Mode d’emploi du retour des «Trumponomics»

Pierre Pincemaille, DNCA Invest

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Les «Trumponomics» reviennent, boostant croissance et déréglementation mais amplifiant les risques d’inflation et de dette.

©Keystone

 

C’était l’événement politique le plus attendu de l’année et le vainqueur est … la plateforme Polymarket qui avait identifié en amont la victoire du candidat républicain. Les marchés avaient d’ailleurs, sur cette base, effectué un «front running» du résultat officiel avec un renforcement du dollar, une remontée des rendements obligataires et une surperformance du marché actions américain.

Alors que la poussière n’est pas encore retombée, le choc d’inflation semble être un des facteurs clés de la défaite démocrate. Une explication à première vue conforme à l’adage américain («it is the economy stupid!»), mais les voix des mécontents se sont reportées sur le candidat proposant le train de mesures le plus inflationniste.

Les deux premières cibles du nouveau président sont toutes désignées: la Chine et le «Tax Cuts & Jobs Act». La fermeté concernant l’accès à la technologie devrait être renouvelée voire amplifiée lors des quatre années à venir, avec en prime d’après négociations commerciales (un des marqueurs de Trump). La nouvelle administration devra également statuer sur la réforme fiscale de 2017 dont certaines mesures arrivent à expiration l’année prochaine. L’absence d’extension provoquerait un choc négatif sur le revenu des ménages avec des conséquences mécaniques évidentes sur la consommation. Un scénario peu probable pour débuter un nouveau mandat.

Fiscalité Trump: croissance ou dette?

Au-delà de ces deux sujets prévisibles, la plateforme idéologique du nouveau locataire de la Maison-Blanche est dans le prolongement de celle d’il y a 8 ans: réduction de l’imposition des entreprises (potentiellement de 21% à 15%), maitrise de l’immigration et droits de douane supplémentaires. En tant que président, Trump va pouvoir prendre des décisions importantes par décret en matière de politique commerciale, de politique étrangère, et de déréglementation (notamment pour les industries bancaire, pétrolière et gazière). Sa capacité à réduire les impôts et ajuster les dépenses publiques dépendra en partie la Chambre des représentants, ou sa faible majorité ne lui donne pas les pleins pouvoirs (la Chambre est acquise avec 222 voix pour une majorité à 218, au moment de la rédaction de ces lignes). 

A court terme, la déréglementation couplée à des réductions d’impôts devraient évidement jouer en faveur de la croissance, confortant de fait l’exceptionnalisme américain. Mais si on allonge l’horizon de temps, une immigration réduite et une inflation plus élevée en raison de tarifs douaniers rehaussés devraient dégrader le mix croissance/inflation (GS anticipe que 1% de tarif supplémentaire augmente le «core» PCE de 10bp). D’ailleurs le marché ne s’y trompe pas, le breakeven d’inflation 2 ans ayant monté de 100bp sur huit semaines!

Enfin, même si historiquement la hausse du marché actions a été plus importante sous mandature républicaine (11% vs 6,7% par an), le sujet de l’ajustement des taux longs au laxisme fiscal sera crucial. A ce titre, le «Penn Wharton Budget Model» chiffre à 1,5 point de PIB sur 10 ans le programme du Président alors même que le déficit du budget fédéral devrait tanganter les 7% cette année! Même s’il va devoir faire preuve de pragmatisme face aux vigies obligataires, on est aux antipodes de ce que recommande avec sagesse Jacques de Larosière (ancien directeur du FMI puis gouverneur de la Banque de France) dans son dernier ouvrage: «Autant il est normal de s’endetter pour investir, autant il est dangereux de voir les engagements financiers se gonfler bien au-delà des besoins d’investissements. C’est le signe d’une surexposition à la dette au titre notamment du financement des dépenses courantes et des déficits du secteurs public».

La grande inconnue de l’équation trumpiste reste l’attitude de la Fed. Va-t-elle rester dans sa posture «data dependant» ou au contraire redonner l’avantage aux gouverneurs les plus faucons? La réunion de la semaine passée n’a pas donné d’indication à ce stade, Jerome Powell se bornant à déclarer: «on ne devine pas, on ne spécule pas, on ne présume pas». En l’absence d’indication claire de la part du président de la banque centrale américaine, tout investisseur souhaitant prendre un risque de duration devra répondre à la question suivante: les 4,3% du taux nominal de référence à 10 ans présentent-ils de la valeur, face à l’afflux de bons du Trésor à venir et à la potentielle remontée du taux terminal de la Fed?

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