Les acteurs insoupçonnés de la transition climatique

Clive Burstow, Barings

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Les industries à forte intensité de ressources sont essentielles dans la lutte contre le changement climatique.

L’année 2021 a été une année record en termes de phénomènes météorologiques extrêmes et le changement climatique occupe désormais une place prééminente dans l’arène internationale. Et, si un consensus – relatif – existe autour des mesures à prendre pour relever ce défi, la manière dont ces dernières doivent être mises en œuvre reste problématique.  

Limiter la hausse des températures à 1,5 degré Celsius d’ici 2050 nécessite une réduction radicale des émissions de gaz à effet de serre. Les efforts dans ce sens ont jusqu’ici principalement visé le carbone, qui en est le principal responsable. Les industries minières, sidérurgiques et énergétiques se retrouvent donc sous le feu des critiques. Mais ces industries comptent un certain nombre de «bons élèves» qui pourraient jouer un rôle central dans la transition vers un avenir plus durable.

Une solution plutôt qu’un problème

Atteindre l’objectif d’émissions nettes zéro d’ici 2050 est un projet colossal. Il nécessite en effet de transformer un réseau énergétique mondial conçu pour fonctionner avec des combustibles fossiles, comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel, en un réseau alimenté par des énergies renouvelables. Pour ce faire, certains estiment que la part de l’éolien et du solaire dans l’approvisionnement énergétique mondial devrait atteindre 55% contre seulement 6 à 7% aujourd’hui. Ce qui exige aussi de repenser 80% du mix énergétique mondial actuel.

Relever un défi de cette ampleur impliquera un investissement massif dans les énergies renouvelables, mais aussi dans les infrastructures durables et dans l’agriculture propre. Des secteurs qui sont pratiquement tous à forte intensité de ressources et dépendent d’intrants comme le cuivre, l’aluminium et l’hydrogène. Un parc éolien installé en mer, par exemple, nécessite en moyenne cinq fois plus d’acier qu’une centrale électrique terrestre à combustible fossile. Et ce, pour la même quantité d’énergie produite.

Des entreprises qui relèvent le défi

Il est indéniable que le secteur des ressources naturelles est aujourd’hui à forte intensité de carbone. Mais beaucoup d’entreprises qui y sont actives prennent déjà des mesures, certaines depuis des années, pour mettre en œuvre des processus plus propres et plus sûrs.

Les producteurs d’acier sont en train de s’orienter vers un acier à faible teneur en carbone, voire sans carbone, en introduisant de l’hydrogène dans leurs processus.

L’industrie minière, par exemple, est perçue de manière très négative d’un point de vue ESG et figure systématiquement dans les listes d’exclusion des investisseurs. Mais ces exclusions généralisées tendent à occulter le fait que cette industrie est en train de connaître une véritable révolution. Les mauvais élèves sont bien évidemment toujours là mais on compte aussi un certain nombre d’entreprises qui contribuent à la transition vers une industrie plus durable, plus sûre et plus efficace. Ces dernières font appel à des outils comme l’intelligence artificielle, pour réduire l’empreinte des mines et atténuer leur impact sur l’environnement tout en améliorant leur efficacité opérationnelle, elles choisissent des méthodes de transformation non-hydrauliques et s’appuient sur des sources de combustible alternatives, comme l’hydrogène, pour réduire leurs émissions sur site. La société britannique Anglo American, par exemple, est en train de développer un camion de transport de 290 tonnes à hydrogène afin de réduire ses émissions de carbone sur l’ensemble de ses opérations.

Les industries sidérurgique et énergétique sont également en pleine transformation. Les producteurs d’acier sont en train de s’orienter vers un acier à faible teneur en carbone, voire sans carbone, en introduisant de l’hydrogène dans leurs processus. Le producteur d’acier suédois SSAB travaille ainsi avec la société industrielle Vattenfall pour construire une aciérie fonctionnant à l’hydrogène et dont les fours seront chauffés à l’énergie renouvelable d’ici 2022. Quant au secteur énergétique, un certain nombre de grands raffineurs et producteurs de pétrole sont en train de réorienter leurs flux de trésorerie pour investir massivement dans l’éolien, le solaire, la recharge des véhicules électriques et l’hydrogène.

L’agriculture mérite également d’être mentionnée, de par son importante contribution à l’augmentation des niveaux de méthane sur la planète. Si la dynamique de ce secteur est quelque peu différente de celle des industries extractives, ce dernier sera lui aussi nécessairement confronté à la demande importante et durable qui découlera naturellement d’une population mondiale en augmentation. Dans ce contexte, et alors que les investisseurs s’intéressent de plus en plus à la question des émissions de méthane, l’industrie agricole a déjà entamé sa transformation. Certaines entreprises sont en train de mettre en œuvre des solutions innovantes comme l’agriculture de précision, l’agriculture numérique et la technologie des semences afin d’améliorer la productivité agricole tout en en réduisant l’impact environnemental global. L’entreprise chimique néerlandaise DSM, par exemple, a développé un additif pour l’alimentation animale qui inhibe jusqu’à 30% des émissions de méthane des vaches.

Privilégier l’engagement plutôt que l’exclusion

L’année 2050 peut paraître encore loin aujourd’hui, mais mettre en œuvre des solutions pour atténuer le changement climatique est un travail de longue haleine. A l’exemple du cuivre, qui est un composant fondamental de l’énergie propre et, partant, de la décarbonisation. Quatre millions de tonnes supplémentaires de cuivre seront nécessaires pour faire face à l’augmentation de la production de véhicules électriques d’ici 2030, estimée à 30%-40%, selon une étude de la Deutsche Bank. Or il faut compter jusqu’à dix ans pour identifier, aménager et mettre en service une mine de cuivre de l’ampleur requise. En outre, les plus grandes mines qui sont aujourd’hui en cours de développement ont une capacité de production de 300’000 tonnes de cuivre par an. Suffisante à l’heure actuelle, mais largement insuffisante pour répondre à l’augmentation de la demande en véhicules électriques et en infrastructures de recharge. Il en va de même pour l’aluminium, le nickel, le cobalt et le lithium. Sans accès à ces matières premières, il sera impossible de se passer de l’énergie fossile.

Face à ce défi, une approche pragmatique de l’investissement – et du désinvestissement – dans les ressources naturelles est essentielle. L’un des défis majeurs auquel les entreprises sont confrontées réside dans le coût de la transition vers des pratiques plus propres. Les prix de certains processus, comme la décarbonisation des activités sidérurgiques, sont souvent très élevés voire prohibitifs. C’est pourquoi le moment paraît propice non pas à l’exclusion de telle ou telle industrie, mais à l’engagement auprès de certaines entreprises. Nombre d’entre elles réalisent des progrès notables en matière d’ESG mais elles ont besoin d’incitations, en termes de prix et de règlementation mais aussi au niveau des marchés financiers, pour maintenir cette trajectoire positive. 

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