Les stablecoins sont des cryptomonnaies ayant un lien stable avec un actif traditionnel. Dans le secteur des crypto-monnaies, les stablecoins en dollars américains jouissent d'un statut quasi monopolistique. En effet, partout dans le monde, les utilisateurs des principales blockchains utilisent des versions numériques du dollar. D'autres monnaies comme l'euro ou le franc restent des produits de niche. Et avec les nouvelles règles de la Finma, cela ne devrait pas changer de sitôt.
Licence bancaire et procédures KYC complètes
Dès 2019, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers s'est prononcée sur les obligations légales des émetteurs de stablecoin. Au cours des dernières années, le marché a toutefois pris une importance considérable. Il est donc d'autant plus important de disposer de règles claires, explique la Finma dans son communiqué de surveillance publié récemment. En se référant à la législation suisse, l'autorité explique que les émetteurs de stablecoins doivent d'une part présenter une licence bancaire. Ce n'est pas une mince affaire : selon les estimations, l'obtention d'une licence bancaire en Suisse coûte entre 10 et 15 millions de francs.
Au niveau international, aucune juridiction ne gère l'émission de stablecoins de manière aussi stricte que la Finma.
D'autre part, il y aurait une relation d'affaires durable au sens de la législation sur le blanchiment d'argent. L'émetteur doit ainsi identifier chaque détenteur de son stablecoins en tant que contrepartie via une procédure dite Know Your Customer (KYC). Pas facile non plus, puisque les cryptomonnaies peuvent être librement transférées entre utilisateurs.
Cri d'alarme du secteur
Les représentants du secteur n'ont pas laissé ces dispositions sans commentaire. La Swiss Blockchain Federation, une association d'intérêts bénéficiant d'un large soutien dans le monde politique suisse, a notamment vivement critiqué la Finma. Selon la fédération, cette identification généralisée de tous les utilisateurs n'a en effet aucune base légale. Et dans les faits, l'émission de stablecoins depuis la Suisse serait rendue impossible.
La Finma a répondu à la publication financière Finews que les lignes directrices publiées depuis 2021 étaient une pratique établie. La communication actuelle ne fait que mentionner les bases légales pertinentes déjà existantes. L'autorité agit comme toujours selon le principe de neutralité technologique «same business, same risks, same rules».
La «Crypto Valley» est-elle en train de prendre du retard?
Au niveau international, aucune juridiction ne gère l'émission de stablecoins de manière aussi stricte que la Finma. Pas plus que le Groupe d'action financière (GAFI), un organisme international chargé d'élaborer des règles en matière de blanchiment d'argent, dont la Suisse s'inspire. Dans l'Union européenne, il existe même depuis le milieu de l'année une loi sur les stablecoin taillée sur mesure. En conséquence, la Swiss Blockchain Federation fait remarquer que certaines possibilités d'arbitrage réglementaire s'ouvrent.
Les règles de la Finma ne s'appliquent en effet qu'à l'émission de stablecoins, mais pas à leur distribution. Ainsi, une entreprise peut sans problème émettre un stablecoin dans l'UE et le proposer sans restriction en Suisse. Il est possible que la place financière suisse perde des projets de stablecoin innovants au profit de l'étranger. Ce serait dommage, surtout dans une industrie en croissance rapide dont la valeur actuelle du marché est d'environ 170 milliards de dollars américains.