Au cours des dernières semaines, la course à la présidence des Etats-Unis a connu des développements notables, à commencer par la prestation désastreuse du président Biden lors du premier débat présidentiel, puis la tentative d'assassinat de M. Trump; enfin, le président Biden a répondu aux appels de se retirer en tant que candidat démocrate, la vice-présidente Kamala Harris étant désormais susceptible de prendre sa place. Ces événements ont été observés de près en Asie, car une présidence Trump 2.0 aurait un impact sur les économies asiatiques et la sécurité régionale.
Le principal impact politique d'un second mandat de M. Trump porterait sur le commerce: il a l'intention d'imposer des droits de douane de 60% sur les importations chinoises et des droits de douane de 10% sur les importations en provenance de tous les autres pays. Cette mesure pourrait avoir des répercussions sur les chaînes d'approvisionnement asiatiques, qui ont partiellement quitté la Chine à la suite de la guerre commerciale menée par M. Trump 1.0. Alors que des pays comme le Mexique, l'Inde et le Vietnam ont été les principaux bénéficiaires de la guerre commerciale, il n'est pas certain qu'ils continueront à attirer de nouveaux investissements directs étrangers si les droits de douane imposés à la Chine atteignent 60%. En effet, ces pays sont désormais la cible d'éventuelles sanctions commerciales américaines, le commerce bilatéral ayant fortement augmenté, en particulier dans le cas du Mexique et du Vietnam. Elon Musk a déclaré que Tesla suspendrait les projets d'expansion de son usine mexicaine jusqu'à la fin des élections américaines, au risque que M. Trump impose des droits de douane plus élevés sur les produits fabriqués au Mexique.
Le deuxième impact politique de M. Trump 2.0 concerne la sécurité régionale. M. Trump s'est prononcé en faveur d'une réduction des dépenses consacrées aux engagements militaires à l'étranger, par exemple en réduisant le soutien financier à l'Ukraine. Taïwan a suivi de près cette situation, craignant que M. Trump ne réduise de la même manière son appui à Taïwan. Cette crainte est à mettre en parallèle avec le soutien indéfectible du président Biden à la défense de l'île en cas d'invasion par la Chine. Les nerfs taïwanais n'ont pas été épargnés par les récents commentaires de M. Trump selon lesquels Taïwan a pris presque 100% de l'industrie américaine des puces et que Taïwan doit payer les Etats-Unis pour leur soutien en matière de défense.
Le Japon se méfie également de M. Trump, tant sur le plan commercial que sur celui de la sécurité. L'économie japonaise a subi des dommages collatéraux lors du premier mandat de M. Trump, les mesures commerciales prises à l'encontre de la Chine ayant eu un impact négatif sur les entreprises japonaises. Des questions de sécurité régionale pourraient également se poser quant à la volonté de M. Trump de respecter l'accord de défense mutuelle entre les Etats-Unis et le Japon. M. Trump entretenait de bonnes relations avec feu le Premier ministre japonais Shinzo Abe, qu'il considérait comme un ami. Abe était un dirigeant fort que Trump respectait. Il semble peu probable que l'actuel Premier ministre japonais Kishida puisse forger un lien aussi fort avec Trump, alors que l'emprise de Kishida sur le pouvoir est chancelante.
En Asie du Sud-Est, un récent rapport d'enquête 2024 publié par l'ISEAS - Yusof Ishak Institute, montre que la Chine a dépassé les Etats-Unis pour devenir le choix dominant (50,5%) si la région devait s'aligner sur la rivalité actuelle entre les Etats-Unis et la Chine. Le choix des Etats-Unis est passé de 61,1% l'année précédente à 49,5%, probablement parce que la Chine continue d'être considérée comme la puissance économique (59,5%) et politico-stratégique (43,9%) la plus influente de la région, dépassant les Etats-Unis par des marges significatives dans les deux domaines. Si la région a bénéficié économiquement de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine (en attirant les investissements directs étrangers), comme nous l'avons mentionné précédemment, certains pays comme le Vietnam pourraient désormais être une cible en raison de l'importance de sa balance commerciale avec les Etats-Unis. La sécurité régionale, avec le conflit de la mer de Chine méridionale, pourrait également être compromise si M. Trump réduisait les bases militaires américaines aux Philippines.
En résumé, l'Asie préférerait que le prochain président américain soit un démocrate dans une perspective de continuité politique. M. Trump étant toujours en tête des sondages, l'Asie suivra de près la situation jusqu'en novembre.