Plans de prévoyance 1e: les avantages l’emportent

Olivier Parenteau, Maklerzentrum Schweiz

5 minutes de lecture

Même si certaines critiques sont justifiées, ce sont les atouts de la responsabilité individuelle et de la possibilité de choisir qui prévalent.

© Keystone

La question de la prévoyance retraite n’a pas cessé de nous préoccuper. Hormis la controverse qui entoure généralement les sujets tels que le taux de conversion, l’âge de la retraite et la sécurisation du système, ce sont aussi les questions relatives à la responsabilité individuelle et à la solidarité qui font l’objet d’une vive discussion. Combien doit-on pouvoir prélever, avant la retraite, sur son avoir de vieillesse et à quelles fins? Et une fois le moment de la retraite arrivé, vaut-il mieux opter pour le versement du capital retraite ou pour une rente de vieillesse? Mais depuis un peu plus d’une année, le monde de la prévoyance connaît un sujet de discussion supplémentaire – les plans de prévoyance 1e. Ces derniers déclenchent eux aussi de vives discussions et émotions, aussi bien chez les professionnels de la branche que parmi la population.

Placer son argent de manière autodéterminée

Les plans de prévoyance de type 1e sont des plans d’épargne individuels pour les assurés ayant des revenus importants. Avec un plan 1e, un assuré a la possibilité d’influencer la stratégie de placement dans la tranche de revenu se situant à plus de 50% au-dessus de la limite supérieure de salaire LPP. Il est donc possible d’assurer ainsi les parts de salaire dépassant le montant de 127’980 francs. Les assurés ont le choix parmi dix stratégies de placement proposées, au maximum. Les parts de salaire jusqu'à une limite de 127’980 francs sont gérées comme ce fut le cas jusqu'ici, c'est-à-dire sans que les assurés y aient leur mot à dire.

Une perte sur investissement ne doit plus être supportée
par les autres assurés restant dans le plan de prévoyance 1e.

Des plans de type 1e, s’appliquant à la portion surobligatoire de la prévoyance professionnelle, existent déjà depuis 2006. Le 1er octobre 2017, dans le cadre de l’aménagement de la loi sur le libre passage, le Conseil fédéral a cependant mis en vigueur une nouvelle ordonnance qui permet réellement la mise en œuvre des plans de prévoyance 1e: les institutions de prévoyance ne sont plus obligées de payer un montant minimum garanti aux assurés quand ceux-ci quittent la caisse de pension en question. Qu’est-ce que cela signifie concrètement? Quand ils quittent une institution de prévoyance, les assurés ayant choisi de faire usage des possibilités de placement offertes par leur caisse de pension ne peuvent non seulement emporter avec eux des rendements de placement supérieurs, mais doivent aussi, le cas échéant, prendre en charge les pertes éventuelles. Ainsi, une perte sur investissement ne doit plus être supportée par les autres assurés restant dans le plan de prévoyance 1e, comme cela était le cas auparavant.

Qui en profite le plus?

Les plans de prévoyance 1e offrent aux assurés la possibilité de déterminer plus personnellement comment placer leurs fonds de prévoyance et d’adapter ainsi la stratégie de placement à leurs besoins individuels et à leurs préférences en matière de prise de risque. La disposition à prendre des risques dépend aussi largement de l’horizon de placement. Les personnes plus jeunes auront tendance à opter pour une stratégie plus risquée que les assurés qui se trouvent proches de la retraite. Les plus grands avantages invoqués quand il est question des plans de type 1e sont la flexibilité et la liberté accrues. Mais plus de liberté signifie aussi plus de responsabilité personnelle et, comme nous l’avons déjà mentionné, les éventuelles pertes de placement vont à la charge des assurés concernés.

Pour les employeurs, les plans de prévoyance 1e peuvent également présenter des avantages notoires. Pour eux, l’aspect de la prise de risque est en général prédominant. L’obligation des employeurs se limite au paiement des contributions sociales à la caisse de pension. Le risque d’assainissement disparaît puisque ce sont les assurés qui supportent le risque de placement. Ceci conduit à une diminution des obligations de la caisse de pension. De plus, les entreprises qui comptabilisent selon les règles comptables internationales telles que IAS/IFRS ou US GAAP peuvent traiter les plans 1e comme plans de primauté des cotisations. Il y a des voix qui s’élèvent pour indiquer que les plans 1e ont été principalement lancés par le patronat – dans le but de réduire les engagements comptables.

Le spectre de la désolidarisation

Sur quoi repose donc la critique des plans 1e? Le terme le plus souvent employé à ce propos par les sceptiques est celui de «désolidarisation». D’abord, les solutions de prévoyance 1e ne s’adresseraient qu’aux nantis et ensuite, elles se trouveraient en contradiction avec l’esprit du 2e pilier. Le système de prévoyance serait ainsi sapé par «l’individualisation» et la solidarité foulée aux pieds. Une des fonctions principales de la prévoyance professionnelle serait la protection des assurés. Quand et sous quelles conditions serait-il nécessaire ou acceptable de retirer cette protection aux assurés? Nombreuses seraient les caisses de pension de droit public souhaitant ne pas proposer de solutions de prévoyance de type 1e par souci de préserver leur réputation – en termes de solidarité et de protection des assurés.

En outre, les stratégies proposées seraient en partie de la poudre aux yeux, étant donné que la plupart des assurés opteraient pour une stratégie à risques moyens – correspondant finalement à la stratégie adoptée par les caisses de pension elles-mêmes. Cela voudrait dire que les caisses de pension placeraient de toute façon les avoirs de prévoyance de cette manière, avec ou sans plans 1e.

Nombreuses sont les caisses de pension qui doivent procéder
à une redistribution en puisant dans la partie surobligatoire.

Des difficultés administratives sont également invoquées. Les petites caisses de pension seraient désavantagées, car elles ne disposeraient pas des ressources et des systèmes nécessaires pour introduire des plans 1e. Elles seraient obligées de recourir à des fournisseurs externes, ce qui nécessiterait des moyens et des coûts importants.

La redistribution n’est pas l’idée fondamentale du 2e pilier

Face à ces critiques, on peut formuler un certain nombre d’objections. Selon l’Office fédéral de la statistique, les plans 1e n’entreraient en ligne de compte que pour environ un assuré sur dix. Le concept fondamental du 2e pilier consiste en ce que les assurés accumulent individuellement un avoir qui financera leurs prestations après la retraite (principe de la couverture du capital). Or, nombreuses sont les caisses de pension qui doivent procéder à une redistribution en puisant dans la partie surobligatoire afin de pouvoir tenir leurs promesses de retraites. Le taux de conversion de 6,8%, fixé par la loi dans le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle, a pour effet de résulter en de nouvelles rentes trop élevées - celles-ci bénéficiant alors d’un subventionnement croisé de la part des assurés actifs. En raison du taux de conversion plus élevé, une rente LPP pour nouveau retraité requiert en moyenne un taux d’intérêt de 4,7%, à vie, tandis que le taux d’intérêt minimum actuel se situe à 1% et le niveau général des taux autour de 0%, comme l’indique une étude de l’Association Suisse des Institutions de Prévoyance (ASIP).

On assiste donc à une redistribution, inhérente au système, des «riches» vers les «pauvres» et des «actifs» vers les «inactifs». Or, le système du 2e pilier ne prévoit pas de pacte intergénérationnel dans lequel se fait une redistribution financière du groupe des «jeunes» vers celui des «vieux», comme c’est le cas dans le système de répartition. S’agissant des plans 1e, il n’est donc pas juste de parler de désolidarisation, bien au contraire. La redistribution de «jeunes» à «vieux» a pris une telle ampleur que l’on pourrait parfois la caractériser «d’exploitation». Avec les solutions 1e, il est en partie possible d’éviter cette évolution malencontreuse. Pour leur capital 1e, les assurés décident eux-mêmes de la stratégie à adopter, la réalisation se fait sur un compte individuel et la caisse de pension n’a pas besoin de compenser les pertes, donc, pas besoin non plus d’entretenir des réserves de fluctuations.

La seule critique que l’on peut formuler à juste titre, c’est le fait qu’en raison des sorties de fonds de la tranche surobligatoire des avoirs de prévoyance vers les plans 1e, du capital se soustrait au collectif. En cas de danger, cela pourrait rendre plus difficile l’assainissement des caisses de pension.

Bien évaluer la capacité de risque

Les assurés désireux de profiter des possibilités offertes par les plans de prévoyance 1e, et souhaitant assumer une plus grande responsabilité personnelle quant à leur prévoyance vieillesse, doivent toutefois tenir compte d’un certain nombre d’aspects. La stratégie de placement doit être choisie soigneusement et être en adéquation avec l’âge, la capacité de risque et la disposition personnelle à prendre des risques. Les personnes se trouvant proches de la retraite pourraient, par exemple, opter pour une part importante de cash et les placements les plus sûrs possibles.

En matière de solutions 1e, la stratégie de placement doit également être choisie en fonction de la fortune dans son ensemble - il convient de procéder à une analyse globale des risques relatifs aux biens que l’on possède et de veiller à assurer une large diversification. Il faut également tenir compte du fait que les avois accumulés dans les plans 1e ne peuvent généralement pas être perçus sous forme de rente, mais seulement par le biais d’un versement de capital. Les plans 1e constituent un apport important dans le monde de la prévoyance et doivent être accueillis favorablement, notamment en raison de la responsabilité individuelle qui les accompagne.

Aperçu du 2e pilier
  Régime obligatoire LPP Régime surobligatoire LPP Solutions de prévoyance 1e
Revenu en CHF de 21’330 à 85’320 de 85'320 à 127'980 de 127'980 à 853’200
Possibilité de perception Rente ou capital Rente ou capital Uniquement capital
Taux de converstion en % 6,8 Fixé par la caisse de pension
Intérêts sur les avoirs vieillesse 1 Fixés par la caisse de pension Rendement du placement
Source: Forum de la prévoyance

A lire aussi...