Le tournant de la baisse des taux est en vue

Seema Shah, Principal Asset Management

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Bien que le débat sur les taux ait mis un peu en difficulté les actifs à risque, ce qui motive réellement les actions ce sont les fondamentaux de l’économie et des bénéfices, qui sont tous deux solides.

La décision largement anticipée de la Banque centrale européenne (BCE) en début de mois de réduire ses principaux taux directeurs pour la première fois en cinq ans n’était pas, comme beaucoup l’avaient espéré, nécessairement indicative d’un très prochain cycle de réduction des taux. Le commentaire de Christine Lagarde, présidente de la BCE, a été très mesuré. Elle a noté que la BCE n’était pas en «phase de réduction», signalant ainsi que des réductions de taux consécutifs sont peu probables et renforçant la conviction que la réduction des taux sera plus faible qu’anticipé.

La BCE a bien manœuvré dans l’environnement d’inflation post-COVID et est désormais en mesure d’en récolter les fruits. L’inflation a baissé de manière significative au cours de l’année écoulée et les attentes actuelles sont bien ancrées. Cependant, alors que la BCE avait peu de raisons de ne pas réduire les taux, le paysage plus général de l’inflation est plus opaque.  

Dans la zone euro, on a constaté des signes de ralentissement de la progression de la désinflation. Par la suite, les projections d’inflation pour cette zone ont augmenté, l’inflation globale ne devant pas atteindre l’objectif de 2% avant 2026. Lagarde a défendu la décision de la BCE avec conviction, en soulignant sa confiance dans le fait que la tendance globale de l’inflation est à la baisse, quelles que soient les projections plus à la hausse. Cette divergence apparente indique toutefois qu’une approche prudente est susceptible de persister.

Christine Lagarde sera tentée de s’engager dans un futur plan d’action, ce qui signifie qu’une baisse est très peu probable en juillet.

Les récentes surprises à la hausse de la croissance des salaires et de l’activité économique le soulignent, et Lagarde sera tentée de s’engager dans un futur plan d’action, ce qui signifie qu’une baisse est très peu probable en juillet. La question reste donc la suivante: quand la BCE sera-t-elle prête à réduire ses taux avec conviction?

Une coordination des politiques mondiales est requise

Les prochaines réductions de taux de la BCE devraient avoir lieu en septembre et en décembre, les marchés prévoyant que la Réserve fédérale (Fed) baissera ses taux à ces moments-là. Cependant, si la Fed retarde le début de son propre cycle d’assouplissement jusqu’au début de 2025, la prochaine décision de la BCE pourrait également être retardée. Des taux «plus hauts plus longtemps» aux États-Unis impliquent des taux «plus hauts plus longtemps» en Europe. Ainsi, même si la BCE a été la première à ciller, tous les regards restent tournés vers la Fed.

Bien que la BCE ait eu des raisons impérieuses de ne pas attendre la Fed, en réduisant ses taux avant la Fed pour la première fois de son histoire, Lagarde se méfiera d’une divergence des politiques. L’élargissement de l’écart risquerait d’exercer une pression à la baisse sur l’euro, ce qui augmenterait les risques de résurgence inflationniste.

Le risque de ralentissement de la désinflation pèsera lourdement sur les décisions de la BCE, et la Fed continuera probablement de montrer le chemin, même si elle n’est plus en éclaireur. Pour Lagarde, cependant, ce sera une attente frustrante, car l’inflation américaine persiste.

Un pas en avant, deux pas en arrière pour la Fed

Tout comme la BCE a suggéré qu’elle évitera probablement une baisse en juillet, cette option ayant été rejetée pour la Fed car les chiffres sur les salaires s’opposaient fortement à la direction dont elle a besoin. Le dernier rapport sur les emplois aux Etats-Unis a montré que 272’000 emplois ont été ajoutés en mai, dépassant considérablement les prévisions consensuelles de 180’000, tandis que la croissance des salaires a également surpris à la hausse avec une augmentation de 4,1% en glissement annuel.

La BCE sera désireuse que la Fed commence le cycle de réduction, mais ces résultats n’offrent pas beaucoup d’optimisme. Ces chiffres ont sabordé le message selon lequel d’autres données économiques récentes indiquaient un ralentissement de l’économie américaine, et ont finalement contribué à la décision de la Fed de ne pas modifier les taux lors de sa réunion de juin. Bien que nous soyons persuadés qu’une réduction en septembre soit toujours possible, un autre ensemble de chiffres défavorables tel que le rapport d’emploi de mai pourrait également la réduire à néant.

En dépit des récentes données encourageantes sur l’IPC, les prévisions réservées de la Fed suggèrent qu’elle aura besoin de plus de trois mois de chiffres plus favorables avant de pouvoir être convaincue de réduire les taux.

La conviction du président Powell a finalement été renforcée, à savoir que les données d’inflation élevées du premier trimestre n’étaient qu’un accident de parcours, mais un formidable contingent de la Fed est très préoccupé par la toile de fond de l’inflation.

Les opportunités aux États-Unis persistent malgré tout

L’économie américaine est toutefois restée solide, les entreprises et les ménages ayant été relativement épargnés par les hausses de taux.

Les ménages ont contracté des prêts hypothécaires à taux fixe pour une durée pouvant aller jusqu’à 30 ans, ce qui les met à l’abri des hausses, tandis que les entreprises ont fixé leur dette en 2020 à des niveaux historiquement bas pour une durée de 3 à 5 ans, ce qui leur permet également de résister à ces hausses. Il s’agit en fin de compte d’une bonne nouvelle pour les investisseurs: grâce à son marché du travail solide et une économie résiliente, les États-Unis offrent des opportunités dans toutes les catégories d’actifs.

Bien que le débat sur les taux ait récemment mis un peu en difficulté les actifs à risque, ce qui motive réellement les actions, ce sont les fondamentaux de l’économie et des bénéfices, qui sont tous deux solides. Ainsi, une vague de rendements positifs peut se présenter à l’horizon.

De même, les obligations et les actifs réels pourraient offrir des opportunités intéressantes, bien que les investisseurs doivent prendre en compte que la duration est essentielle pour bénéficier le plus des réductions de taux à venir. Alors que l’inflation persiste et est susceptible de rester au-dessus de l’objectif de 2% de la Fed pour les années à venir, les actifs réels fourniront une source essentielle d’atténuation de l’inflation.

En dehors des Etats-Unis, la trajectoire des taux d’intérêt est plus claire, même si l’environnement économique est plus faible. A ce titre, bien des facteurs dépendent de la Fed à l’échelle mondiale pour ouvrir la possibilité aux banques centrales de réduire les taux avec conviction.

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