Le rebond épidémique pèse sur les marchés

Axel Botte, Ostrum AM

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Alors que la crise sanitaire s’aggrave aux Etats-Unis et que Biden domine les sondages, la fin de semestre accentue les flux vendeurs d’actions.

©Keystone

L’épidémie ne semble pas sous contrôle aux Etats-Unis, en particulier dans les états du sud du pays. Ce constat prévaut sur le redressement économique dépeint par les enquêtes conjoncturelles et pèse sur les marchés d’actions américains qui abandonnaient 2% la semaine passée.

L’Europe est relativement épargnée mais la fin de semestre engendre des prises de profit, qu’on observe aussi sur le crédit. Les flux finaux acheteurs ralentissent des deux côtés de l’Atlantique et l’activité primaire reste soutenue de sorte que les spreads oscillent autour de 145pb. Les indices high yield terminent la semaine sur un écartement de 39pb aux Etats-Unis et 16pb sur l’iTraxx XO (407pb).

Le rally n’empêche pas un élargissement des points morts.

Sur les marchés de taux, le T-note a bénéficié de l’accès d’aversion pour le risque. Le rendement américain à 10 ans s’échange autour de 0,65%. Le rally n’empêche pas un élargissement des points morts. En zone euro, le Bund glisse vers -0,50% et les swap spreads s’écartent. Les spreads souverains ont en revanche peu bougé grâce à la BCE et à un solide consensus acheteur de dettes périphériques après le TLTRO-III. 
Le dollar s’est renforcé à la suite de mesures protectionnistes américaines envers l’Europe. Le yen se déprécie vers 107,5 pour un dollar laissant à l’once d’or le rôle de valeur refuge. L’euro résiste néanmoins à 1,126 dollar.

Le graphique de la semaine

Le point mort reflète l’anticipation du marché de l’évolution des prix. La plupart des emprunts indexés européens sont basés sur l’inflation hors tabac de la zone euro. 
Or, le niveau actuel des points morts (-0,20% à l’horizon de 3 ans sur les BTPei) reste incompatible avec l’inertie de l’inflation sous-jacente (proche de 1% l’an). Le risque de crédit et la liquidité interviennent dans l’évaluation du titre (en réduisant le point mort indépendamment des perspectives d’inflation). Les BTPei intègrent ainsi une prime de risque attrayante.
 
 
La reprise américaine confrontée à la résurgence du virus

Les dernières observations indiquent une nette inflexion à la hausse des nouvelles contaminations aux Etats-Unis. Le total de nouveaux cas de COVID-19 dépasse le pic épidémique d’avril. Cette dégradation s’observe partout avec des développements particulièrement inquiétants dans le sud du pays, de l’Arizona au Texas et à la Floride. Elle requerra sans doute la remise en place rapide de nouvelles mesures de précaution sanitaire. La crise de santé publique pèse largement sur les intentions de vote pour l’élection présidentielle de novembre. L’avance de Joe Biden est considérable (de l’ordre de 12 points) et les sondages actuels indiquent un raz de marée démocrate. Le sénat pourrait même basculer dans le camp démocrate. 

Les plans de licenciements annoncés en mai
sont 10 fois plus élevés que la norme d’avant crise.

L’épidémie de COVID-19 repart, alors que l’économie américaine montrait des signes de redressement encourageants depuis l’effondrement conjoncturel d’avril. Le PIB du deuxième trimestre marquera néanmoins une contraction historique. L’activité a probablement baissé de 45% en rythme annuel entre avril et juin. Les enquêtes manufacturières régionales ont surpris à la hausse en juin. L’immobilier résidentiel résiste grâce au soutien de la Fed. La consommation de ménages, principal poste de la demande, se reprend (+8,1%m en mai) sans toutefois effacer la baisse du mois précédent (-12,2%m). Cependant, les inscriptions hebdomadaires au chômage demeurent élevées à environ 1,5mn et il est à craindre que les pertes d’emplois actuelles s’avèrent plus durables. Les plans de licenciements annoncés en mai sont en effet 10 fois plus élevés que la norme d’avant crise. Les entreprises ont entamé leurs restructurations pour s’adapter à la nouvelle donne économique. Le soutien budgétaire fédéral complétant les allocations chômage à hauteur de 600 dollars par semaine devra probablement être prolongé au-delà du mois de fin juillet. Un nouveau plan budgétaire de plus de 1’000 milliards de dollars devrait être lancé dans les prochaines semaines.

Quid des flux de rebalancements de fin de trimestre?

Concernant les marchés financiers, la fin de semestre est propice aux réajustements de portefeuilles. Les fonds de pension américains et japonais pourraient réduire leurs expositions sur les actions de quelque 95 milliards de dollars selon JP Morgan. Les fonds souverains et des fonds d’allocation profiteraient aussi de la remontée des actions plaide pour réallouer sur l’obligataire. La fin de semaine en baisse sur les principaux indices actions laisse présager d’une orientation plus prudente des portefeuilles institutionnels. 

La sous-performance des facteurs qualité et le rebond des cycliques décotées touchent à leurs fins. Les niveaux de valorisations sont en outre préoccupants alors que se profile la saison des résultats du 2T 2020. Aux États-Unis, les prévisions de BPA pour les entreprises du S&P 500 font état d’une chute de 9% sur trois mois. La reprise anticipée pour la seconde partie de l’année semble optimiste au regard des risques sanitaires et économiques et repose pour partie sur l’effet de levier. Les valorisations actuelles laissent peu de place pour une déception. Il s’agit sans doute de la raison principale de la persistance de la volatilité. Cela favorisera de nouveau les actions offrant la meilleure visibilité. Dans le secteur financier, les stress tests de la Fed révèlent des pertes de crédit potentielles de 700 milliards de dollars pour les 34 banques étudiées dans le scénario le plus défavorable. Compte tenu de ces risques sur la stabilité financière, la Fed a plafonné le versement des dividendes et interdit les rachats d’actions au 3T 2020. Le retour total à l’actionnaire représentait près de 15% de la capitalisation boursière des banques du S&P sur le premier trimestre. 

L’évolution inquiétante de l’épidémie
aux Etats-Unis soutient les marchés de taux.

En zone euro, les indices ont chuté d’1% la semaine passée. L’ensemble de la cote perd du terrain dans des volumes peu étoffés. Le transport et les activités de loisirs replongent de 5% comme les ressources de base (-4%). La saison des résultats s’approche. Les bénéfices sont toujours attendus en baisse de 23% en 2020. Les ratios de valorisation se sont ainsi renchéris à plus de 16x. 

Repli vers les taux

Concernant les marchés obligataires, l’évolution inquiétante de l’épidémie aux Etats-Unis soutient les marchés de taux. Le T-note à 10 ans s’établit sous 0,65%. La fuite vers la sécurité engendre naturellement un aplatissement de la structure par terme. Les prochaines données d’emplois publiées en fin de semaine pourraient accentuer le mouvement malgré le redressement des enquêtes de conjoncture de juin. La publication des minutes du dernier FOMC éclairera les intervenants quant à la mise en oeuvre possible d’une politique de ciblage des taux longs. 

En zone euro, le rendement du Bund traite vers -0,50% après les injections de liquidité de la BCE (TLTRO-III et PELTRO). Les swap spreads se normalisent gagnant 5 à 6pb sur la semaine. Le succès du PELTRO (15,6 milliards d’euros) pourrait signifier que des petites banques ont emprunté le maximum autorisé lors du dernier TLTRO-III. Ces liquidités alimenteront probablement les opérations de portage sur les dettes souveraines courtes. La perception du risque de crédit souverain italien s’est nettement améliorée mais il subsiste des primes de risque et de liquidité anormales sur les BTP. Les spreads périphériques conservent une marge de resserrement.

Le crédit marque une pause due à la fois aux émissions et à un ralentissement des flux finaux. La réduction des primes d’émission témoigne néanmoins d’une certaine rareté du papier. Les spreads actuels ont effacé le stress de mars mais se situent encore sur des niveaux proches des sommets de 2015-2016 et automne 2018.

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