Le cybercab: contre-choc d'offre et nirvana de la productivité

Thomas Planell, DNCA Invest

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Les actions européennes, sous-évaluées par rapport à leurs homologues américaines, suscitent un regain d'intérêt des investisseurs.

©Keystone

 

Il est difficile de rester indifférent face aux androïdes et nouveaux robots taxis de Tesla, d'autant plus que cette présentation survient alors que la controverse autour d'Uber et Lyft, accusés de réduire artificiellement l’offre de chauffeurs en limitant l’accès à leurs plateformes, prend de l’ampleur. En maintenant artificiellement un taux d’occupation des chauffeurs élevé grâce à leur position oligopolistique, ces plateformes augmentent leurs marges en réduisant la part des revenus redistribués aux chauffeurs.

A l'échelle macroéconomique, cette offre limitée stagne en dessous de son potentiel, ce qui exacerbe le déséquilibre avec la demande. En conséquence, la consommation est inférieure à son potentiel. A court terme, les investisseurs bénéficient de marges et de prix plus élevés, mais à long terme, une inflation plus rapide que le PIB réel pourrait les obliger à prendre plus de risques pour compenser ces effets.

Au niveau social, cette inflation renforce les inégalités, car la classe populaire la perçoit comme un impôt supplémentaire qui n'est pas compensé par davantage de services publics. Cela remet en question le contrat fiscal et social et alimente le mécontentement qui pousse les électeurs vers les partis non traditionnels. Bien que rapide et caricatural, ce raisonnement n'est pas totalement éloigné de la réalité de ces dernières années. Il permet surtout d'illustrer le rôle des gains de productivité dans le processus économique.

Au-delà du scénario boucle d'or: le nirvana de l'IA

C'est là que l'innovation, incarnée par Tesla, entre en jeu et génère un choc d'offre positif. Les nouveaux véhicules, sans volant ni pédales, éliminent le besoin des 393’000 chauffeurs recensés par le Bureau of Labor Statistics. Désormais, quelques contrôleurs suffisent pour gérer toute une flotte, multipliant ainsi le ratio capital/travail.

Là où une voiture nécessitait un conducteur, un seul contrôleur peut aujourd'hui superviser des milliers de véhicules à un prix unitaire de 20’000 dollars. La productivité explose, ce qui libère la consommation, stimule la croissance et conduit potentiellement à la désinflation. Ce n'est plus un simple scénario «boucle d'or»: c'est le nirvana de l'intelligence artificielle et de la robotisation.

Les investisseurs misent sur une croissance soutenue et désinflationniste

En achetant ce scénario de croissance soutenue, les marchés boursiers semblent ignorer une inflation légèrement supérieure aux attentes. Au cours des six derniers mois, l'inflation sous-jacente annualisée s'est stabilisée à 2,6% et les coûts du logement à 4,2%, les niveaux les plus bas depuis avril et juillet 2021 respectivement. Les investisseurs semblent croire en cette vision dans laquelle le progrès technique conduit à une croissance désinflationniste durable.

Des bénéfices limités pour les entreprises européennes au troisième trimestre

D'autre part, les Européens ne bénéficient pas des mêmes gains de productivité que leurs homologues américains. Aux Etats-Unis, le PIB croît avec moins de créations d'emplois, tandis qu'en Europe, il stagne, et seuls l'emploi et les salaires en hausse constituent les quelques bonnes surprises économiques des deuxièmes et troisièmes trimestres. Les autres indicateurs (enquêtes, activité industrielle, ventes en gros et au détail) continuent de décevoir, même si c'est à un rythme moins inquiétant. Cela limite la capacité des entreprises européennes à dépasser les attentes en matière de croissance des bénéfices par action au troisième trimestre.

Les valeurs financières résistent bien

Les bénéfices des entreprises européennes devraient diminuer de 1% par rapport à l'an dernier, reflétant les perspectives de croissance attendues des entreprises de l'Eurostoxx 50 pour l'exercice 2024. La série d'avertissements sur résultats dans des secteurs comme l'automobile, ainsi que les avertissements de sociétés comme Aurubis, Vistry, Rentokil et Vestas, combinés à des inquiétudes dans la consommation discrétionnaire et l'énergie (exacerbées par la chute du prix du baril au troisième trimestre), contrastent avec les attentes positives pour les valeurs financières. Ces dernières continuent de distribuer leur capital aux actionnaires, JPMorgan ayant surpassé les attentes pour ouvrir la saison des publications bancaires. Depuis le début de l'année, et en tenant compte des dividendes avant les rachats d'actions, les valeurs financières des deux côtés de l'Atlantique figurent parmi les trois meilleures performances en termes de total return.

Regain record des fusions de PME européennes

Néanmoins, depuis la mi-septembre, les marchés européens ont légèrement surperformé leurs homologues américains, en partie en raison de la sensibilité des entreprises européennes aux mesures de relance annoncées par la Chine, dont les détails sont encore attendus. En outre, la valorisation des actions européennes (13,5 fois les bénéfices des douze prochains mois) reste inférieure à leur moyenne historique sur dix ans, tandis que les actions américaines se situent deux écarts-types au-dessus de leur moyenne. En conséquence, la décote historique des petites et moyennes capitalisations européennes a entraîné un regain d'activité en matière de fusions, avec 240 deals cette année, un record depuis 2009.

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