Points clés
- Très attendu, le troisième plénum du parti communiste chinois n’a pas apporté de réformes radicales, sinon un soutien accru aux secteurs stratégiques et un accent renforcé sur la sécurité
- La croissance ralentit et l’économie chinoise reste dépendante des exportations, dans un contexte de faible demande intérieure. La volonté politique semble insuffisante pour changer cette dynamique
- Des tarifs douaniers supplémentaires sur les importations chinoises sous une nouvelle administration Trump pourraient amputer la croissance de la Chine de 1,5% en 2025. Nous nous attendons à un regain de volatilité à l’approche des élections présidentielles américaines de novembre
- Nous pensons que tout soutien politique à court terme sera contrebalancé par les nombreux défis qui se reflètent de plus en plus dans les cours des actifs financiers chinois.
Lors de leur « troisième plénum » quinquennal, qui s’est tenu du 15 au 18 juillet, les dirigeants chinois ont eu la tâche peu enviable. Ce sommet, baptisé ainsi en raison de son ordre dans le cycle de réunions politiques organisées tous les cinq ans pour définir des réformes économiques à long terme, était censé produire une feuille de route visant à dissiper la perception de malaise économique régnant en Chine. Cependant, peu de mesures concrètes ont été annoncées. Si un soutien limité a été consenti aux secteurs des technologies vertes et de l'énergie, jugés cruciaux pour la sécurité nationale et la résilience de l’économie, les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes des marchés.
Avant la réunion, les titres des secteurs phares de l’immobilier et de la technologie étaient en hausse de 7% et 6% respectivement. Mais les attentes des investisseurs locaux en matière de mesures favorables au marché ont été déçues une fois de plus. Après la clôture du plénum, les marchés boursiers chinois et hongkongais ont enregistré des pertes.
Six ans et une sacrée différence
Lors du dernier troisième plénum de 2018, la situation était tout autre. Le secteur immobilier chinois était en plein essor, la confiance des consommateurs et les ventes au détail étaient robustes et l’économie enregistrait une croissance de quelque 7% par an. L’indice Hang Seng China Enterprises, qui comprend les actions de catégorie H, qui peuvent être achetées par les investisseurs étrangers, était plus de deux fois supérieur à son niveau actuel. L’optimisme était à son comble et les perspectives de la Chine étaient stables. Le mythe d’une Chine «à son pic», qui recouvre l’idée que le pays avait atteint l’apogée de sa puissance économique, était rarement mis en doute, malgré l’imposition de droits de douane par le président américain Donald Trump.
Aujourd’hui, après six années de revers économiques et géopolitiques, même l’objectif des troisièmes plénums semble avoir changé. L’ordre du jour a été davantage axé sur les réformes que celui du plénum précédent. Néanmoins, la sécurité nationale et la question du contrôle du gouvernement ont imprégné la communication officielle (voir graphique ci-dessous). Le ton du plénum d’il y a dix ans, favorable aux marchés, a cédé la place à des messages sur le renforcement des capacités nationales en vue d’une «modernisation à la chinoise» dans un environnement géopolitique plus difficile.
L’orientation de la stratégie nationale ne devrait pas connaître de changement radical, étant donné le peu d’intérêt pour des réformes agressives, qui s’accompagnent de risques politiques et économiques. Certes, on a observé quelques gestes en faveur de réformes à moyen terme de l’utilisation des terres agricoles, de réformes fiscales augmentant les revenus des gouvernements locaux, et de l’accès des travailleurs migrants à la protection sociale dans les zones urbaines. Cependant, ces programmes seront mis en œuvre progressivement. Plus encourageant, les efforts déployés par les autorités en faveur des technologies vertes et de la transition vers le net-zéro semblent susciter une large adhésion, peut-être en raison de leurs liens avec la vision nationale en matière de sécurité énergétique et de qualité de vie.
Nous pensons que les autorités agiront pour contenir les risques de dégradation de l’économie. La conférence de presse du plénum, le 19 juillet, a qualifié les conditions économiques actuelles de faibles et a appelé à «accélérer l’émission et l’utilisation d’obligations spéciales». Les décideurs ont également préconisé une utilisation plus flexible du produit de l’émission d’obligations et un contrôle accru du marché immobilier au niveau des gouvernements locaux. Le gouvernement pourrait donc engager davantage de ressources pour convertir les logements invendus en habitations abordables. Cependant, cette approche sera progressive étant donné son coût élevé - équivalent à quelque 500 milliards de dollars américains.
Les espoirs de croissance s’estompent
L’ambiguïté exprimée dans le communiqué final du plénum quant à la nécessité de donner la priorité à la croissance est surprenante. Au deuxième trimestre de cette année, l’économie chinoise n’a progressé que de 4,7% en glissement annuel, son taux le plus faible depuis le premier trimestre 2023, et inférieur aux 5,3% du premier trimestre. La médiocre performance des ventes au détail – outil de mesure du moral des ménages – est particulièrement inquiétante : elles ont chuté à leur plus bas niveau depuis 18 mois, reflétant les forces déflationnistes à l’œuvre dans l’économie.
En outre, le secteur de l’immobilier indique peu de signes de reprise, avec des ventes de logements neufs en recul d’un peu plus de 20% depuis le début de l’année. Les prévisions de croissance du consensus pour 2024 ont été ramenées en dessous de l’objectif officiel du gouvernement de 5%, du fait que d’autres risques de baisse sont pris en compte. Nous voyons la croissance de la Chine ralentir pour atteindre un niveau bas de 4% en 2025-26, le secteur immobilier et les exportations faisant face à des vents contraires et à une probable intensification de la confrontation avec les Etats-Unis.
L’économie chinoise demeure profondément déséquilibrée, avec peu de solutions dans l’immédiat. Au deuxième trimestre, les exportations ont augmenté de 8,6% en glissement annuel, tandis que les importations, un indicateur de la demande intérieure, ont chuté de 2,3% et que la croissance du crédit s’est encore affaiblie. La faiblesse persistante de l’inflation suggère que les ménages et les entreprises privées poursuivent leur désendettement. Cette dynamique ne devrait pas être modifiée par une politique budgétaire agressive, par exemple par le biais de transferts directs aux ménages, car les autorités restent concentrées sur l’expansion de l’offre dans un contexte d’intensification de la concurrence géopolitique.
Se préparer à un retour de Trump
La probabilité croissante d’une victoire de M. Trump à l’élection présidentielle américaine laisse présager des tensions géopolitiques accrues entre Pékin et Washington. En effet, l’ancien président a fait part de son intention d’imposer des tarifs douaniers fixes de 60% sur les importations chinoises, ce qui pourrait affaiblir des perspectives de croissance déjà fragiles.
Même dans le cadre d’un scénario relativement bénin de détournement des flux commerciaux via des pays tiers tels que la Malaisie et le Mexique, de représailles chinoises limitées et de statu quo pour les partenaires commerciaux non américains, nous estimons que les droits de douane pourraient amputer le taux de croissance de la Chine de 1 à 1,5% et faire reculer l’expansion annuelle à 3% en 2025 et 2026. Si les tarifs s’étendent à l’échelle mondiale, l’impact serait encore plus important et, en l’absence de mesures de soutien politique compensatoires, la croissance chinoise pourrait tomber juste au-dessus de 2%. Alors que Pékin préconise une valeur stable du yuan pondéré en fonction des échanges commerciaux, une dévaluation ponctuelle pourrait contribuer à amortir les chocs sur la croissance si les pressions tarifaires devaient s’intensifier.
Les tensions ne concernent pas seulement les droits de douane. Les restrictions technologiques imposées à la Chine par les Etats-Unis s’élargissent. Le 18 juillet, les valeurs technologiques ont chuté à la suite d’informations selon lesquelles l’administration Biden envisageait de renforcer les restrictions imposées à la Chine en matière de technologie de fabrication de puces. L’indice Nasdaq, à forte composante technologique, a chuté de 2,8%, sa pire journée depuis 2022. Nous pensons que ces incertitudes accrues en matière de politique commerciale persisteront à l’approche des élections américaines et déclencheront des épisodes de volatilité sporadiques sur les marchés.
Une posture neutre à l’égard des actions chinoises
Après un retour en force entre la fin janvier et la mi-mai dans l’attente de mesures de relance agressives, les marchés chinois ont depuis manqué de direction. Dans un contexte de sentiment de marché faible et de valorisations basses des actions chinoises, l’annonce de nouvelles mesures de soutien ciblées dans les semaines à venir pourrait provoquer un rebond. Toutefois, ces dernières ne devraient pas changer la donne.
En l’absence de réformes et de mesures de relance convaincantes, nous pensons que les marchés boursiers du pays peineront à susciter l’intérêt des investisseurs, qui ont pris acte de leur sous-performance, de l’affaiblissement de la croissance et de la probabilité croissante de restrictions commerciales plus sévères de la part des Etats-Unis et de l’Europe. Nous maintenons donc une exposition aux actifs chinois conforme à l’indice de référence du marché, estimant que tout catalyseur politique à court terme sera contrebalancé par de nombreux défis qui ne sont que partiellement intégrés dans les cours. A l’approche des élections américaines, qui pourraient provoquer de nouveaux chocs pour les entreprises chinoises, une exposition neutre aux actions du pays semble l’approche d’investissement la plus appropriée.