Les taux remontent, quels impacts sur la bourse?

Andreas Ruhlmann, IG Bank

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L’accélération de la hausse des taux d'intérêt inquiète, tour d’horizon.

Bien que le taux directeur contrôlé par la Fed n’a pas bougé, l’accélération de la chute du cours des obligations gouvernementales a causé une hausse notable des taux d’intérêts à long terme. Le dix ans américain a par exemple atteint un plus haut depuis 12 mois, à 1.55%, soit plus du triple depuis le bas historique atteint durant la pandémie. Cette hausse peut faire de l’ombre aux marchés boursiers qui bénéficiaient jusqu’alors de peu de concurrence. Cela augmente également le coût de financement des entreprises et des ménages, généralement un frein pour l’économie. Mais surtout, cela anime des craintes de voir les banquiers centraux et les gouvernements contraints de réviser leurs politiques expansionnistes. En effet le large plan budgétaire attendu, couplé à l’avancée des vaccinations, et à l’amélioration des récentes données macroéconomiques sont à l’origine de la chute du cours des obligations.

Certes les données d’inflations seront à surveiller de près afin d’évaluer le risque de surchauffe de l’économie, d’autant plus que les matières premières ont le vent en poupe, sortant tout juste d’une tendance baissière de plus de dix ans. Cependant, le risque semble encore prématuré, et au stade actuel une accélération de la croissance serait plutôt bénéfique. Le stimulus budgétaire américain sert principalement à combler une perte de gain aidant de nombreux ménages à régler des retards de paiements. De plus, durant la période précédant la pandémie, une croissance incontrôlée était loin d’être évidente malgré un taux de chômage à un plus bas historique et le plein emploi parmi les 25-54 ans aux Etats-Unis.

Une pause semble de mise alors que nous atteignons
une zone de résistance majeure.

En outre, bien que les taux aient fortement bondi, on part de niveaux extrêmement faibles, et les taux actuels demeurent globalement accommodants. Le taux moyen de dividende reste également attractif en comparaison, particulièrement pour les actions européennes à 3,1% comparé au Bund à dix ans toujours négatif à -0,3% ou aux obligations d’entreprises en Euro noté AA à 0,2%.

Écart de rendement actions/obligations

Source: UBS, Refinitiv

C’est plutôt l’accélération et la rapidité de la hausse qui inquiète, toutefois une pause semble de mise alors que nous atteignons une zone de résistance majeure. Une forte correction des actifs risqués entrainerait également un retour vers les obligations gouvernementales, ainsi les taux se stabiliseraient d’eux même.

Obligations du gouvernement US (10 et 30 ans)

Comme souvent après tout changement rapide, une phase d’adaptation est nécessaire et la période de volatilité actuelle pourrait se prolonger à court-terme, sans pour autant enrailler la tendance de fond haussière des marchés boursiers. Une stratégie portée sur une diversification sectorielle plus vaste devrait continuer à porter ses fruits. On a notamment vu les valeurs cycliques surperformer au détriment des actions défensives et des titres de croissance.

L’accélération de la croissance, au fur et à mesure que nous sortons de la pandémie, devrait continuer de soutenir les actions cycliques et à forte volatilité telles que le secteur des matières premières, du transport, de l’industrie ou encore de la consommation discrétionnaire. Le FTSE 100 où ces secteurs sont bien représentés pourraient potentiellement surperformer, d’autant plus qu’il se négocie à un niveau attrayant comparé aux actions américaines et européennes. Le Royaume-Uni est bien avancé dans la course au vaccin et les craintes liées au Brexit peuvent enfin être mises de côté.

Les titres défensifs à faible volatilité devraient continuer
à sous-performer ces prochains mois.

Comme c’est typiquement le cas lorsque les taux remontent, les valeurs de croissance ont souffert, particulièrement parmi les secteurs à forte valorisation tels que le business de la génétique, du cloud ou de l’énergie renouvelable; même si elles demeurent positives pour l’année 2021. Statistiquement, les titres de croissance commencent à sous-performer leur propre moyenne historique lorsque le taux obligataire du 10 ans américain passe la barre de 3%. Il reste de la marge, et ce repli pourrait représenter une opportunité. Ces thèmes de croissance ont bénéficié d’un véritable tremplin durant la pandémie et ont atteint un point d’inflexion en termes de coût opérationnel. Sur le long terme, leur taux de croissance pourrait bien défier toute compression de valorisation résultant de la hausse des taux.

Concernant les titres défensifs à faible volatilité, ceux-ci devraient continuer à sous-performer ces prochains mois, mais apportent tout de même une assurance en cas d’accélération inattendue de l’inflation. Le secteur «oublié» des boissons et breuvages alcoolisés pourrait tirer son épingle du jeu. Normalement à caractère défensif, les Coca Cola, Heineken et autres ont souffert des mesures de confinement et ne bénéficient pas non plus de la recrudescence de l’appétit pour le risque. Pourtant il parait évident que lorsque nous en aurons l’occasion, nous nous précipiterons tous dans les bars, restaurants, cinémas, salles de concerts, stades de foot et autres évènements culturels où l’alcool et autre breuvage coulent à flot.

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