Logiciels, pas de nuages à l’horizon

Obe Ejikeme, Carmignac

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Une des raisons fondamentales du succès des logiciels réside dans le remplacement du modèle de licence par des modèles de revenus récurrents fondés sur l’abonnement.

©Keystone

 

De tout temps, les révolutions technologiques ont suivi un schéma prévisible: elles commencent par des avancées en matière d’infrastructure, en particulier au niveau du matériel, pour ensuite déboucher sur des logiciels d’application. Au début des années 1980, IBM et Apple ont été les pionniers de la révolution de l’informatique grand public en développant un équipement révolutionnaire, ce qui a permis à IBM de devenir la plus grande capitalisation du monde en 1986. Au même moment, la société de logiciels Microsoft est entrée en bourse, avec une capitalisation boursière égale à seulement 1% de celle d’IBM à l’époque. Inutile de préciser qui est sorti gagnant à long terme...

Aujourd’hui, nous observons le même type de transition dans le secteur de l’intelligence artificielle (IA). Après une première phase marquée par un investissement colossal de près de mille milliards de dollars dans les infrastructures de l’IA, un nouveau chapitre s’ouvre avec l’émergence de nouveaux acteurs tels que Deepseek et Mistral AI qui, en parallèle, des progrès continus en matière d’efficacité permettent de réduire considérablement les coûts. Les investisseurs sont désormais à la recherche des gagnants de cette prochaine phase, en se concentrant sur des acteurs capables de proposer des cas d’utilisation prometteurs susceptibles de générer un retour sur investissement significatif.

GÉNÉRER DES REVENUS RÉCURRENTS: LA RECETTE DU SUCCÈS

Une des raisons fondamentales du succès des logiciels réside dans le remplacement du modèle de licence par des modèles de revenus récurrents fondés sur l’abonnement. Ce passage aux abonnements dit SaaS (Software-as-a-Service) a fondamentalement transformé l’ADN économique de ces entreprises. Les plateformes SaaS génèrent des flux de trésorerie semblables à des annuités grâce à des renouvellements automatiques et à une tarification basée sur l’utilisation. Dès lors, les clients prépayent en réalité la nouvelle génération de produit tout en offrant aux fournisseurs une visibilité sur leurs flux de trésorerie.

La logique financière est claire: si une entreprise de SaaS conserve 90% de ses clients et augmente ses ventes de 30% par an, elle peut tripler son chiffre d’affaires en l’espace de cinq ans. Cette situation contraste fortement avec celle des secteurs industriels, où une croissance similaire nécessiterait des dépenses d’investissement massives. Adobe illustre parfaitement ce concept : la transition de la vente de licences Creative Suite vers Adobe Creative Cloud a été un véritable succès. De 2004 à 2014, sous un modèle de licence, la croissance du chiffre d’affaires d’Adobe a été d’environ 9,5% par an. Après l’introduction de Creative Cloud, la croissance du chiffre d’affaires a presque doublé, atteignant 18% en rythme annuel au cours de la décennie suivante...

BIENS INTANGIBLES À FORTE CROISSANCE

La structure de coûts unique des logiciels - des coûts élevés de recherche et développement (R&D) mais des coûts marginaux de distribution proches de zéro - crée un effet de levier opérationnel sans équivalent dans les autres secteurs d’activité. Une fois les coûts de R&D amortis, chaque dollar supplémentaire de revenus se répercute sans commune mesure sur le résultat net de l’entreprise.

La restructuration effectuée par le fournisseur de logiciels d’entreprise SAP, qui a décidé de passer à une approche «cloud», se chiffre en milliards de dollars et affecte des milliers d’employés. Toutefois, à mesure que ce projet atteint une masse critique, chaque client supplémentaire améliorera davantage les marges. Aujourd’hui, le succès de cette transition le cloud est bien visible avec une croissance qui dépasse les 25% et le bénéfice d’exploitation a augmenté de 28%1. De plus, paysage technologique continue d’évoluer, comme le fait remarquer son PDG, Christian Klein, qui réagissait à l’arrivée de Deepseek2: «On constate des progrès au niveau de la performance des modèles de langage ou des puces. Ils deviennent donc moins chers. Et c’est là que nous en profitons, parce que nous sommes au sommet, que nous infusons l’IA, que nous créons des cas d’utilisation à haute valeur ajoutée pour les entreprises». les gains de productivité induits par l’IA profiteront aux éditeurs de logiciels. D’autant plus que ces entreprises utilisent déjà ces avancées. L’incursion de ServiceNow dans l’IA, par exemple, a commencé en 2017 avec l’introduction de Predictive Intelligence, un outil conçu pour améliorer la gestion des services informatiques.

L’innovation en matière d’IA devrait ouvrir la voie à une nouvelle vague d’automatisation, qui devrait générer 500 milliards de dollars de revenus supplémentaires par an pour le secteur des logiciels d’entreprise d’ici à 20353.


 

1Résultats financiers de SAP pour le quatrième trimestre et l’exercice 2024, Source: SAP.com.
2Investor’s business daily, 28/01/2025: https://www.investors.com/news/technology/deepseek-ai-enterprise-software-sap-nvidia/
3Redburn Atlantic, «Enterprise software call my agent».

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