Immobilier haut de gamme: cigales et fourmis

François Mollat du Jourdin, MJ&Cie

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Après des années 2017 et 2018 exceptionnelles, les professionnels du secteur s’attendent à un rythme d’évolution plus calme en 2019.

Quelque 153 maisons et appartements de plus de 25 millions de dollars se sont vendus dans le monde en 2018. En cumulé, cela représente près de 6,6 milliards de dollars, soit une progression de 13% par rapport à 2017! Alors que le nombre d’UHNWI (personnes détenant plus de 30 millions de francs de fortune) reste en augmentation sensible d’une année sur l’autre, leurs lieux de résidence de prédilection évoluent, comme en témoignent ces chiffres.

Selon une étude Barnes, Hong Kong s'impose comme la ville où se sont vendus le plus de logements très haut de gamme en 2018. Longtemps en pointe dans ce secteur, Londres, troisième, est dorénavant à la peine. Et le marasme dans lequel le Royaume-Uni est plongé depuis deux ans, ainsi que les incertitudes persistantes sur le Brexit ne peuvent que continuer de peser fortement sur le marché immobilier.

L’acquéreur type n’est plus aujourd’hui seulement l’investisseur
proche de la retraite. Il est désormais issu de toutes les générations.

Au-delà de la croissance du secteur, c’est surtout l’évolution de l’offre qu’il faut relever. De nouveaux acteurs émergent sur le marché du très haut de gamme; les particuliers fortunés peuvent en effet désormais acquérir des biens conçus par des marques expertes du secteur du luxe qui proposent davantage de prestations que les «traditionnelles» résidences dotées d’équipements luxueux, comme les piscines ou les spas. En effet, l’acquéreur type n’est plus aujourd’hui seulement l’investisseur proche de la retraite. Il est désormais issu de toutes les générations, y compris des jeunes dont les attentes riment avec leur époque. Ainsi, un projet, à Florence, construit dans une bâtisse restaurée du XVIe siècle, propose, par exemple, 37 appartements de luxe, avec des services compris comme un programme de divertissement et de loisirs haut de gamme pendant toute l’année. 

S’il s’internationalise fortement, ce marché reste néanmoins dominé par les États-Unis. En Europe, Paris conserve un important potentiel de rattrapage en matière de hausses de prix. En effet, les prix pratiqués dans les quartiers les plus prestigieux de la capitale française demeurent 32% inférieurs à ceux affichés à Londres et 69% à ceux de Hong Kong (où l’indexation de la devise sur le dollar américain couplée à une inflation élevée, dope le niveau général des prix de façon «artificielle» à long terme).

Outre Paris, Berlin et Madrid se détachent dans le palmarès mondial
des hausses de prix attendues pour 2019.

Au niveau européen, seules deux autres capitales se détachent dans le palmarès mondial des hausses attendues pour 2019: Berlin et Madrid qui poursuivent leur trend haussier, chacune suivant leur rythme propre. A Paris, la hausse prévue de 6% pourrait cependant être remise en cause par les manifestations violentes à répétition qui secouent la ville lumière et entretiennent un climat d’insécurité depuis de trop longs mois. En tout état de cause, après des années 2017 et 2018 exceptionnelles, les professionnels de l'immobilier haut de gamme s’attendent à un rythme d’évolution plus calme en 2019. 

Pour l’investisseur, dans un contexte de prix élevés, il est légitime de s’interroger sur la stratégie de placement à adopter. Depuis plusieurs années maintenant, le niveau plancher des taux constitue une des raisons principales de l’envolée des prix. A la lecture des dernières communications des banques centrales, cette situation n’est pas prête de changer. En Europe tout au moins. Conséquence directe, la rentabilité des opérations immobilières dites patrimoniales est faible, même si elles ont l’avantage de présenter aussi un faible niveau de risque. L’investisseur vise donc surtout la préservation du capital à long terme. Mais dénicher des investissements de ce type devient toujours plus une gageure et requiert une grande patience et une réactivité extrême. 

Le secteur immobilier propose aujourd’hui
un accès à l’investissement beaucoup plus élaboré.

La stratégie dite «added value» constitue une alternative intéressante pour l’investisseur à la recherche de rendement. Elle consiste à acquérir des biens décotés pour des raisons de structuration complexe ou d’inadaptation aux normes ou aux marchés actuels, dans un but de revente à terme. Présentant évidemment des perspectives de rentabilité supérieure, ce type d’opération demeure difficile, nécessite un horizon d’investissement long mais surtout un niveau d’expertise juridique, fiscale et technique élevé. Autant dire qu’il s’agit-là d’opérations présentant un niveau de risque important. 

Par ailleurs, le secteur immobilier propose aujourd’hui un accès à l’investissement beaucoup plus élaboré, par le truchement de véhicules qui n’ont rien à envier au private equity. Le tout animé par un écosystème de professionnels qui ont structuré le marché sur un modèle sophistiqué, proche de l’industrie financière, et donc plus large.

Mais au-delà de cette évolution du secteur, de la période actuelle compliquée et de la cherté du marché, l’investisseur ne doit jamais oublier le prérequis à tout investissement immobilier: emplacement, emplacement, emplacement! D’autant qu’on peut s’attendre, le jour où les taux se normaliseront, à une normalisation simultanée des prix. Il sera alors primordial d’avoir une valeur d’actif préservée, notamment par l’excellence de sa localisation.