Substance et durabilité: un mariage très efficient

Lorenzo van der Vaeren, DPAM

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Ciment, aluminium, transports routiers sont des secteurs qui recèlent des perles de valeur en phase de décarbonation.

 

Derrière chaque défi se cache une opportunité. Or, sachant que les valorisations de nombreuses entreprises à forte intensité carbone recèlent des primes de risque exceptionnelles, cela signifie que si ces entreprises réussissent à se repositionner pour s’adapter au monde du zéro émission nette, elles représenteront de belles opportunités d’investissement.

Conformément à leur devoir fiduciaire, les investisseurs sont en mesure de faciliter la transition énergétique et, à terme, d’avoir un réel impact en fournissant les capitaux nécessaires aux entreprises à fortes émissions, pour qu’elles atteignent les objectifs définis par l’Accord de Paris. C’est précisément le cas dans les exemples d’entreprises de qualité qui suivent.

Vers le ciment zéro carbone

Heidelberg Materials, cimentier d’envergure internationale, qui a une présence importante en Europe (environ 45% de son chiffre d’affaires) et aux États-Unis (environ 25% de son chiffre d’affaires) peut être considéré de manière positive du point de vue de la transition énergétique du fait de la tendance émergente en Europe de décarbonation du processus de fabrication du ciment. 

Du fait de la suppression progressive des quotas carbone gratuits à partir de 2026, le coût marginal du ciment va augmenter. Cette évolution devrait inciter le secteur à faire preuve de discipline sur les prix plutôt de que chercher à faire du volume pour maximiser l’utilisation des capacités, comme cela a été le cas par le passé. En outre, Heidelberg Materials est l’entreprise la mieux placée dans la course à la décarbonation, car elle est leader sur le ciment zéro carbone (premier ciment au monde dont le bilan carbone net est égal à zéro grâce à l’utilisation à grande échelle de la technologie de captage et de séquestration du carbone ou CCS dans l’usine de Brevik en Norvège). 

Le producteur d’aluminium Norsk Hydro présente un double avantage, tant au niveau de son utilisation des matières premières qu’à celui de sa production d’aluminium décarboné.

L’élément décisif viendra de la mise en route de cette usine et des précisions attendues par les investisseurs pour ce qui concerne la rentabilité du ciment zéro carbone et plus particulièrement l’amplitude de l’écart de son prix par rapport à ceux de ses concurrents.  Cette prime, combinée à l’amélioration de la discipline sur le marché, devrait permettre d’accroître la rentabilité des opérations et déboucher sur une réévaluation de la valorisation de l’entreprise. Cet exemple illustre parfaitement le fait qu’une entreprise peut s’adjuger un avantage compétitif décisif en travaillant à la décarbonation.

Un aluminium modèle

Autre exemple, le producteur d’aluminium Norsk Hydro présente un double avantage, tant au niveau de son utilisation des matières premières qu’à celui de sa production d’aluminium décarboné. Du point de vue fondamental, les cours de l’aluminium devraient bénéficier d’un soutien au plan mondial, car si d’un côté, la production chinoise devait rester limitée, son plafond de 45 millions de tonnes annuelles ayant été atteint au 4e trimestre 2024, de l’autre, la demande va continuer à croître à un rythme d’environ 3% par an. De plus, aucun producteur ni aucun pays ne semble en mesure de venir compléter l’offre chinoise et d’augmenter la production mondiale de manière significative.

Par ailleurs, Norsk Hydro est leader sur le plan de l’aluminium décarboné, et ce tout au long de sa chaîne de production qui va de l’approvisionnement en alumine décarbonée à l’utilisation des déchets pour la production d’aluminium recyclé en passant par la production d’énergie renouvelable bon marché. Grâce à cela, l’entreprise est celle qui affiche, de loin, l’intensité carbone la plus faible de tout le secteur. Elle devrait donc se placer en pole position lorsque les quotas d’émission carbone diminueront en Europe.

Vent et gaz: une alliance solide

SSE plc, entreprise britannique spécialisée dans la production et la distribution d’énergie, se situe au cœur de la transition énergétique au Royaume-Uni. Elle est la mieux placée pour bénéficier d’une réglementation favorable et de sa visibilité sur le plan politique. L’entreprise a récemment fait part d’un plan d’investissement concernant le développement de ses réseaux, plan qui devrait lui permettre d’atteindre un taux de croissance composé annuel nettement supérieur à 10% sur les revenus de ses actifs. Ceci, ajouté à des performances tout à fait honorables, devrait progressivement améliorer la visibilité de ses bénéfices et, par conséquent, déboucher sur une réévaluation de sa valorisation. 

En outre, SSE est active dans le développement des énergies renouvelables au Royaume-Uni, pays dans lequel le gouvernement souhaite assurer une certaine sécurité des prix. L’entreprise semble avoir réduit les risques liés à son projet phare, le parc éolien offshore «Dogger Bank», en s’assurant de la disponibilité de navires-transporteurs (d’éoliennes) à moyen terme. Au vu de ses projets d’investissements, il convient de suivre attentivement l’évolution de son bilan qui reste néanmoins solide, d’autant plus qu’aucun besoin de financement externe ne devrait intervenir avant 2017. Par ailleurs, le parc de centrales électriques au gaz de SSE représente un atout majeur pour l’entreprise puisqu’il est très complémentaire de la production d’énergie éolienne. Il assure à la fois une certaine stabilité des revenus et de la production.

De la valeur dans les camions verts

Daimler Truck, le fabricant de camions, bien implanté aux États-Unis, en Europe et en Amérique latine, est intéressant à plus d’un titre. Il s’agit en premier lieu de son exposition à une économie états-unienne résiliente où le groupe réalise près de 60% de ses bénéfices. En second lieu, cette entreprise représente un cas de restructuration très intéressant, puisqu’il recèle un potentiel important d’amélioration de sa marge bénéficiaire. Enfin, sa valorisation est très attrayante, comparée à celle d’entreprises similaires. 

En 2025, les bénéfices devraient évoluer dans le bon sens. Ils bénéficieront en premier lieu de la sortie de récession du fret aux États-Unis puis, dès le second semestre 2025, des achats anticipés en vue des changements réglementaires de l’agence environnementale prévus pour 2027. Ils profiteront également des mesures drastiques prises par le management pour augmenter les marges en Europe. Le principal risque pour cet acteur est celui d’une augmentation éventuelle des droits de douane américains sur les importations en provenance du Mexique (même si la déviation du peso et la capacité à imposer ses prix peuvent contribuer à atténuer l’impact de ce facteur). Enfin, grâce à la mise en place de nombreux projets, notamment les camions à zéro émission, à la fois électriques et à hydrogène, Daimler Trucks est bien placée pour décarboner le transport routier de marchandises.

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