Optimisme bien tempéré pour les ABS

Aza Teeuwen, TwentyFour Asset Management

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Les nouveaux entrants sur le marché des asset backed securities améliorent le potentiel diversification, au prix d’un besoin de due diligence accru.

Les organismes de prêts hypothécaires ou de crédits à la consommation se financent de plus en plus fréquemment via le marché des titres adossés à des actifs (ABS ou asset backed securities). Cette évolution résulte directement des contraintes auxquelles les banques sont soumises en matière de fonds propres et qui les rendent moins compétitives. 

Ces dernières années, les plateformes dédiées aux prêts se sont multipliées dans toute l’Europe et dans tous les secteurs, qu’il s’agisse de technologie, de prêts entre pairs ou de prêts alternatifs non-prime. La croissance ne se limite pas au secteur hypothécaire, elle concerne également les gérants d’obligations adossées à des prêts (Collateralized Loan Obligations ou CLOs) ainsi que les entreprises de fintech, telles que la plate-forme française du crédit en ligne Younited qui vient de réaliser sa première opération ABS publique. 

Une pléthore de nouveaux émetteurs

Dans l'ensemble, cette évolution est bénéfique, tant pour les consommateurs que pour les investisseurs. Elle accroît le potentiel de diversification auprès de nouveaux acteurs de qualité, tels que les organismes de crédit hollandais (le pays où la réglementation concernant les hypothèques est probablement la plus stricte), scandinaves ou français. Au Royaume-Unis, Atom Bank, Chartercourt et Precise comptent parmi ces nouveaux venus qui ont également procédé à des opérations de titrisation de crédits hypothécaires résidentiels (Residential Mortgage Backed Security ou RMBS). 

Vu l’afflux massif de nouveaux établissements,
une certaine consolidation paraît inévitable.

On peut toutefois se demander si le marché est suffisamment vaste pour absorber une telle pléthore de nouveaux établissements. Une certaine consolidation paraît inévitable, comme en témoigne l’exemple de Tesco Bank qui a arrêté son activité de crédits hypothécaires et envisage de céder son portefeuille de prêts dont la valeur s’élève à 3,7 milliards de livres sterling. 

Séparer le bon grain de l’ivraie

Même si la diversification est la bienvenue, il convient de rester réaliste: pour concurrencer les acteurs bien établis, les nouveaux entrants ne disposent que d’un nombre limité de possibilités pour gagner des parts de marché. Elles portent sur la technologie (accélération de l’exécution), les prix et les produits. Pour ces nouveaux acteurs, il est clair que le processus de due diligence prend nettement plus de temps que lorsqu’il s’agit d’entités connues telles que Coventry ou Nationwide. 

Les éventuelles difficultés de l’organisme de crédit
pourraient se répercuter sur les cours des obligations émises.

Une grande partie de nos efforts porte sur l’examen des processus d’origination et sur le service. Nous cherchons également à nous assurer de la pérennité de l’organisation, au moins sur un horizon de cinq ans. En effet, même si sur le segment des ABS, le risque de défaut est relativement indépendant de l’organisme de crédit, les éventuelles difficultés de ce dernier pourraient se répercuter sur les cours des obligations émises. Il y a quelques années, la banque Co-op s’est vue confrontée à des difficultés de ce type.

Vers un relâchement des conditions de crédit?

Les nouvelles technologies mises en œuvre sont en partie pérennes et nous nous en accommodons pour autant qu’elles correspondent à des besoins réels.  En ce qui concerne les prix, ils dépendent des coûts de financement et de la compétition, mais nous sommes particulièrement attentifs au risque que représenterait d’un relâchement des conditions de crédit. Ce dernier ne s’est pas encore matérialisé. 

A l’instar de tous les autres marchés, celui des ABS
n’est pas à l’abri des comportements caractéristiques de fin de cycle.

Cependant, la semaine dernière, nous avons analysé un nouvel organisme de crédit britannique dont l’exposition à des débiteurs ayant récemment fait l’objet de décisions judiciaires s’élevait à plus de 30% (les défauts de paiement portaient par exemple sur des factures de téléphone ou des commandes par correspondance). Les investisseurs doivent donc impérativement s’interroger pour savoir s’ils veulent ou non s’exposer à ce type de risque alors que le cycle économique est déjà très avancé. A l’instar de tous les autres marchés, le marché des ABS n’est en effet pas à l’abri des comportements caractéristiques de fin de cycle, qu’ils viennent des débiteurs ou des nouveaux acteurs qui tentent de prendre des parts de marché. 

La qualité porte à l’optimisme

Les entreprises ont pris davantage de levier, l’endettement des Etats a atteint un niveau élevé, la documentation est lacunaire pour les emprunts à haut rendement ou les prêts à levier. Et même si nous pensons que le cycle actuel se poursuivra encore pendant plusieurs années (et que les défauts de paiement sur les prêts hypothécaires seront limités), la volatilité a augmenté et continuera probablement d'augmenter, surtout pour les émetteurs qui ne sont pas encore bien établis. En revanche, les établissements de crédit de premier ordre que nous avons rencontrés nous incitent à être optimistes. Il est néanmoins indispensable de procéder à des due diligence approfondis afin d’éviter les accidents à l’avenir.

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