Le vin sous un angle économique

Philippe Masset, Ecole hôtelière de Lausanne

2 minutes de lecture

La 16e conférence de l’American Association of Wine Economists a eu lieu à l’EHL Hospitality Business School, à Lausanne.

 

Introduction à l’économie du vin: Les origines

Bien que le vin constitue une activité économique majeure dans de nombreux pays, ce n'est que depuis une cinquantaine d'années qu'il suscite un véritable intérêt en sciences économiques. Orley Ashenfelter, professeur émérite à Princeton, est souvent considéré comme le pionnier de cette discipline. En grand passionné de vins, il s’est intéressé à la modélisation de leurs prix avec l’idée de pouvoir ainsi identifier les vins bon marché et donc à acheter, et ceux trop chers, à éviter. La détermination du «juste prix» d’un vin est un exercice ardu. 

Contrairement à la majorité des autres actifs, le vin ne délivre pas de cash-flow. Le prix d’un vin dépend de deux éléments: les conditions sur le marché du vin (équilibre offre-demande) ainsi que les caractéristiques de ce vin et la manière dont le marché les valorise.

Outre la question des prix et plus généralement de la «finance du vin», Storchmann identifie deux autres thèmes clés: les experts et leurs notes ; et le changement climatique et son impact. Ces deux thèmes sont étroitement liés à la question de la qualité. Pour la majorité des consommateurs, il est difficile de connaître la qualité d’un vin avant de l’acheter. C’est pour cela que l’on dit que le vin est un bien d’expérience. Le rôle des experts est de fournir des informations aux consommateurs afin de les aider dans leurs décisions. Aujourd’hui, on évoque un «marché de l’expertise» avec de nombreux experts qui se battent pour obtenir le maximum de visibilité, tout en subissant la concurrence des médias sociaux et des sites communautaires (e.g., Vivino, CellarTracker).

Nous vivons une période portée par les innovations technologiques et l’intelligence artificielle. Cela a été l’occasion de voir que de nombreux acteurs de l’industrie du vin emploient déjà ces outils afin d’optimiser le travail à la vigne, à la cave et à la vente. 

Le changement climatique redistribue les cartes: certaines régions souffrent de la sécheresse et voient la quantité produite chuter. Il en résulte de nombreuses questions portant sur les moyens de s’adapter et sur la distribution géographique de la production de vin à l’horizon 2050.

L’économie du vin en 2024  

Au regard du programme de la conférence de l’AAWE à Lausanne, on peut constater que si les trois thèmes identifiés par Storchmann restent importants, la recherche s’est largement diversifiée ces dernières années. Parmi les thèmes actuels, on retrouve les problématiques en lien avec le marché des vins organiques et natures, le rôle des appellations d’origine contrôlées, le développement des marchés de niche, les effets de la régulation et des politiques tarifaires sur les importations, l’impact de la guerre en Ukraine sur le marché du vin, etc.

Mais peut-être que la caractéristique principale de l’économie du vin en 2024 est son ouverture, sur les autres alcools (spiritueux, cidres, bières et mêmes certains alcools exotiques tels que le Baijiu), et sur des problématiques multidisciplinaires. Il faut dire que le vin offre un laboratoire idéal pour conduire des expériences pour mieux comprendre la perception et le comportement des consommateurs. On parle même de «psychologie du vin».

Nous vivons une période portée par les innovations technologiques et l’intelligence artificielle. Cela a été l’occasion de voir que de nombreux acteurs de l’industrie du vin emploient déjà ces outils afin d’optimiser le travail à la vigne, à la cave et à la vente. À titre d’exemple, on peut citer la combinaison de données météorologiques et de l’intelligence artificielle afin de suivre la qualité des raisins en temps réel.

Les vins suisses

La conférence ayant lieu en Suisse, une place de choix a été réservée aux vins autochtones. Une table-ronde centrée sur les cépages indigènes a permis de mettre en lumière les spécificités du vignoble et du marché suisse. Les participants ont pu déguster un panel représentatif de Pinot Noirs issus de toute la Suisse, des blancs et rouges autochtones (Petite Arvine, Completer, Cornalin, etc.), et des Chasselas vaudois issus des millésimes 2000 à 2023. Des visites dans les cantons de Vaud et du Valais ont permis aux participants de mieux comprendre la Suisse vitivinicole. Comme l’ont noté certains participants dans leurs posts sur les médias sociaux et articles, «Be smart, drink Swiss wines».

A lire aussi...