Agence internationale de l'énergie, 2019