Le monde en manque de tout – Prévisions de Saxo Bank

Communiqué, Saxo Bank

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«Nous vivons l’épilogue d’un modèle raté qui imposait de paraître et de croître», estime l’économiste en chef et CIO Steen Jakobsen dans les prévisions pour le deuxième trimestre 2021.

Saxo Bank, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui ses prévisions pour le deuxième trimestre 2021 pour les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, le marché des changes, les devises, les matières premières, les obligations et toute une série de thèmes macroéconomiques centraux ayant un impact sur les portefeuilles des clients.  

«L’effort colossal consenti par les décideurs politiques pour relever les trois plus grands défis de notre époque que sont la lutte contre les inégalités, la transformation écologique et le développement des infrastructures se paiera au prix fort, sous forme d’inflation et d’un coût marginal du capital plus élevé. Parallèlement, on prendra conscience de la nécessité de leur accorder des priorités distinctes.» 

«Aujourd’hui, on ne peut plus croire que l’on pourra relancer l’économie grâce à la création de crédit, en bricolant le prix de la monnaie, en se reposant sur le système bancaire et en se concentrant sur la seule stabilité financière», avertit Steen Jakobsen, économiste en chef et CIO de Saxo Bank. 

"Nous assistons à un violent changement d'orientation de la part des décideurs politiques, qui délaissent la stabilité financière au profit de la stabilité sociale Une évolution que nous pourrions qualifier de paradigme de la stabilité sociale. En un mot, le nouveau mantra pousse à imprimer et à dépenser autant de monnaie que possible tant que l’inflation et les taux sont bas. Cela paraît très simple, mais il faut réfléchir aux conséquences de cette nouvelle politique, tels que les risques d’une inflation galopante.» 

«L’heure n’est plus à l’inflation des actifs. On met désormais l’accent sur l’augmentation des revenus par rapport au capital, qui impliquera, sur la durée, une hausse de l’inflation des salaires et une baisse du rendement des fonds propres.» 

«Les actifs tangibles vont surperformer les intangibles, et les actifs à convexité positive seront gagnants. Les contraintes croissantes d’approvisionnement et la demande excédentaire, du côté des gouvernements, en ressources de base, est le talon d’Achille de ce «libre marché». On observe ensuite une légère hausse des taux d’intérêt, une plus forte volatilité, mais également l’environnement macroéconomique le plus favorable que j’ai vu de ma vie.» 

«Nous vivons l’épilogue d’un modèle raté qui imposait de paraître et de croître, et les gouvernements ont allumé les moteurs de la monnaie hélicoptère, persuadés de l’absence de conséquences inattendues.» 

«Investisseurs, retenez surtout ceci: vous vivez désormais dans un monde différent de tout ce que vous avez pu voir jusqu’ici.»

Les actions mises à rude épreuve par la hausse du coût des intrants 

Le monde numérique a pu se développer sur la base du monde physique qui le sous-tend, mais le vent semble à présent tourner. Avec la hausse des taux d’intérêt, l’évaluation des actions pourrait être revue à la baisse dans les segments de croissance les plus spéculatifs, comme les bulles financières, et le niveau de l’inflation, supérieur à 3,8%, est une mauvaise nouvelle pour les rendements réels des actions. Les investisseurs pourraient souhaiter augmenter leur exposition au secteur des matières premières et aux entreprises de bonne qualité dotées d’un faible effet de levier. On peut également s’attendre à voir se multiplier les manchettes négatives sur les réglementations antitrust et autres affectant les grandes entreprises technologiques américaines. 

Peter Garnry, chef stratégiste en actions, explique: «Dans l’ensemble, nous ne sommes pas inquiets pour les actions dans la mesure où le MSCI World Index, actuellement évalué à un rendement de 5,8 % sur les flux de trésorerie disponibles à terme, offre toujours une prime de risque attrayante pour ces titres.» 

«Qu’en est-il du secteur des loisirs à l’heure du redémarrage économique? Les prix y ont atteint des niveaux record, miroir d’un scénario de rebond excessivement optimiste. Mais le rapport risque-rendement est tout simplement mauvais.» 

«La hausse des taux d’intérêt risque fort d’entraîner un ajustement à la baisse des évaluations d’actions dans les secteurs de croissance les plus spéculatifs selon nos observations fin février début mars. Lorsque les vaccins seront administrés, permettant la réouverture de l’économie américaine, celle-ci sera dans une situation de très forte stimulation, sans écart de production. Cette configuration pourrait déclencher une inflation réelle pendant une période prolongée.» 

«Les mois de hausse de l’inflation sont associés à une baisse des rendements réels relatifs des actions. Par ailleurs, il faut comprendre que l’inflation augmente le coût du capital et introduit de la volatilité, compliquant la prise de décision pour les entreprises.» 

«La transformation verte et la tendance ESG vont également accentuer les pressions inflationnistes, car il est plus coûteux de développer les sources d’énergie non renouvelables et la capacité d’extraction des métaux indispensables à l’électrification de la société.» 

«L’UE lutte depuis longtemps contre les géants technologiques américains, et la Chine a intensifié ses efforts pour accroître la concurrence et réduire les comportements monopolistiques. Il semble également que Washington réglementera de plus en plus les grandes entreprises.» 

«La hausse de l’inflation, du coût du capital, de la réglementation et des affaires d’entente risque de ronger les marges bénéficiaires et d’inverser le vent arrière dont les entreprises bénéficient depuis des décennies.» 

Impossible d’échapper au marché obligataire 

Les investissements sûrs de l’année dernière sont désormais trop risqués. Tous les titres, des obligations souveraines à celles d’entreprises «investment-grade» (IG), se dévaluent rapidement. Fait crucial, la corrélation entre les rendements du Trésor et ceux des junk bonds est désormais négative et au deuxième trimestre, la duration représentera une menace bien plus forte que le risque de crédit pour le marché. Mais si les États-Unis peuvent s’accommoder d’une hausse des rendements du Trésor, l’Europe, elle, n’en a pas les moyens. 

«L’essentiel est de se méfier de la convexité en éliminant les actifs au rendement quasi nul, tout en poursuivant la constitution d’un tampon contre la hausse des taux d’intérêt avec des crédits à rendement plus élevé», conseille Althea Spinozzi, stratégiste en obligations à revenu fixe à Saxo Bank. 

«Ce trimestre, le marché obligataire va se retrouver à court d’options et seuls les titres à haut risque clôtureront ces trois premiers mois dans le vert. La lune de miel sera cependant de courte durée, en raison de la pression croissante exercée par la hausse du coût du capital.» 

«La hausse du coût du capital a un impact négatif sur les actifs risqués et les taux devront augmenter rapidement et se maintenir à un niveau élevé pour provoquer une vente massive de titres. Celle-ci pourrait se concrétiser prochainement, lorsque les rendements du Trésor à 10 ans dépasseront durablement les 2%.» 

«Nous attirons l’attention des investisseurs sur le fait que la corrélation entre les rendements du Trésor et ceux des junk bonds est désormais négative: si les rendements continuent d’augmenter, les junk bonds vont dégringoler, comme cela s’est passé lors du taper tantrum de 2013.» 

«Avec un taux d’équilibre à 10 ans de 2,2%, le rendement des obligations IG sera entièrement érodé par l’inflation. Il est toutefois possible de limiter considérablement la durée puisque l’on peut s’assurer un rendement supérieur à 2,5% avec une durée moyenne de quatre ans. Voilà pourquoi ces titres continuent d’occuper une place centrale dans un portefeuille, pour la gestion et la diversification du risque.» 

«Au deuxième trimestre, la duration représentera une menace bien plus forte que le risque de crédit pour les marchés. La baisse des rendements, à l’échelle mondiale, oblige les investisseurs à prendre davantage de risque ou à allonger la duration pour assurer des rendements supplémentaires. Ceux qui opteront pour le risque résisteront peut-être à une hausse des rendements, le revenu du coupon jouant alors le rôle de tampon, mais ceux qui auront privilégié une convexité élevée se retrouveront avec un portefeuille excessivement sensible aux fluctuations des rendements.» 

«Si les perspectives économiques des États-Unis peuvent s’accommoder d’une hausse des rendements du Trésor, l’Europe, elle, manque de mesures de relance budgétaire unifiées. Une hausse des rendements dans la zone euro pourrait provoquer un resserrement plus rapide des conditions financières, entravant une éventuelle reprise.» 

«En augmentant, les rendements constitueront une meilleure alternative aux obligations souveraines européennes. Habituellement perçues comme plus risquées, elles continuent d’offrir des rendements historiquement bas, bien inférieurs à ceux du Trésor américain une fois couverts contre l’EUR.» 

«Une telle rotation a de quoi provoquer une liquidation des titres souverains dans la périphérie, entraînant un événement de marché accompagné d’une hausse rapide des rendements des obligations d’État. Ceux-ci passeront probablement très vite de 0 à 100 points de base, ce qui resserrerait considérablement les conditions financières dans les pays les plus faibles de l’UE.» «Dans ce contexte, le stimulus monétaire de la BCE se révèlera inadéquat et dans le cadre de la PEPP, elle devra ajuster les achats en faveur des pays les plus volatils. Au même moment, l’UE devra prendre de nouvelles mesures en faveur de l’unité budgétaire.»  

Les matières premières en hausse continue en raison des déficits de l’offre 

Le rallye des matières premières s’est sensiblement synchronisé dans les trois secteurs de l’énergie, des métaux et de l’agriculture. La perspective d’un nouveau «super-cycle» demeure. Toutefois, les perspectives à court terme pourraient devenir plus difficiles, dans la mesure où les investissements «papier» ont été exposés à la réduction de l’appétit au risque provoquée par la récente hausse des rendements obligataires. 

La hausse du pétrole brut devrait se poursuivre au cours des prochains mois. Le risque existe cependant qu’une reprise fondée sur l’offre plutôt que sur la demande ralentisse ce retour. Parallèlement, les perspectives de hausse de l’inflation semblent devoir soutenir l’or et l’argent dans les mois à venir. La demande de cuivre devrait elle aussi rester forte dans le contexte de l’accélération de la décarbonation. L’agriculture est le seul secteur où la reprise pourrait se calmer, à l’heure où l’on commence à semer et à cultiver dans l’hémisphère Nord. 

«Suite à la flambée des rendements obligataires américains depuis début janvier, le succès récent des secteurs à attirer des quantités record d’achats spéculatifs pourrait, à court terme et malgré des fondamentaux solides, forcer une correction ou au mieux une période de consolidation», déclare Ole Hansen, responsable de la stratégie des matières premières chez Saxo Bank. 

«Le pétrole brut devait continuer à augmenter au cours des prochains mois, la hausse de la demande de carburant permettant à l’OPEP+ d’accentuer la baisse spectaculaire de la production. Cette stratégie restera efficace aussi longtemps que la demande mondiale de carburant augmentera de 5,4 millions de barils par jour et que la croissance de l’offre hors OPEP reste modérée, à moins d’un million de barils par jour.» 

«En ce qui concerne le deuxième trimestre, la reprise de l’or et de l’argent se base sur la perspective d’une hausse de l’inflation plus importante que celle escomptée par le marché. L’or pourra cette année atteindre 2000 dollars l’once. L’argent pourrait faire encore mieux en grimpant à 33 dollars l’once, grâce à l’effet d’entraînement supplémentaire d’un secteur industriel très demandeur.» 

«La transformation verte, désormais mondiale, va demander des quantités astronomiques de cuivre alors même que le futur canal d’approvisionnement semble relativement faible. Selon nous, le cours du cuivre HG se négociera dans une large fourchette, la tendance à la hausse depuis le creux de 2020 limitant la baisse, tandis que la hausse se concentrera d’abord sur le record de 2011 à 4,65 dollars la livre.» 

«La forte reprise de l’agriculture et l’engagement record des investisseurs semblent devoir s’essouffler. En effet, au cours des prochains mois, l’accent sera mis sur les conditions d’ensemencement et de croissance. Un départ en fanfare pourrait exposer les positions les plus élevées en maïs et en soja à une correction, tandis que la demande de la Chine sera également surveillée de près avec les nouveaux foyers de peste porcine africaine.» 

Perspectives pour le marché des changes: l’affaiblissement du dollar américain indispensable au désendettement de l’économie mondiale 

Au deuxième trimestre, le dollar américain devrait à nouveau baisser, même si la volatilité persiste. La livre sterling pourrait quant à elle poursuivre la poussée qu’elle a connue au premier trimestre. Toutefois, l’effet d’entraînement lié au succès de la vaccination précoce va ralentir en termes relatifs, tandis les problèmes post-Brexit subsistent. Si l’économie mondiale sort la tête de l’eau après la vaccination au deuxième trimestre, comme nous l’espérons, nous pensons que les devises liées au pétrole, comme la couronne norvégienne et le dollar canadien, devraient être achetées à la baisse. En Asie, les rendements réels devraient s’avérer supérieurs, car le centre de gravité que constitue la Chine dans la région maintient sa monnaie forte et stable par rapport aux États-Unis. Mais cela pourrait constituer un signal très négatif pour le yen (et l’euro) si les rendements mondiaux et les matières premières continuent d’augmenter rapidement sans que leurs rendements de suivre. 

«Le dollar américain devra absolument finir par redescendre pour que l’économie mondiale reste sur la voie de la reflation. Forte, cette devise est tout simplement trop toxique. Le deuxième trimestre devrait permettre au dollar d’amorcer cette descente, même si les problèmes évoqués plus haut génèrent une volatilité bilatérale similaire à celle observée au premier trimestre», déclare John Hardy, responsable de la stratégie de change chez Saxo Bank. 

«La voie la plus rapide vers une reprise de la vente du dollar américain serait que les rendements américains à long terme ne dépassent guère les sommets du cycle établis au premier trimestre. Par ailleurs, la mise en œuvre des mesures de relance pourrait entraîner une hausse rapide des rendements américains à long terme et un renforcement du dollar américain. À partir d’un certain niveau de hausse des rendements à long terme et même d’une hausse du dollar, la Fed et le Trésor devront réagir.» 

«Si le contrôle de la courbe des taux peut être la prochaine étape logique, il s’agit d’une mesure radicale et il serait très prématuré de provoquer cette évolution dès le deuxième trimestre.» 

«Nous anticipons une hausse à long terme des matières premières, en raison du sous-investissement radical dans ce secteur, que la pandémie a encore aggravé. Le dollar australien devrait continuer à surperformer au cours des prochains trimestres. En Asie, le centre de gravité qu’est la Chine maintient la solidité et la stabilité de sa monnaie par rapport aux risques de volatilité que fait peser sur le dollar le changement radical de politique aux États-Unis.» 

«L’euro a été assez faible au premier trimestre, et le yen horriblement bas. Si les rendements mondiaux et les matières premières continuent d’augmenter rapidement, cela pourrait constituer un signal extrêmement négatif pour ces devises. La seule chose qui compense ce risque, ce sont les importants excédents traditionnels de la balance courante que ces blocs maintiennent habituellement, même si ceux-ci seront érodés si les prix des matières premières s’emballent.» 

«La livre sterling pourrait poursuivre la poussée de force dont elle a bénéficié au premier trimestre. Le vent arrière lié au succès de la vaccination précoce va s’estomper et le Royaume-Uni semble isolé sur les relations commerciales, parallèlement aux soubresauts post-Brexit qui agitent ses liens avec l’Europe. En contrepartie, des flux de capitaux considérables reviendront au Royaume-Uni.»

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