Les écueils du private equity à éviter

Salima Barragan

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Le diable se cache dans les détails. Avec François Mollat du Jourdin de MJ&Cie.

Les fonds de private equity, dont la mission consiste à financer des sociétés non cotées, représentent une part croissante de l’allocation des investisseurs à la recherche de rendements diversifiés. Mais ces derniers ne sont pas à l’abri de déconvenues. Et pas seulement en matière de risques ou de performance. François Mollat du Jourdin, fondateur et président du multi-family office MJ&Cie partage son expérience avec les lecteurs d’Allnews. Il délivre également de judicieux conseils.

Investir sur l’humain avant tout

Le private equity a gagné ses lettres de noblesse lorsque l’industrie est devenue règlementairement plus encadrée, de la même façon que les hedge funds quelques années auparavant. Si la capacité d’analyser un placement reste une démarche essentielle afin d’éviter de couteuses erreurs, l’humain est parfois le maillon faible d’un fonds de PE. «Nous investissons en réalité dans des personnes, relève François Mollat du Jourdin. Les équipes de gestion des hedge funds sont évaluées de façon approfondie, mais ce n’est pas toujours le cas du private equity où l’aspect technique est davantage mis en avant que l’humain».

De mauvaises capacités d’exécution des équipes peuvent mener à de fâcheuses déconvenues. «Un fonds dans lequel nous nous étions engagés a mis deux ans et demi avant de commencer à déployer le capital du fait de divergences entre associés; une situation délicate à expliquer aux investisseurs dont les engagements doivent néanmoins rester disponibles pendant tout ce temps», raconte François Mollat du Jourdin. Un cas de figure non indiqué sur le prospectus du fonds.

Si l’encadrement règlementaire de la branche est une bonne nouvelle pour les investisseurs, l’excès de zèle peut aussi s’avérer contre-productif.

De même, une équipe de cadors chevronnés au bénéfice d’un long historique de performance ne constitue pas un gage de réussite lors du lancement d’un fonds. «Nous considérons chaque stratégie, chaque nouvelle thématique comme un first time funds», explique François Mollat du Jourdin. Une équipe identique ne pourra pas exceller dans toutes les stratégies.

Mais inversement, les rendements de fonds expérimentés mais enlisés dans la routine suscitent parfois la déception. Imaginons une équipe qui lance son 4ème vintage sur la même thématique. «Il faut rester exigeant sur les attentes de performance et s’assurer que les personnes aux commandes ne s’endorment pas sur leurs lauriers», conseille-t-il.

Les frais de gestion disproportionnés

Vient enfin la question épineuse des frais des stratégies de private equity réputés pour être parmi les plus élevés de l’industrie financière. Malgré des progrès perceptibles durant ces dernières années, les habitudes ont la vie dure: les frais ne reflètent pas toujours les performances réalisées et ne sont pas forcément en accord avec les alignements des intérêts des investisseurs.

Lorsqu’un fonds dépasse un certain seuil de rendement, les équipes du fonds (General Partners) reçoivent une part des bénéfices supplémentaires à titre de gratification pour la surperformance. C’est ce qui s’appelle le carried interest. Théoriquement, cet intérêt garantit l’alignement des intérêts entre les investisseurs (les Limited Partner) et les General Partners. «Ce système de carried ne reflète pas toujours l’ambition annoncée de performance du fonds. Les GP devraient s’engager sur des seuils de déclenchement plus élevés pour être en cohérence avec les taux de rendement interne (TRI) annoncés dans leurs prospectus». Une situation similaire à celle prévalente dans les hedge funds où les performances attendues sont souvent supérieures à celles réalisées. Avec le temps, ces clauses de carried deviennent plus progressives afin de mieux aligner les intérêts des investisseurs et des gérants.

La tentation de l’ingénierie financière

Le cœur du private equity consiste à accompagner le financement des entreprises privées. Souvent, les structures de PE offrent aussi un accompagnement à l’équipe managériale et des conseils stratégiques afin de véritablement créer de la valeur pour l’entreprise. Or, certains fonds se concentrent parfois davantage sur de la pure ingénierie financière dans le but d’optimiser la plus-value du portefeuille. Une pratique dangereuse à l’heure où les taux d’intérêt augmentent. «Certaines opérations mal montées se sont dénouées dans de bonnes conditions avant la crise de ces derniers mois. Avec des taux nettement plus élevés, il sera intéressant de voir les scénarios qui ne vont pas manquer de sortir dans les prochains mois. Sans parler des multiples d’EBITDA (Le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) de 12, 15 voire même 20 parfois, alors que le standard était plutôt de l’ordre de 7 il y a une dizaine d’années!  Je n’ai pas encore vu de gros dégâts, mais il faut s’attendre à des «repricings» à la baisse dans les prochains semestres», relève-t-il.

Si l’encadrement règlementaire de la branche est une bonne nouvelle pour les investisseurs, l’excès de zèle peut aussi s’avérer contre-productif. «D’un côté, les restrictions de juridiction empêchent certains résidents de souscrire à certains fonds. De l’autre, le statut de plus en plus encadré des investisseurs (qualifiés, professionnels, etc) peut fermer pas mal de portes à des opportunités d’investissement», regrette-t-il.

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