Repenser la pratique de construction de portefeuille

Etienne Weber & Laura Jalabert, BlackRock

2 minutes de lecture

La transformation du secteur de la gestion d'actifs entraîne des changements profonds dans les pratiques de création de portefeuille.

Sous la pression de la concurrence, les principaux acteurs dans le secteur de la gestion d’actif, des gestionnaire discrétionnaires aux gérants de fonds de fonds, cherchent à offrir de meilleurs services à leurs clients, et ce tout en s'assurant qu’ils respectent les nouvelles réglementations récemment mises en place. Il y a en effet une attention grandissante des clients, tant sur la durabilité des investissements qui leurs sont proposés que sur la structure des coûts qui leur sont imputés.

Suite à des échanges avec plus de 600 acteurs à travers l'Europe1, l'équipe «Portfolio Analysis and Solutions» de BlackRock a identifié trois changements majeurs dans le processus d'investissement:

  1. L’attention est à présent portée en premier lieu sur la construction du portefeuille plutôt que sur les produits eux-mêmes: il s’agit notamment de mieux comprendre comment les choix d’un manager impactent le résultat global d’un portefeuille;
  2. Il y a dorénavant une meilleure compréhension des facteurs de rendement du portefeuille: il s’ensuit un mélange plus équilibré de stratégies de recherche d'alpha, de facteurs et d'indices au sein d’un même portefeuille;
  3. Et enfin, les investisseurs utilisent maintenant l'ensemble de la boîte à outils: une importance accrue est accordée à la génération de résultats en termes de coûts, de risques et de délais.
Les investisseurs qui réussissent sont ceux à même de choisir
leurs managers non pas un par un mais comme un tout.
La construction du portefeuille précède le choix des produits

Les gestionnaires de fonds étaient historiquement sélectionnés sur leur capacité à générer de l’alpha par rapport à leur benchmark de référence. Bien que cela reste important, il est primordial de se rendre compte à quel point deux gestionnaires qui surperforment individuellement ne sont pas nécessairement pertinents au sein d’un même portefeuille. Un portefeuille peut ainsi être trop diversifié, similaire à un indice mondial classique, pour le prix d’une stratégie active.

Les investisseurs qui réussissent sont ceux à même de choisir leurs managers non pas un par un mais comme un tout, sans oublier l’objectif initial du portefeuille. La gestion des risques sur l’ensemble des actifs et les technologies dédiées à la construction de portefeuille sont également des must-have. L’adoption de nouvelles technologies permettant d’affiner la création d’un portefeuille a en effet complètement changé les règles du jeu pour les investisseurs.

Une meilleure compréhension des facteurs de rendement du portefeuille

Comme l’ont montré de nombreuses publications universitaires depuis les années 1980, les facteurs déterminant le risque et le rendement d’un portefeuille sont au nombre de quatre:

  1. Une large exposition au marché, i.e. une vue de l’investisseur sur le long terme en matière d'allocation d’actif.
  2. La capacité à privilégier une approche factorielle génératrice de performance, comme par exemple les facteurs momentum ou quality dans les actions et les taux réels ou les spreads de crédits dans le marché obligataire
  3. Un choix dynamique d'actifs et de facteurs visant à capturer les opportunités sur le court terme via la sur/sous pondération de classes d’actifs, de pays, de secteurs ou de facteurs.
  4. La sélection de titres individuels, i.e. l’expression d’une vue granulaire du marché au niveau des actions ou des obligations.
La boîte à outils d'investissement à la disposition des asset managers
s'est considérablement développée au cours des dernières décennies.

Plus de 90% des résultats de l’ensemble des portefeuilles sont principalement issus des facteurs un et deux ci-dessus.2 Les investisseurs reconnaissent de plus en plus l'intérêt de la gestion passive pour exprimer leur vue sur le marché à long terme et l'intérêt de la gestion active pour la sélection de titres individuels. La construction d’un bon portefeuille ne nécessite plus seulement de sélectionner des gestionnaires à même de surperformer le marché mais surtout de se recentrer sur les sources de rendement potentielles et comment les obtenir grâce à un mélange de stratégie indicielle, factorielle et de recherche d’alpha.

Une utilisation complète de toute la boîte à outils d'investissement

La boîte à outils d'investissement à la disposition des asset managers s'est considérablement développée au cours des dernières décennies. Deux tendances marquantes sont notamment l’essor des instruments indiciels et la part grandissante des investissements sur les marchés privés.

À mesure que les données disponibles croissent et que la technologie s’affine, les rendements dits systématiques peuvent être obtenus plus aisément via des stratégies passives. La recherche d’alpha est de nouveau du ressort de gestionnaires qui ont une vraie capacité d’analyse des marchés, des timings et des facteurs.

Bien que la recherche d’alpha reste importante, l’enjeu principal dans la construction d’un portefeuille est donc bien à présent de trouver un équilibre entre les différents outils à disposition et les allocations possibles. Somme toute, chaque décision d’investissement, quelle qu’elle soit, est active. La confrontation actif/passif est bien loin et les deux ont leurs places dans les portefeuilles pour plus de performance pour le client final.

 

1 BlackRock Portfolio Analysis and Solutions, from January 2017 – December 2018
2 Gary P. Brinson, L. Randolph Hood, and Gilbert L. Beebower [1995]. Determinant of Portfolio Performance.