Risques et allocation d'actifs

Philippe Ithurbide, Amundi

4 minutes de lecture

Une analyse complète des principaux facteurs de risque actuels avec leurs impacts les plus crédibles sur les marchés.

 

Le tableau ci-dessous reprend les principaux facteurs de risque probabilisés avec les impacts de marchés qui nous paraissent les plus crédibles.

Risque #1

Probabilité: 20%

La politique budgétaire pro-cyclique pousse la Fed à remonter ses taux plus rapidement que prévu

Analyse | Les baisses d’impôts votées par le Congrès en décembre vont stimuler la croissance. Une mauvaise interprétation des intentions de la Fed est depuis longtemps maintenant un facteur de risque important. Avec une croissance du PIB réel nettement supérieure à 2 %, une inflation proche de 2 % et une économie de plus en plus proche du plein-emploi, le taux réel des fed funds devrait être, dans un cycle normal, bien plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. La Fed est donc, techniquement, « derrière la courbe ». La Fed doit évidemment éviter toute erreur de communication en raison de la crainte d’une mauvaise réaction des marchés en cas de hausse des taux excessive. Le dernier exemple de krach obligataire date de février 1994, et le point déclencheur avait été un resserrement monétaire de 25pb, certes bien mal préparé. Notons cependant que l’impact favorable à court terme de la réforme fiscale devrait permettre à la Fed de continuer à relever ses taux d’intérêt sans accroître le risque de récession, donc sans dommage pour les marchés financiers.

Impact de marché | Si la Fed accélère ses hausses de taux, il faudra miser sur une forte baisse des actions, et sur une contagion notamment sur les marchés émergents. Cette situation favoriserait l’écartement des spreads de taux entre Europe et États-Unis. Le marché escompte désormais les 3 hausses de taux  directeurs que nous anticipons cette année. Il suffirait que l’inflation sous-jacente ou les salaires accélèrent plus nettement et que la croissance devienne encore plus vigoureuse pour ouvrir la porte à davantage de hausses de taux.

Risque #2

Probabilité: 10%

Un «hard landing» chinois/un éclatement de la bulle de crédit/une dévaluation du yuan

Analyse | La croissance économique chinoise reste solide (et plus résiliente que ne le pensaient bon nombre d’observateurs il y a encore un an), mais le modèle économique chinois incite à la vigilance : l’excès de crédit est visible, le poids de la dette des entreprises non financières est exorbitant. La bonne nouvelle vient de ce que ce dernier a néanmoins commencé à se replier (en % du PIB). Même si cette évolution est timide, elle est de bon augure. Il faudra continuer à surveiller de très près la dette privée, qui bénéficie actuellement du regain de vigueur de la croissance du PIB nominal. En cas de hard landing ou d’éclatement de la bulle de crédit, les autorités chinoises seraient incapables de maintenir la stabilité du yuan, et ce d’autant plus que la monnaie chinoise n’est plus aujourd’hui sous-évaluée.

Impact de marché | Un hard landing lié à un éclatement de la bulle de crédit aurait un impact très négatif et ses effets en cascade seraient particulièrement désastreux: vulnérabilité des systèmes bancaires (chinois et non chinois), vulnérabilité du système financier mondial, vulnérabilité liée à l’endettement public et privé de la Chine, impact sur le commerce régional et mondial et donc sur les matières premières et les pays émergents, impacts sur les devises des pays exportateurs de matières premières, pays avancés et pays émergents.

Risque #3

Probabilité: 75%

Le dossier post-Brexit affaiblit duralement le Royaume-Uni

Analyse | Selon les estimations, le RU «pourrait perdre» à moyen terme entre 2,5% et 9,5% de son PIB selon le scénario de Brexit retenu. Volume et coûts du commerce en seraient affectés, notamment dans le secteur des services financiers, de la chimie, de l’automobile, autant de secteurs très intégrés dans l’Union européenne. Le risque pour le R-U réside dans ses futures capacités à commercer librement dans le marché unique (le marché des services, pour être plus précis), à acquérir l’indépendance souhaitée sans les contraintes de l’UE. C’est tout l’enjeu de la phase 2 des négociations qui va s’ouvrir. De nombreux sujets de tensions existent non seulement entre le R-U et les pays de l’UE mais aussi au sein même du gouvernement britannique, et les semaines et mois à venir le montreront clairement.

Impact de marché | Même si la probabilité de «hard Brexit» a fortement diminué, et si la pression se fait moins forte avec la période de transition de 21 mois qui se dessine (jusqu’à fin 2020), les négociations commerciales s’annoncent tendues cette année. Dans le cas où les dispositions seraient in fine défavorables au R- U, on assisterait à̀ un affaiblissement supplémentaire de la livre sterling et de la croissance tendancielle du PIB de l’économie britannique, deux éléments susceptibles de prolonger le statu quo monétaire.

Risque #4

Probabilité: 75%

Une plus grande instabilié financière

Analyse | Les banques centrales ont permis depuis quelques années le retour de la stabilité financière: baisse des taux, courts et longs; maintien de l’ensemble des taux d’intérêt à de bas niveaux; baisse de la volatilité et maintien à de bas niveaux, resserrement des spreads de crédit, quasi-disparition des risques souverains dans certains cas: autant de facteurs qui ont généré un environnement de plus grande stabilité. Mais les politiques monétaires ont désormais atteint leurs limites et il est bien difficile d’attendre davantage de leur part. La réponse macroéconomique à un fléchissement éventuel d’activité proviendrait à terme des politiques budgétaires et fiscales, et, traditionnellement, les dépenses publiques ont beaucoup moins de vertus stabilisatrices pour les marchés financiers que les baisses de taux d’intérêt.

Impact de marché | Une plus grande instabilité financière se traduirait notamment par une remontée de la volatilité ́sur l’ensemble des marchés financiers et des spreads de crédit.

Risque #5

Probabilité: 70%

Les risques politiques et géopolitiques demeurent

Analyse | Les baisses d’impôts votées par le Congrès en décembre vont stimuler la croissance. Une mauvaise interprétation des intentions de la Fed est depuis longtemps maintenant un facteur de risque important. Avec une croissance du PIB réel nettement supérieure à 2 %, une inflation proche de 2 % et une économie de plus en plus proche du plein-emploi, le taux réel des fed funds devrait être, dans un cycle normal, bien plus élevé qu’il ne l’est aujourd’hui. La Fed est donc, techniquement, « derrière la courbe ». La Fed doit évidemment éviter toute erreur de communication en raison de la crainte d’une mauvaise réaction des marchés en cas de hausse des taux excessive. Le dernier exemple de krach obligataire date de février 1994, et le point déclencheur avait été un resserrement monétaire de 25pb, certes bien mal préparé. Notons cependant que l’impact favorable à court terme de la réforme fiscale devrait permettre à la Fed de continuer à relever ses taux d’intérêt sans accroître le risque de récession, donc sans dommage pour les marchés financiers.

Impact de marché | Si la Fed accélère ses hausses de taux, il faudra miser sur une forte baisse des actions, et sur une contagion notamment sur les marchés émergents. Cette situation favoriserait l’écartement des spreads de taux entre Europe et États-Unis. Le marché escompte désormais les 3 hausses de taux  directeurs que nous anticipons cette année. Il suffirait que l’inflation sous-jacente ou les salaires accélèrent plus nettement et que la croissance devienne encore plus vigoureuse pour ouvrir la porte à davantage de hausses de taux.

Risque #6

Probabilité: 20%

Une remontée durable et significative des taux longs européens

Analyse | La hausse des taux longs peut provenir de six sources au moins : i) une remontée significative des perspectives de croissance (nominale, réelle ou potentielle), ii) un resserrement plus énergique des politiques de taux d’intérêt, iii) la «véritable» fin des QE (le non-remplacement des papiers venant à maturité dans le cas des États-Unis, une réduction encore plus drastique du programme d’achat de la BCE), iv) une résurgence de l’inflation et/ou des anticipations d’inflation, v) un renversement massif des politiques budgétaires et fiscales, ou vi) une résurgence des risques politiques spécifiques. Tous ces facteurs (réalité, mesures annoncées, ou craintes) ont pris de l’ampleur aux États-Unis, mais il nous semble encore prématuré et excessif de miser sur une hausse permanente et conséquente des taux longs. Cette conclusion vaut encore plus dans le cas de la zone euro. Mais avec une croissance désormais plus solide et plus durable, des anticipations d’inflation très faibles, les débats sur la fin des taux négatifs et du QE de la BCE, et les commentaires sur la nécessité de mener des mesures budgétaires et fiscales plus favorables à la croissance. Il y a fort à parier que les risques de hausse modérée des taux européens sont plus élevés désormais.

Impact de marché | Une forte remontée des taux longs serait une mauvaise nouvelle aux États-Unis, où la sensibilité aux taux longs a augmenté avec le releveraging des entreprises: cela fragiliserait la croissance et porterait en soi les germes d’une future baisse des taux longs. À noter aussi que toute hausse des taux longs devient un frein pour la politique monétaire et pour les éventuelles velléités de hausse des taux directeurs de la Fed. Une autre raison de ne pas croire en une hausse durable et ample des taux longs américains… et européens.