Nouvelle loi bancaire suisse: atout ou obstacle?

Giuliano Bianchi, EHL Hospitality Business School

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Quoi de plus sûr qu'une banque suisse? Malgré sa réputation de stabilité, la faillite de Credit Suisse en 2023 a mis à nu la faiblesse du système bancaire helvétique.

©Keystone

 

Cet article examine les initiatives des autorités suisses pour restaurer la confiance dans leur système bancaire. Comme évoqué dans un article précédent, le Public Liquidity Backstop (PLB) est une mesure introduite pour protéger les banques d’importance systémiques suisses contre une panique bancaire. Conçu avant le mariage arrangé entre Crédit Suisse et UBS, le PLB entrera enfin en vigueur en 2025. Cependant, cette mesure pourrait avoir un impact inattendu qu’il convient d’examiner. Alors, comment Crédit Suisse (CS) s'est-il effondré au départ?

Coup d'œil dans le rétroviseur

En mars 2023, une petite banque californienne a fait faillite, déclenchant la panique chez les investisseurs, qui ont recherché le prochain maillon faible du secteur bancaire[1]. Leur attention s’est rapidement tournée vers Crédit Suisse, affaiblie par des scandales à répétition et de mauvais résultats depuis des années. Anticipant une chute de l’action, ils ont massivement vendu leurs parts, plongeant CS dans un cercle vicieux. La fusion forcée entre UBS et CS a été largement médiatisée et son issue jugée globalement positive. Cependant, le PLB comporte trois failles majeures.

Premièrement, si le PLB s'applique sous sa forme actuelle, les banques systémiques en difficulté ne pourront plus verser de dividendes, envoyant aux marchés un signal alarmant qui aggraverait le cercle vicieux. Les dividendes faisant partie intégrante de la valeur d’une action, une interdiction légale de leur versement pourrait réduire la capitalisation boursière de l'entreprise et accélérer l'effet boule de neige.

Quand les régulateurs obligent une banque à cesser de verser des dividendes

Sur un marché efficient, les investisseurs intègrent toutes les informations à leur disposition dans les prix. Sinon, il existe une «asymétrie d’information» et ils anticiperaient qu’une banque en difficulté suspendra ses dividendes. Une loi imposant cet arrêt serait superflue si déjà anticipée ou même nocive si la banque peut continuer à payer grâce à ses réserves. Si une banque disposant de réserves est empêchée par le PLB de verser des dividendes, cela pourrait faire chuter son cours boursier, aggravant ainsi une dynamique procyclique négative. De plus, la loi suisse actuelle encadre déjà ces suspensions, une nouvelle législation risquerait donc de créer confusion et rigidité.

Enfin, le PLB pourrait pénaliser injustement les actionnaires, qui sont souvent petits, nombreux et éloignés des décisions de gestion, tandis que leur soutien est crucial en période de crise. Bien que justifié, bloquer les dividendes en cas d'aide publique risque, en pratique, d’accélérer les faillites.

Partager le risque, répartir le danger

La seconde faiblesse du PLB réside dans la taxe annuelle basée sur le risque d’échec d’une banque systémique (art. 32c PLB). Selon l’art. 32c, al. 3, ce forfait dépend des pertes potentielles pour la Confédération à long terme et des résultats des banques. Le montant du forfait est lié au risque encouru par la banque (conformément aux normes de Bâle), ce qui, dû à l’interconnexion des banques, crée une forte incitation à la collusion.

Si une banque systémique suisse (UBS, Raiffeisen, ZKB, PostFinance) subit des turbulences, les autres peuvent être exposées. Une baisse de valeur des actifs d’une banque peut profiter aux autres. Or, toute augmentation de valeur accroît le montant du forfait. Elles pourraient donc contourner le PLB en rachetant les actions de la banque malade, considérées comme liquides dans le LCR. Mais cela pourrait enfreindre les lois antitrust, renforcer l’effet keiretsu et accroître la concentration du marché. Pire, un possible effet domino : une aide mutuelle pourrait mener à un naufrage collectif. Ce qui paraît logique cache en réalité un danger sous-jacent.

C’est le type de rémunération qui compte

De plus, l'article 10a de la Loi sur les banques confie la politique de rémunération des banques en difficulté au Conseil fédéral, ce qui peut dissuader les meilleurs gestionnaires de postuler au profit des profils les plus risqués. Les dirigeants, investissant leur argent et leur travail dans l'entreprise, sont liés à son avenir sans possibilité de diversifier ce risque[2]. La structure de leur rémunération influe sur leur prise de risque. La promesse d’un bonus si le cours de l’action de la banque augmente pourrait pousser les managers à faire des paris risqués, tandis qu’un salaire fixe réduit cette tentation et favorise la stabilité. C’est donc le type – pas le montant – de rémunération qui oriente la prise de risque.

Une mise en garde pour le PLB

Ces trois points appellent à la prudence. Malgré un besoin de réforme après vingt ans de turbulences financières en Suisse, la modification législative propose des ajustements de bon sens et des réponses politiques, sans réelle analyse économique à la Posner. Cela montre que des mesures apparemment justes ou utiles peuvent être contre-productives, voire nuisibles. Le PLB risque de manquer sa cible et doit être ajusté pour intégrer une approche plus économique.


Article original: https://hospitalityinsights.ehl.edu/banking-regulations-switzerland

 

[1] Bianchi, par. All eyes now on Credit Suisse collapse.
[2] Hall/Murphy,p. 8.

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