Les impératifs pour une meilleure gestion du plastique

Maria Elena Drew, T. Rowe Price

5 minutes de lecture

Les pressions du développement durable vont remodeler l'industrie des plastiques.

L'impact positif et négatif des plastiques

Depuis leur introduction au début des années 1900, les plastiques et emballages en plastique font partie intégrante de la vie quotidienne.

La demande mondiale de plastiques a été multipliée par vingt au cours des 50 dernières années et l'Agence internationale de l'énergie prévoit que la demande augmentera encore de 45%. d'ici 2040, près des deux tiers de cette croissance provenant d'Asie.

L'obsession du plastique est facile à comprendre: bon marché, léger et durable, le matériau est bénéfique pour la société de multiples façons, notamment :

  • Réduire les déchets alimentaires - en prolongeant la période de fraîcheur
  • Réduire les émissions des véhicules - en allégeant les voitures
  • Accroître l'efficacité énergétique - par l'amélioration de l'isolation des bâtiments
Le débat sur le développement durable devrait être centré
sur la façon dont nous nous débarrassons du plastique.

En dépit de ses nombreux avantages, la grande consommation de plastique est un problème majeur de durabilité que le monde se doit de résoudre. La plupart des plastiques ont une durée de vie très courte (moins d'un an), mais ils peuvent prendre jusqu'à 450 ans pour se décomposer, créant un impact environnemental majeur s'il n'est pas éliminé correctement.

Par conséquent, nous croyons que le débat sur le développement durable devrait être centré sur la façon dont nous utilisons le plastique et, plus encore, sur la façon dont nous nous en débarrassons.

Evaluer l’ampleur du problème

Les impacts environnementaux liés aux plastiques sont nombreux, avec des implications pour la santé humaine et animale.

Estimations de fuites dans l'océan - Les estimations révèlent qu'il y a plus de plus de 150 millions de tonnes de plastique dans l'océan, et 8 à 10 millions de tonnes supplémentaires s'échappent dans les océans chaque année. Il a été estimé que, d'ici à 2050, il pourrait y avoir plus de plastique dans les océans que de poissons. Les déchets plastiques nuisent à la vie marine de bien des façons:

  • Les animaux marins ingèrent du plastique, ce qui entraîne des blessures ou la mort
  • Les écosystèmes naturels essentiels à la santé des océans sont pollués
  • Les microplastiques consommés par la vie marine se retrouvent dans les chaînes alimentaires humaines

Fuites sur terre ferme - On estime que 25% à 30% des déchets de plastique est laissé sur la terre ferme parce qu'il s'échappe des systèmes de collecte des déchets ou n'est jamais collecté. Lorsque ces déchets plastiques se décomposent, des sous-produits chimiques s'infiltrent dans le sol, les eaux souterraines et les cours d'eau.

Décharges et incinération - Les décharges représentent 40 à 45% de l'élimination des déchets plastiques. Dans de nombreux pays, de mauvaises pratiques d'élimination conduisent à l'infiltration de produits chimiques dans le sol et les cours d'eau. Avec une élimination appropriée, l'impact sur l'environnement peut être maîtrisé. L'incinération a des conséquences négatives car elle libère du carbone dans l'atmosphère. Toutefois, de meilleures pratiques telles que l'incinération à haute température peuvent réduire considérablement l'impact des émissions, tandis que l'énergie produite peut être vendue comme sous-produit.

Le bisphénol A (BPA) - BPA est utilisé dans les plastiques plus durs pour les contenants alimentaires et les bouteilles de boisson. Bien que les données scientifiques ne soient pas concluantes, on s'inquiète du risque potentiel pour la santé humaine et animale. Ainsi, plusieurs pays ont restreint l'utilisation du BPA et les États-Unis l'ont classé parmi les perturbateurs endocriniens.

Le rôle du plastique dans un monde durable

Au vu de l'ampleur du problème de l'élimination, nous estimons que l'industrie du plastique sera fondamentalement remodelée dans quatre domaines clés: (1) réduction de l'utilisation, (2) augmentation du recyclage, (3) augmentation de l'incinération (transformation des déchets en énergie) et (4) remplacement par des substituts au plastique et/ou de nouveaux plastiques biodégradables.

Aujourd'hui, la réduction des déchets plastiques se concentre principalement sur les plastiques à usage unique. Il s'agit d'un changement par rapport aux décennies passées où l'accent était mis sur la réduction de l'utilisation des matériaux par l'allégement des emballages en plastique. Les entreprises de biens de consommation se tournent maintenant vers d'autres solutions d'emballage ou vers une nouvelle conception de l'emballage pour le rendre recyclable.

À l'échelle mondiale, seulement 14% des emballages en plastique sont collectés pour être recyclés, et seulement 10% sont recyclés au final. Certains matériaux, comme les bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET), les bouteilles en polyéthylène haute densité (PEHD) et les films plastiques sont recyclés à des taux plus élevés. Certaines régions géographiques atteignent des taux de recyclage beaucoup plus importants, la différence dépendant généralement de la rentabilité du recyclage pour le format et la région.

À l'échelle mondiale, on estime que seulement la moitié
des bouteilles en PET sont collectées pour être recyclées.

Le PET a un taux de recyclage plus élevé que tout autre type de plastique, mais ce taux de recyclage varie selon les pays. À l'échelle mondiale, on estime que seulement la moitié des bouteilles en PET sont même collectées pour être recyclées, et que seulement 7% sont recyclées, bouteille à bouteille.

Le point sur le plastique et le conditionnement

En 2015, les plastiques représentaient 25% des volumes mondiaux d'emballages (contre 17% en 2000). La demande d'emballages plastiques a été stimulée par un nombre croissant de secteurs, dont l’alimentation et les boissons, les produits cosmétiques et ménagers, l'électronique grand public et la construction. 

Bien que la croissance du produit intérieur brut soit l'un des principaux moteurs de la croissance des emballages plastiques, il est également vrai que les organismes de réglementation, les entreprises et les consommateurs s'intéressent tous aux problèmes de fin de vie des emballages plastiques. C’est le cas principalement dans les secteurs alimentaires et des boissons, c'est pourquoi nous pensons que les facteurs clés de succès des entreprises de conditionnement seront: (1) l'innovation produit et (2) la capacité à développer un modèle économique circulaire.

Le point sur le plastique dans l'énergie et la chimie 

La pétrochimie représente 14% de la consommation de pétrole (13 millions de barils par jour) et 8% de la consommation de gaz naturel (300 milliards de mètres cubes). Les produits pétrochimiques jouent un rôle important dans les secteurs plus larges de la chimie puisqu'ils représentent aujourd'hui environ 90% des matières premières chimiques (matières premières qui alimentent un processus industriel), mais ce sont les huiles légères (éthylène et propylène) et les aromatiques (benzène, toluène et BTX) qui sont les précurseurs des plastiques, fibres synthétiques et caoutchouc.

L'ensemble du secteur de l'emballage plastique
représente environ 36% de la production pétrochimique.

Les huiles légères et les aromatiques sont collectivement connues sous le nom de produits chimiques de haute valeur ou HVC (Huile végétale carburant). Techniquement, ces HVC peuvent être fabriquées à partir de matériaux autres que le pétrole et le gaz, tels que la biomasse, l'eau, le CO2 et d'autres sources de carbone. Cependant aujourd’hui, le pétrole et le gaz sont les matières premières les moins chères et les plus répandues. Les chaînes de transformation du charbon en produits chimiques se sont révélées économiquement compétitives en Asie et connaîtront une certaine croissance au cours de la prochaine décennie, mais elles restent faibles dans un contexte mondial. Depuis 1970, le charbon a représenté 1% de toutes les matières premières plastiques, le pétrole 74% et le gaz naturel 25%.

L'ensemble du secteur de l'emballage plastique représente environ 36% de la production pétrochimique. Bien que certaines entreprises aient une exposition importante aux HVC pour produire des emballages plastiques, nous ne pensons pas que cette exposition soit automatiquement liée à un risque de durabilité. Beaucoup d'entreprises en cause se retrouveront probablement comme prestataires de solutions au fur et à mesure de l’évolution des produits d'emballage, pour résoudre leur problème de fin de vie. 

Toutefois, il y aura des gagnants et des perdants dans cette catégorie, et comme la réglementation gouvernementale se concentre de plus en plus sur cette question, les tendances de la demande pourraient changer rapidement (soit au cours des cinq prochaines années). De surcroît, les entreprises les plus à risque ont tendance à ne pas être aussi étroitement liées à leur marché final. Ils vendent simplement un produit de base sur un marché mondial. Il est donc possible que la direction de l'entreprise ne soit pas la mieux placée pour voir le changement venir.

La chaîne pétrochimique est également confrontée à un problème de durabilité dans son segment des fibres synthétiques, qui représente environ 15% de la production pétrochimique. Des études menées par la Circular Fibers Initiative et la Ellen MacArthur Foundation indiquent que 63% des matières premières utilisées dans la fabrication de vêtements sont en plastique. De plus, seul 13% de la matière première totale utilisée dans l'industrie du vêtement est recyclée, la majorité étant destinée à des produits de moindre valeur comme l'isolation et le remplissage de meubles.

Répercussions du plastique sur les émissions de CO2

Propre à la production pétrochimique, les hydrocarbures sont utilisés comme matière première, la moitié de la consommation d'énergie du secteur étant utilisée comme matière première et non combustible. Deux des principales sources d'hydrocarbures sont le naphta et l'éthane. Le naphta est principalement dérivé du pétrole brut, tandis que l'éthane est plus répandu dans le gaz naturel et les liquides de gaz naturel. La majeure partie de l'éthylène est produite par un procédé thermique où les hydrocarbures sont décomposés en molécules plus petites qui sont ensuite utilisées pour fabriquer des produits chimiques plus utiles (et plus précieux).

Les bioplastiques nécessitent aucun combustible fossile pour les produire
et ils se décomposent plus rapidement que les plastiques traditionnels.

Si l'on examine plus attentivement les émissions libérées lors du processus de fabrication, l'éthane est plus efficace et émet 1 à 1,2 tonne de CO2 par tonne d'éthylène produite, contre 1,8 à 2,0 tonnes de CO2 par tonne d'éthylène produite pour le naphta.

Bioplastiques

Bien que la rentabilité des plastiques d'origine végétale demeure un défi, un grand nombre de projets de recherche et de développement ainsi que de projets pilotes portent aujourd'hui sur les bioplastiques. Les avantages des bioplastiques sont qu'aucun combustible fossile n'est nécessaire pour les produire et ils se décomposent plus rapidement que les plastiques traditionnels. Cependant, la technologie des bioplastiques présente certains inconvénients notables. Premièrement, ils doivent être séparés des plastiques traditionnels dans le processus de recyclage. Deuxièmement, ils ne sont pas aussi solides que les plastiques à base de combustibles fossiles. Et troisièmement, la quantité de matériaux d'origine végétale nécessaire est considérable. Pour remplacer 3% du marché mondial des plastiques, il faudrait 5% de la production mondiale de maïs.

Pour conclure, l'utilisation prolifique du plastique et les conséquences négatives de son élimination sont des problèmes majeurs de durabilité que le monde doit résoudre. Toutefois, nous tenons à souligner que le battage médiatique négatif entourant le plastique et sa disparition imminente, ainsi que l'impact subséquent sur l'industrie, est exagérément démesuré. 

En effet, si l'on considère les différents impacts commerciaux qui pourraient amener à un monde plus durable, le plastique n'appartient pas à la catégorie de risque la plus élevée. Cela s'explique par le fait qu'il n'existe pas de substituts économiques et que bon nombre des entreprises ciblées seront probablement des fournisseurs de solutions à mesure que les produits d'emballage seront adaptés pour résoudre leur problème de fin de vie.

La durabilité des plastiques est évaluée dans le Responsible Investing Indicator Model (RIIM) chez T. Rowe Price. Ce modèle exclusif intègre un large éventail de facteurs liés aux plastiques, variés selon les sous-secteurs, par rapport auxquels nous mesurons et évaluons ensuite les entreprises en fonction de la durabilité de leurs plastiques.

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