Les Etats-Unis sont-ils entrés dans un nouveau cycle?

François Savary, Prime Partners

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Le nouveau Président semble avoir réussi à rendre à la politique américaine une forme de sérénité.

Quelque chose a définitivement changé au pays de l’Oncle Sam. Certes, nous savions tous que le 20 janvier serait marqué par un changement d’administration avec le transfert du pourvoir à Joe Biden. Cependant, il faut reconnaître que le monde de l’après 20 janvier prend une tournure de changement peut-être plus radical que ce à quoi nous pouvions nous attendre.

Le plus frappant est le sentiment de calme qui se dégage de Washington. Fini le temps des tweet incohérents, des propos incendiaires, des images de violence urbaines et des propos mensongers d’une administration, qui avait fini par ne plus en avoir que le nom à défaut de conduire une politique digne de ce nom. Le nouveau Président, raillé en raison de sons âge au moment de sa prise de pouvoir, semble avoir réussi, en moins de cent jours, à rendre à la politique américaine une forme de sérénité grâce à cette «sagesse» de sénateur roué aux arcanes du pouvoir américain. Un défi qui était loin d’être gagné même après son investiture.

Il ne faut pas cacher sa joie de voir les premiers mois de la nouvelle administration se passer sous de tels auspices, surtout si on les compare à ceux de la précédente qui, dès le début, avaient été erratiques, pour ne pas dire chaotiques.

Le calme étant bien souvent plus efficace que l’agitation permanente, le premier plan de relance de Joe Biden a «passé comme une lettre à la poste»; certes, des compromis ont été nécessaires, sur la question des augmentations salariales en particulier, mais la rapidité de la procédure pour adopter la loi budgétaire est remarquable; de même, s’il est vrai que les lignes de fracture entre républicains et démocrates n’ont pas bougé lors du vote, il faut mettre en exergue que le législateur a trouvé les moyens d’échapper à la loi de l’obstruction systématique, qui a marqué les Etats-Unis depuis de nombreuses années.

Le phénomène est d’autant plus remarquable que derrière l’enjeu budgétaire se cache un combat beaucoup plus idéologique, celui de l’intervention de l’état dans l’économie. Il suffit d’ailleurs d’écouter la Secrétaire au Trésor, J. Yellen, qui a mis tout son poids pour favoriser un programme de relance «massif», pour comprendre le changement; la peur d’en faire trop à céder la place à celle de ne pas en faire assez en matière de soutien à l’économie; en d’autres termes, c’est bien la «vengeance» des keynésiens sur les «conservateurs libéraux» qui se profile en filigrane.

Une fois encore, il ne faut pas aller trop vite aller en besogne, car l’addition des programmes de relance finira par grever les finances publiques de manière «significative» au cours des prochaines années; si le plan Biden est aujourd’hui majoritairement soutenu, viendra nécessairement le temps des mesures indispensables et pas forcément populaires pour assurer la pérennité des finances de l’Oncle Sam: la hausse des impôts! Cette question ne va d’ailleurs pas tarder à revenir sur le devant de la scène (avec son lot de tensions politiques), avec le second chantier de J. Biden: le geen deal. La volonté d’engager 2 trillions de dollars supplémentaires pour la transition énergétique et les dépenses d’infrastructures promet de raviver le «feu qui couve sous la cendre» au sein d’une minorité républicaine, qui n’est pas sans moyen d’action dans le système politique américain.

Il est vrai que le Président peut espérer le soutien d’un autre cycle porteur au cours des prochains trimestres, celui de l’économie. Grâce à l’efficacité retrouvée dans la gestion de la crise de la covid-19, en raison du soutien d’une campagne de vaccination menée tambour battant, la croissance américaine va rapidement retrouver des couleurs et afficher des taux d’expansion élevés à partir du second trimestre.

Définitivement tout semble se combiner aujourd’hui pour justifier l’idée qu’un nouveau cycle, plus large que celui de la seule économie, semble voir le jour aux Etat-Unis. A bien des égards on est en droit de s’en réjouir. Il ne faut cependant pas tomber dans un optimisme béat et les problèmes auxquels l’Amérique est confrontée n’ont pas disparu comme par enchantement: divisions internes profondes, montée en puissance (rivale) de la Chine, système politique qui ne génère plus de réelle volonté d’une approche bipartisane dans la recherche des solutions aux problèmes et j’en passe. Joe Biden n’est pas Merlin L’Enchanteur mais il faut reconnaître que la sérennité qui se dégage de lui a pour l’heure fait merveille. Un simple état de grâce ou quelque chose de plus profond dans le cycle de vie de l’Amérique? Le temps le dira!

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