Rares sont les entreprises qui peuvent prétendre être capables de changer la trajectoire du progrès. PsiQuantum, SpaceX et Shine Technologies en font partie. La première s’efforce de construire les premiers ordinateurs quantiques opérationnels, la deuxième, de faire de l’humanité une espèce interplanétaire et la troisième, de maîtriser la fusion nucléaire.
L’ambition n’est pas leur seul point commun. Les trois sont en mains privées, et elles choisissent donc leurs actionnaires. Elles sont jeunes, dirigées par leurs fondateurs et ont émergé après le début de ce millénaire. Chacune d’entre elles possède une stratégie commerciale viable en lien avec sa mission.
Les ordinateurs photoniques de PsiQuantum
Certains problèmes sont d’une complexité telle que même les supercalculateurs les plus puissants peinent à les résoudre. Relevant de la mécanique quantique, leur résolution dépend d’infimes interactions entre matière et énergie à l’échelle subatomique. Les ordinateurs quantiques exploitent cette matière et cette énergie pour effectuer des tâches dont les ordinateurs classiques sont incapables ou qui leur sont impossibles.
Pour relever le défi du quantique, alors que certaines entreprises cherchent à élaborer du hardware «exotique», PsiQuantum a centré ses efforts sur l’adaptation des semi-conducteurs existants. Cette approche lui permet de tirer parti des chaînes d’approvisionnement actuelles et elle espère pouvoir construire deux ordinateurs quantiques à usage commercial d’ici 2030. Leur principal avantage réside cependant dans la multiplicité de leurs applications potentielles: elles vont de la découverte de nouveaux médicaments à l’agriculture, en passant par les systèmes de distribution d’énergie.
Et lorsqu’une entreprise de biotechnologie envisage de développer un remède pour soigner une maladie spécifique, PsiQuantum pourrait collaborer avec elle puis partager la valeur ainsi créée plutôt que d’intervenir comme un simple fournisseur. Elle pourrait également s’associer à des entreprises des services financiers ou de transport dans le but d’accroître leur efficacité ou d’optimiser la durée des trajets. Les possibilités sont infinies.
La complexité de la fusion nucléaire réside dans une miniaturisation du soleil qui permettrait de le faire rentrer dans cette «petite bouteille» qu’est la centrale électrique.
Space X: la révolution satellitaire
SpaceX dégage déjà des milliards de dollars en connectant ses clients à internet au moyen de sa constellation de satellites Starlink et en acheminant des équipages et du fret en orbite pour le compte de tiers, dont des gouvernements. L’entreprise a considérablement réduit le coût d’envoi de charges utiles dans l’espace grâce sa fusée partiellement réutilisable, la Falcon 9. De plus, ayant fait la démonstration de sa capacité à effectuer le rattrapage en plein vol du propulseur de son plus grand vaisseau spatial le Starship, elle a ouvert la voie à un système entièrement réutilisable qui pourra permettre de lancer de plus gros objets dans l’espace à un coût moindre.
SpaceX est une entreprise qui peut s’améliorer à mesure qu’elle grandit. Ses satellites sont utilisés par Starlink pour fournir du haut débit aux ménages, aux entreprises, aux navires et aux avions. Mais cette utilisation pourrait exploser lorsque les smartphones se connecteront directement au réseau. En effet, s’il était auparavant trop coûteux de mettre en orbite un satellite capable de se relier à un téléphone, Samsung Galaxy et Apple iPhone testent actuellement ce service aux Etats-Unis. Pour SpaceX, ces réussites représentent un tremplin pour l’établissement de colonies sur Mars. Quoiqu’extravagant en apparence, cet objectif confère à l’entreprise un avantage compétitif et la pousse à diviser par mille le coût des déplacements dans l’espace.
L’approche Shine de la fusion nucléaire
L’approche multi-étapes de la fusion nucléaire adoptée par Shine Technologies ressemble à celle de SpaceX. Alors que les centrales nucléaires actuelles utilisent la fission de l’atome, Shine cherche à combiner les atomes de manière à imiter l’action du soleil pour produire de la lumière et de la chaleur. Cette technologie offrirait une source d’énergie abondante, propre et sûre, et elle éviterait les coûteux problèmes de gestion et d’élimination des déchets qui pèsent sur l’énergie nucléaire traditionnelle.
La complexité de la fusion nucléaire réside dans une miniaturisation du soleil qui permettrait de le faire rentrer dans cette «petite bouteille» qu’est la centrale électrique. Cependant, tout l’intérêt d’une entreprise telle que Shine tient au fait qu’elle ne cherche pas à arriver directement à la production d’énergie. Sa première étape a consisté à créer des neutrons (particules subatomiques de charge électrique nulle) afin de tester des composants industriels. Aujourd’hui, les entreprises aérospatiales et de la défense font appel à Shine pour détecter des défauts éventuels dans les ailes et les turbines de leurs avions. L’entreprise réinvestit les revenus ainsi dégagés dans le développement d’une technologie de fusion plus puissante.
Elle a récemment commencé à produire des radio-isotopes médicaux, à savoir des particules radioactives qui peuvent être utilisées pour diagnostiquer ou traiter certaines maladies. Ces produits sont commercialisés au prix d’environ 1 milliard de dollars le gramme et des essais cliniques récents ont montré que le lutetium par exemple, permettait de guérir certains cancers de la prostate.
L’entreprise s’est fixée un nouveau défi, celui d'arriver à produire des réactions de fusion suffisamment puissantes pour recycler les déchets radioactifs (lesquels représentent un passif de l’ordre de 45 milliards de dollars pour le gouvernement américain). Shine pourrait en extraire des terres rares et éliminer du même coup le problème du stockage de ces déchets pendant des milliers d’années. Par conséquent, l’entreprise serait en mesure de dégager des bénéfices considérables, avant même de générer de l’énergie.
Changer la trajectoire
Même si d’ici une dizaine d’années l’utilisation des ordinateurs quantiques ne se généralise pas, que l’humanité ne s’établit pas sur Mars et que la fusion nucléaire ne devient pas la principale source d’énergie, les trois entreprises citées en exemple pourraient connaître une croissance exceptionnelle. Et si l’une d’entre elles, voire les trois, réalise pleinement son potentiel, les avantages pour la société dans son ensemble, pourraient être colossaux.